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7 décembre 2014

USA/RUSSIE - Pourquoi Moscou tient-elle tête à Washington

Sur LCDR

Pourquoi Moscou tient-elle tête à Washington

« Aux yeux de Washington, si la coopération avec la Russie est possible, elle doit rester secrète »


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"Sébastopol répond à OTAN: va te faire f..!" @lecourrierderussie

« Sébastopol répond à l’OTAN: va te faire f..! » @lecourrierderussie

Le bras de fer sans merci qui oppose la Russie et l’Occident depuis le début de la crise en Ukraine ne peut s’expliquer par le seul conflit d’intérêts qui se joue autour de ce pays. Si cette confrontation a lieu, c’est principalement parce que la Russie a décidé de rejeter catégoriquement le mode de résolution des litiges traditionnellement privilégié par l’Occident. Jusque-là, en effet, en temps de crises, les États-Unis proposaient toujours à la Russie des concertations discrètes, dissimulées à l’opinion publique occidentale. Washington n’est jamais revenue ouvertement sur ses critiques vis-à-vis de Moscou.

Aux yeux du monde, selon la position américaine, la Russie devait rester à sa place : elle n’a pas à avoir ses intérêts propres, et encore moins à les défendre. Avec Moscou, on ne discute pas sur un pied d’égalité et on ne lui demande pas de services – en tout cas, jamais publiquement.

Cette pratique politique est loin d’être nouvelle. C’est déjà elle qui avait cours, par exemple, lorsque la Russie – et l’Iran – ont aidé les États-Unis en Afghanistan, en leur offrant sur un plateau les ressources de l’Alliance du Nord [union des mouvements de résistance aux talibans, ndlr], ce qui a permis aux Américains de renverser de façon relativement rapide et aisée le régime taliban. Mais l’administration Bush n’a pas jugé bon de donner un large écho à cette coopération militaire. L’administration Obama n’a pas fait mieux. Souvenez-vous : lors du premier mandat de l’actuel président américain, les relations avec la Russie étaient satisfaisantes, mais Washington n’a jamais voulu les défendre publiquement face aux attaques des radicaux. Le principe pour les Etats-Unis reste le même : avec la Russie, on coopère quand on le juge nécessaire, mais on continue, publiquement, de la critiquer vertement.

Car aux yeux de Washington, si la coopération avec la Russie est possible, elle doit rester secrète. Quelque poussée que soit cette collaboration, la position officielle ne bouge pas d’un iota : la Russie est un pays auquel il vaut mieux ne pas avoir affaire. Rien d’étonnant, par conséquent, à ce que les humeurs anti-russes soient si vives et répandues au sein de la classe politique américaine.

Cette double approche est issue de l’interprétation américaine de l’issue de la Guerre froide. On se souvient de la façon dont Samantha Power, ambassadrice des États-Unis auprès de l’ONU, s’était exclamée, au Conseil de sécurité : « Vous avez perdu et vous ne devez pas l’oublier ! »

Ou encore de la célèbre déclaration de Zbigniew Brzeziński [conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter entre 1977 et 1981, ndlr] : « Le nouvel ordre mondial se crée contre la Russie, aux frais de la Russie et sur les ruines de la Russie. » Jusqu’à la chancelière allemande Angela Merkel, qui se demandait récemment si Vladimir Poutine n’avait pas « perdu tout contact avec la réalité ». De là, la conclusion élémentaire exprimée par celui-ci, le 18 novembre dernier, lors du Forum d’actions du Front populaire : « Les Américains ne veulent pas nous humilier, ils veulent nous soumettre, ils veulent régler leurs problèmes sur notre dos. Ils veulent nous subordonner à leur influence. » Cela ne fait aucun doute : tant que la politique des Occidentaux à l’égard de notre pays ne changera pas (ne voulaient-ils pas que l’intégration européenne de l’Ukraine et ses réformes économiques se fassent à nos frais ?!), il ne faudra s’attendre à aucune reconnaissance publique de notre statut de partenaire égal.

La seule nouveauté, aujourd’hui, réside dans le fait que la Russie, soumise à une pression sans précédent, ne cautionne plus ce type de relations. Elle refuse de « se mettre à la place » des hommes politiques occidentaux, qui, s’ils ne peuvent ou ne veulent pas mener avec la Russie des négociations publiques, ont tout de même besoin de son aide sur différents points. Ainsi, le déchaînement de russophobie en Occident auquel nous avons assisté ces derniers mois n’est rien d’autre qu’une tentative de contraindre la Russie à continuer de se comporter comme avant, à continuer de respecter les anciennes règles du jeu.

La question qui se pose est de savoir pourquoi Moscou a attendu la période actuelle pour s’affirmer aussi farouchement. Il se trouve que la crise ukrainienne a rappelé avec force la nécessité de créer un nouveau système de sécurité en Europe. Ce n’est pas la première fois, d’ailleurs, que la question de la création d’un tel système est soulevée. Il suffit de se rappeler les sempiternelles discussions autour du Traité sur les forces conventionnelles en Europe. C’est la même question qu’évoquait encore le célèbre discours de Vladimir Poutine lors de la Conférence de Munich sur la sécurité, en 2007. Elle est revenue au cœur des débats au moment de la guerre en Géorgie en 2008. Et elle retrouve toute son actualité aujourd’hui, avec la crise en Ukraine.

On comprend que c’est le fond même du problème – la création d’un nouveau système de sécurité en Europe – qui incite aujourd’hui Moscou à vouloir que tous les débats aient lieu sur la scène publique. Autrement, aucun nouveau système ne pourra jamais voir le jour. On comprend aussi pourquoi l’Occident s’y oppose avec tant de fermeté : les Américains sont bien contents de pouvoir contrôler l’Europe via l’OTAN ; et non seulement, ils ne nous prévoient aucune place dans le système existant, mais ils nous en excluent progressivement depuis déjà un quart de siècle. Toutefois, on est aujourd’hui arrivé à un point tel qu’il n’existe plus qu’une seule alternative à des débats publics. Et elle est inquiétante.

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