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4 décembre 2014

Poutine à la Douma

Sur RUSSEUROPE le blog de  JACQUES SAPIR

Poutine à la Douma

4 décembre 2014
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Le Président de la Fédération de Russie, Vladimir Poutine, a fait son discours devant le Parlement de Russie ce jeudi 4 décembre. C’est un exercice convenu, qui s’apparente au « discours sur l’état de l’Union » que fait le Président des Etats-Unis. S’il n’y a pas eu de « révélations » dans ce discours, il faut cependant en retenir les points suivants.

 

1. Une tonalité offensive vis-à-vis des pays occidentaux.

On s ‘attendait à un discours largement centré sur l’économie. Les turbulences du cours du rouble alimentaient cette attente. Or, la majeure part de ce discours a été réservée à la politique internationale. Le Président Poutine s’est exprimé de manière très ferme sur la politique américaine à l’égard de la Russie, ce qui n’est pas en soi nouveau, mais aussi sur la politique des pays européens, ce qui l’est nettement plus. Il se situe dans le cadre d’un affrontement de longue durée avec les Etats-Unis, ce qui ne pourra que renforcer les tendances au rapprochement avec Beijing.

Il faut noter qu'au prochain sommet de l'OSC, qui se tiendra à Oufa, au Bachkotorstan en Russie, au printemps 2015, l'Inde et le Pakistan vont faire acte de candidature et seront acceptés dans cette organisation. Ceci ne pourra que renforcer le poids international de la Russie.

 

2. Quelle politique économique ?

Sur la politique économique, trois annonces méritent de retenir l’attention. La première est proclamatoire. Vladimir Poutine a réaffirmé sa confiance dans une économie que l’on peut appeler « décentralisée ». Il a indiqué qu’il n’était pas question de « mobiliser l’économie ». La seconde va en apparence dans le même sens. Il a indiqué différentes mesures en faveur des PME/PMI :

  • (a) Un projet de gel de l’impôt sur les sociétés pour les 4 années qui viennent.
  • (b) Un projet de geler la « supervision » par les autorités publiques des PME pour une période de 3 ans. Mais, ceci ne concerne que les PME qui n’auront pas eu à faire avec les autorités fiscales dans la période précédente. Si cela peut constituer un bon signal pour la création d’entreprises, il est clair que le nombre de bénéficiaires sera réduit au sein des PME existantes.
  • (c)  Il a offert une amnistie à tous ceux qui rapatrieraient leur capital en Russie.

Ces mesures sont certainement favorables, mais nettement moins qu’on ne peut le penser de prime abord. Elles favorisent plutôt les nouvelles PME que les PMR existantes. Quand aux effets de l'amnistie, ils ne seront importants que si se met en place une véritable politique pénalisant l'évasion fiscale.

Dans le même temps, il a indiqué que les administrations publiques allaient soutenir l’activité, en particulier au niveau local. Ceci implique que les liens avec l’Etat resteront forts. Ce n’est pas une mauvaise nouvelle, loin de là. Elle implique que les administrations et les entreprises publiques vont soutenir l’activité locale, ce qui est une bonne chose. Mais, ceci pose aussi le problème des canaux de cette action. On peut penser que le gouvernement va mettre en place un système de prêts bonifiés pour lutter contre la hausse des taux suite à l’action de la Banque Centrale.

 

3. L’action de la Banque Centrale et la question du Rouble.

Sur ce point, le discours de Vladimir Poutine a été clair. Il a réitéré sa confiance dans la Banque Centrale et ne s’est pas montré alarmiste sur la question du Rouble. En effet, on connaît les engagements à court terme des banques et des entreprises russes vis-à-vis de l’étranger. Ces engagements, compte tenu des sanctions de la part des Etats-Unis qui paralysent les banques occidentales, expliquent en partie la chute du Rouble.

Graphique 1

En pourcentage du niveau du 1er septembre 2009 A-Rouble

Ces engagements montrent qu’il y a un pic de paiements en décembre, mais que l’ampleur des paiements devrait rapidement baisser dans le cours de 2015. Cela implique que la demande en dollars va faiblir au début de l’année.

Graphique 2

A - Paiements à Venir

Cet affaiblissement de la demande en dollars va se cumuler avec une probable remontée du prix du pétrole, à partir de mai-juin 2015. En effet, si ce prix devait descendre en dessous de 60 USD le baril, une partie de l’industrie pétrolière américaine serait en difficulté (en particulier dans le secteur de l’huile et du gaz de schiste). Or, les banques américaines ont largement consentis des crédits à ce secteur. Il est donc probable qu’après un mouvement baissier qui n’est pas terminé, le prix du baril revienne se stabiliser autour de 75-80 USD. Si tel est le cas, l’économie russe devrait connaître une croissance de 0,5% à 1% en 2015. On voit déjà que l’industrie profite de la dépréciation du rouble.

Graphique 3

A - ProIndus

Mais, en même temps, Vladimir Poutine a explicitement dit que le gouvernement connaissait le nom des spéculateurs qui ont pris des positions à la baisse du Rouble et il a demandé à BCR de les « punir ». Il est possible que cette dernière intervienne en sous-main pour faire remonter le rouble, prenant ainsi les spéculateurs à contre-pied. Mais, on peut aussi interpréter cette partie du discours du Vladimir Poutine comme un avertissement en vue de sanctions autres qu’économiques. On rappelle que fonctionne à la Banque Centrale un système expert qui permet d’identifier les opérations douteuses.

En tout état de cause, ce discours a maintenu la ligne de crête sur laquelle évolue le gouvernement russe : pas de recentralisation ou de nationalisations spectaculaires, un appui institutionnel aux PME, mais un renforcement des règles et des moyens de lutte contre la spéculation. Cependant, on note aussi que le temps de l’endettement à l’étranger, et en particulier auprès des fonds de pension américains, semble bien terminé. Ceci impliquera probablement, que Poutine l’admette ou pas, un renforcement du rôle de l’Etat. Beaucoup de choses se joueront alors sur la capacité de Vladimir Poutine à améliorer significativement l’efficacité de l’administration publique en Russie.

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