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13 janvier 2015

PATRIOT ACT - Pourquoi il faut dire non à un Patriot Act à la française

Sur SOLIDARITE & PROGRES

 

Pourquoi il faut dire non à un Patriot Act à la française

La rédaction
lundi 12 janvier 2015
 
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A Paris, le ministre de l’Intérieur Bernard Caseneuve avec l’Attorney General Eric Holder.
Crédit : Zumawire

De multiples voix s’élèvent pour demander un renforcement des mesures législatives antiterroristes. A droite, la députée UMP Valérie Pécresse rêve d’un Patriot Act à la française et son collègue Eric Ciotti réclame des centres de rétention fermés pour les terroristes.

Rappelons que c’est le Patriot Act qui a engendré, au final, la création du camp de Guantánamo, dans une zone appartenant à Cuba, donc hors de la sphère du droit américain permettant toutes les dérives. « Récemment, un repenti expliquait que c’est justement en étant emprisonné à Guantanamo qu’il a pu rencontrer le gratin du djihad mondial incarcéré par les Etats-Unis », écrit Lionel Venturini dans l’Humanité. En France, c’est en prison que Chérif Kouachi a pu nouer des liens avec Coulibaly et Djamel Beghal, une figure formée dans le Londonistan.

En 2004, Solidarité & Progrès avait pris soin de mettre en garde contre la transcription du Patriot Act dans le droit français (Lois Perben II) et européen.

Aujourd’hui, dans un entretien publié par l’Humanité, la présidente du Syndicat de la magistrature a bien raison d’alerter l’opinion publique contre une telle réaction.

 

Durcir encore la législation serait tomber dans le piège des terroristes.

 

Entretien réalisé par Laurent Mouloud
Lundi, 12 Janvier, 2015

Déchéance de nationalité, surveillance accrue d’Internet… L’enquête sur les attentats a à peine débuté que les appels plus ou moins directs à durcir la législation pénale se succèdent. Hier, les ministres de l’Intérieur de onze pays européens, ainsi que le ministre américain de la Justice, Eric Holder, ont d’ores et déjà convenu, lors d’une réunion à Paris, de renforcer la lutte contre le terrorisme. Des annonces à chaud qui inquiètent Françoise Martres, la présidente du Syndicat de la magistrature.

Que vous inspirent ces voix qui s’élèvent pour demander un durcissement de la législation en matière terroriste ?

Françoise Martres : Lancer de telles exigences alors que l’émotion est encore prégnante est évidemment dangereux mais malheureusement très banal. L’histoire nous montre que, à chaque fois qu’il y a eu un drame de cette nature, un durcissement de la législation antiterroriste est intervenu ensuite, comme si c’était l’unique réponse. Or, cette tentation de restreindre sans cesse les libertés publiques au profit d’un renforcement illusoire de notre protection est exactement le piège dans lequel veulent nous faire tomber ceux qui sèment la terreur.

Notre droit pénal est-il, tout de même, suffisamment armé pour faire face à la menace terroriste ?

Françoise Martres : Au niveau du droit, on a toutes les armes pour agir. Les dispositifs d’exception relevant de la lutte antiterroriste – écoutes facilitées, garde à vue prolongée… – n’ont cessé de s’étendre ces dernières années. Et il en est de même des possibilités de surveillance administrative. Dans cette affaire, nous ne sommes pas face à un problème de vide législatif mais, semble-t-il, de gestion et de moyens policiers. Si l’on prend pour exact ce qui est publié dans la presse, ces personnes étaient repérées comme terroristes potentiels, déjà poursuivies par le passé dans une affaire de cette nature et fichées par les États-Unis. Les services de police ont juste fait le choix, pour des raisons sûrement liées à des contraintes de moyens humains, de réduire cette surveillance à un moment donné. J’ai beaucoup entendu dire, ces derniers jours, que, pour suivre quelqu’un étroitement, il fallait plus d’une vingtaine de fonctionnaires… Mais quoi qu’il en soit, ce ne sont pas les moyens juridiques qui ont péché dans cette affaire. Et un durcissement législatif, quel qu’il soit, n’y aurait rien changé.

De multiples lois antiterroristes ont été votées ces dernières années. Est-on à même d’en mesurer l’impact ?

Françoise Martres : Depuis dix-huit mois, on a déjà eu deux lois. La première fin 2012 après l’affaire Mohammed Merah et celle qui a été votée en novembre dernier. Pour quelle efficacité ?? En revanche, à chaque fois, ces textes étendent les dispositifs dérogatoires propres à la lutte antiterroriste, et restreignent les pouvoirs du juge judiciaire, garant des libertés individuelles, au profit du pouvoir des services de police. L’impact de ces lois a surtout été d’éroder les libertés au nom de la lutte antiterroriste et de contaminer le droit pénal classique.

D’année en année, l’exception de certaines mesures est devenue permanente. Par exemple, le contrôle des déplacements de l’ensemble des citoyens, le recours à la biométrie ou encore le contrôle d’Internet introduits dans notre droit à la suite des attentats du 11 septembre 2001 ne l’ont jamais quittée.

Ces durcissements législatifs ont tous pour but de surveiller de plus en plus de gens et d’élargir les moyens d’investigation pour aboutir à détecter le plus tôt possible des gens qui seraient susceptibles de commettre des actes terroristes. Seulement voilà ? : dans le cas d’aujourd’hui, cela n’aurait rien changé ?! Les terroristes étaient déjà connus et ne s’apprêtaient pas à partir en Syrie ou en Irak…

Sur le fond, il nous semble aussi qu’à multiplier les surveillances, on éparpille les moyens. L’efficacité de suivre des milliers de gens par le Net, par les écoutes, les filatures ou encore le croisement de fichiers doit être interrogée. Qu’est-ce que cela nous amène ? Mohammed Merah était aussi quelqu’un de surveillé… Restreindre ainsi nos libertés individuelles ne réduira jamais le risque à zéro. En revanche, cela fait clairement le jeu du terrorisme qui ne cherche qu’à déstabiliser les démocraties.

Redoutez-vous l’élaboration d’un Patriot Act à la française ?

Françoise Martres : Je ne dis pas ça. Mais je redoute que, dans les semaines qui viennent, nos politiques rivalisent de mots forts pour justifier un durcissement de la législation. Les mots employés ces derniers jours m’ont frappée. On parle de « guerre », les policiers sont des « héros »… On est déjà dans le hors-norme, comme un prélude à de nouvelles mesures d’exception.

Or, pour lutter contre le terrorisme, il faut, certes, chercher à prévenir mais aussi ne pas céder à la panique et à la terreur. La terreur amène la haine. Et je crois que l’on est aujourd’hui dans une situation suffisamment grave au niveau du vivre-ensemble pour ne pas emprunter ce chemin-là. Un jour, regardera-t-on en coin notre voisin en se disant : « Est-ce que celui-là, je dois en avoir peur ? » Dans des moments comme aujourd’hui, on doit au contraire prendre du recul et le temps de la réflexion.

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