« Les Français des 1ère et 8ème circonscriptions de l’étranger ont dû voter de nouveau en mai et juin 2013 après l’annulation des élections législatives de juin 2012. Des résultats qui ont été commentés par la presse française, en faisant silence sur ce qui est sans doute le plus important.
Souligné par tous les journaux, les deux candidats socialistes ont été battus ; ce qui ne fait que confirmer les résultats des élections partielles précédentes. Souligné encore, la victoire dans la première circonscription (États-Unis, Canada) de l’UMP Frédéric Lefèvre qui fut député des Hauts-de-Seine et, un temps, porte-parole du gouvernement de la droite sarkozyste. En comparaison, l’élu de la 8ème circonscription, Habib Meyer, inconnu du public, n’a guère fait l’objet de commentaires. Il y avait pourtant beaucoup à dire.
Curriculum vitae d’un nouveau député
Agé de 52 ans, originaire d’une famille italo-tunisienne mais né à Paris, il a acquis dans les années 70 la nationalité israélienne. Depuis plus de vingt ans, il est directeur général du groupe Vendôme (joaillerie). Mais surtout, il n’a cessé d’être très actif dans les milieux communautaires juifs, au point de devenir vice-président du CRIF et responsable de sa commission « Israël ». Cette fonction l’a introduit dans les milieux politiques français et auprès de Nicolas Sarkozy avec lequel il entretient des relations amicales. Mieux : Habib Meyer est un conseiller de Netanyahu qui l’a qualifié de son « meilleur ami ». Les téléspectateurs de France 3 ont entendu, le 13 avril 2009, un échange musclé entre Meyer et Shlomo Sand (1).
Les élections de la huitième circonscription de l’étranger Cette circonscription a été faite sur mesure pour que ce soit un franco-israélien qui soit élu (2). En effet, composée de manière hétéroclite de l’Italie, du Vatican, Malte, de la Grèce, Chypre, d’Israël et de la Turquie, les électeurs français résidant en Israël totalisent 78.000 sur les 120.000 inscrits sur les registres consulaires.
En 2012, Habib Meyer n’était pas candidat dans cette circonscription ; c’est Philippe Karsenty, un inconditionnel d’Israël, conseiller municipal de Neuilly-sur-Seine, qui l’était ; il s’était illustré en lançant la campagne contre Charles Enderlin dans l’affaire Al-Durah (3) . Las, Karsenty fut éliminé au premier tour avec seulement 14,45 % des voix.
L’annulation de ces élections redonna une chance aux plus extrémistes pro-israéliens. Cette fois, Philippe Karsenty s’effaça au profit de son grand ami Habib Meyer, en le recommandant pour sa position contre Charles Enderlin.
La campagne de 2013
Habib Meyer s’est présenté comme le candidat de l’UDI, le parti de Jean-Louis Borloo ; selon lui, Borloo lui a garanti une liberté totale de parole pour défendre l’État juif. De François Hollande, il déclare que s’il ne soutient pas sa politique économique, il a chez lui ses « entrées ».
Habib Meyer ne s’est adressé, dans sa campagne, qu’aux résidents en Israël. Dans son programme, il soutient le transfert de l’ambassade de France de Tel-Aviv à Jérusalem (4) . Pour sauver les apparences et lui assurer des voix supplémentaires hors d’Israël, son suppléant, Éric Véron, ancien supporter de Sarkozy lors de la campagne de 2007, réside par contre à Milan.
Le 20 mai, dans une déclaration enregistrée par la télévision, Netanyahu (surnommé Bibi par ses supporteurs) a apporté son soutien à Meyer en le qualifiant de « meilleur ami » et lui a décerné un brevet de bon sioniste : « C’est un bon ami, de moi et d’Israël. Meyer s’est battu pour le peuple d’Israël ici et en France. Israël lui tient à coeur. Jérusalem lui tient à coeur. (…) Il a toujours pensé à renforcer l’État d’Israël et le peuple juif. (…) Allez voter ! »
Au premier tour, la candidate UMP est arrivée en tête avec 44,1 % des suffrages exprimés devant Habib Meyer qui n’en a recueilli que 15%, mais, souligna-t-il, partout en premier en Israël.
Le député « le plus mal élu » (Le Figaro)
Au deuxième tour, restaient donc en ligne la candidate UMP, Valérie Hoffenberg, et Meyer. Ce dernier se déchaîna, couvrit sa rivale d’insultes sexistes, l’accusa, entre autres crimes, de ne pas avoir défendu le Mur. Il obtint le soutien sans failles des ultra-orthodoxes, de nombreux rabbins et... d’Enrico Macias. Dans une déclaration, à la veille de l’élection, il affirma, en français (et en hébreu), son amour de la Torah et qu’Israël était « le pays le plus moral du monde ».
Résultat : 53,35 % des voix contre 44,64 % à son adversaire. Une victoire incontestable ? Certes, mais à condition de savoir aussi que notre nouveau député ne rassembla, pour un tel score que 4.767 voix ! Moins de 10 % des inscrits s’étaient déplacés aux urnes (5).
C’est ainsi que désormais, très légalement, l’ami et conseiller de Netanyahu et du Likoud siège dans notre Assemblée nationale et a été immédiatement admis à...la commission des affaires étrangères. Bravo Bibi !
1 On peut retrouver des passages de cet échange en tapant « Shlomo Sand Habib Meyer » sur google. 2 Rappelons que c’est en 2009 que Sarkozy a fait créer 11 circonscriptions pour élire des députés. Les Français de l’étranger étaient auparavant, et encore maintenant, représentés par des sénateurs. 3 A ce sujet, voir Golias-Hebdo, n° 290, 30 mai dernier. 4 Rappelons que ce transfert, désiré par Israël comme une reconnaissance de sa souveraineté sur toute la ville de Jérusalem, au mépris du droit international, n’a été effectué par aucun pays important, même pas les États-Unis. 5 Un rapide coup d’oeil sur les résultats des législatives de juin 2012 montre que les députés élus l’ont été avec entre 15 000 à 30 000 voix. J’ai repéré un cas extrême, celui de Pierrefitte-sur-Seine (93), dont l’élu n’a recueilli que 11 000 voix.
(Renée Berder, revue Golias)
CAPJPO-EuroPalestine
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