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24 février 2015

Philippe de Villiers : «Poutine est le diable idéal pour les États-Unis et l'Otan»

Home FIGARO VOX Vox PolitiquePar Mis à jour le 23/02/2015 à 11:02
Publié le 23/02/2015 à 10:23
Crédits photo: ALEXEI NIKOLSKY/AFP

FIGAROVOX/ENTRETIEN - L'ancien candidat à la présidentielle salue les accords de Minsk. Il encourage François Hollande et Angela Merkel à se rapprocher de Vladimir Poutine pour construire une «grande Europe», de l'Atlantique à l'Oural.


Philippe de Villiers est le créateur du Puy du Fou et le fondateur du Mouvement pour la France. Il s'est présenté aux élections présidentielles françaises de 1995 et de 2007. Il est également écrivain. Son dernier livre «Le Roman de Jeanne d'Arc» est paru en novembre 2014 aux éditions Albin Michel.


PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO

LE FIGAROVOX. - Que pensez-vous des accords de Minsk négociés par François Hollande et Angela Merkel avec Vladimir Poutine?

Philippe DE VILLIERS. - Les accords de Minsk sont très importants car ils recèlent quatre novations. D'abord ils ont permis aux protagonistes de sortir d'une logique de guerre. La voie diplomatique des petits pas augure un possible avenir pacifique. Deuxièmement, deux grands États européens, la France et l'Allemagne, ont mené la négociation et se sont portés garants de l'exécution de l'accord aux côtés de la Russie. Il est patent que ni l'Union européenne ni l'Amérique n'ont la capacité ou la volonté de faire la paix là-bas. Ces accords montrent que c'est seulement lorsque l'Europe parle à l'Europe qu'une paix réelle devient envisageable -c'est l'Europe des États.

C'est seulement lorsque l'Europe parle à l'Europe qu'une paix réelle devient envisageable.

Troisièmement, l'accord ouvre la voie à la seule solution qui subsiste pour l'unité territoriale de l'Ukraine: l'acceptation par Kiev d'un statut spécifique pour l'est du pays avec un droit à la langue maternelle russe. Enfin, à la différence de l'accord de septembre, celui-ci est doté d'un calendrier pour chaque phase.

Une fois n'est pas coutume, vous saluez donc l'initiative de François Hollande?

Oui, car l'Europe ne doit plus écrire son avenir avec le stylo américain. François Hollande s'est comporté en chef d'État sans prendre garde aux consignes américaines. Il a su résister à la prétention des États-Unis d'exiger l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan. Désormais, il faut encourager la France à aller au-delà de cette première phase positive d'émancipation. François Hollande doit maintenant livrer le Mistral à la Russie et respecter ainsi le contrat commercial signé par la France et payé par les Russes à hauteur d'un milliard d'euros. Il doit également lever les sanctions qui sont aujourd'hui des actes de guerre encore plus défavorables à l'économie française qu'à l'économie russe et ne touchent aucunement l'économie américaine. Mais le plus important, plutôt que de s'entêter à construire l'Europe artificielle de Maastricht, sera de préparer demain la seule Europe viable et raisonnable pour mettre en œuvre un grand partenariat stratégique et culturel avec la Russie, l'Europe de l'Atlantique à l'Oural.

Le plus important sera de préparer demain la seule Europe viable et raisonnable pour mettre en œuvre un grand partenariat stratégique et culturel avec la Russie, l'Europe de l'Atlantique à l'Oural.

L'accord a déjà été violé par les séparatistes ukrainiens. Peut-on faire confiance à Vladimir Poutine?

Lorsque l'on revient à la source des événements, on constate le mensonge permanent de l'Union européenne et les fantasmes véhiculés par la presse occidentale. Le cessez-le-feu, à ma connaissance, est observé sur la ligne de front, sauf à Debaltseve, problème particulier né juste avant les accords de Minsk. Mais, même là-bas, les armes lourdes sont aujourd'hui en voie d'être retirées. Les mécanismes de contrôle se mettent en place et les chefs d'État se parlent. Quand les médias affirment que des camions humanitaires russes traversent la frontière ukrainienne chargés de munitions, je m'interroge: à l'heure des satellites qui voient tout, des iPhone qui filment en permanence, qu'attend-on pour nous donner des preuves? Où sont les photos?

Le concept du Puy du Fou va être décliné en Russie. Votre soutien inconditionnel à Vladimir Poutine est-il intéressé?

C'est l'inverse. Ayant appris à connaître la Russie par la mise en œuvre de ce projet franco-russe, j'ai découvert deux choses. D'abord que la Russie est profondément européenne. Toute sa culture, toutes ses élites et tout son peuple regardent vers l'Europe. Soljenitsyne me l'avait dit: «Ne commettez pas l'erreur de tourner le dos à la Russie. Il en va de notre avenir.»

La Russie est profondément européenne. Toute sa culture, toutes ses élites et tout son peuple regardent vers l'Europe.

En outre, j'ai découvert que Poutine était un vrai chef d'État. J'ai aussi compris pourquoi en Occident les élites mondialistes ne cessent de le critiquer: l'Amérique veut que l'Europe soit la cinquante et unième étoile du drapeau américain. Pour cela, elle doit maintenir les Européens inféodés dans l'Otan. Vladimir Poutine est le prétexte parfait, le diable idéal. N'oublions pas les causes de l'engrenage ukrainien. D'abord un coup d'État fomenté par l'Otan. Ensuite une faute du gouvernement ukrainien, l'interdiction de la langue russe. Enfin, la prétention américaine de l'entrée de l'Ukraine dans l'Otan. Comment pouvait-on imaginer que les Russes allaient accepter de voir l'Otan à leurs portes? Vladimir Poutine ne veut pas le démembrement de l'Ukraine. Il souhaite simplement la reconnaissance de la langue maternelle dans les régions russophones, un statut pour ces régions, et enfin une neutralité de l'Ukraine par rapport à l'Otan.

La Russie semble retrouver une certaine fierté nationale. Le risque n'est-il pas de verser dans un excès de nationalisme?

La différence avec la France est la suivante: en Russie, il y a une véritable restauration des valeurs morales, civiques, patriotiques, spirituelles. Les petits Russes apprennent la fierté d'être russes. On parle aux Russes de la Russie, de sa grandeur, de son riche patrimoine, de son rayonnement eurasiatique. Que dit-on aux jeunes Français? Que la France est une honte, que les Français sont des racistes et que le patriotisme est une tare. Il y a plus de liberté d'expression en Russie que chez nous. Comme l'avait prophétisé Philippe Muray, nous nous sommes enfermés dans la cage aux «phobes»: islamophobes, xénophobes, europhobes, homophobes. Plus personne ne bouge! Et nous avons une classe politique essorée, aseptisée, passée au micro-onde qui bénit le partage du travail entre les laïcards qui font le vide spirituel et les islamistes qui remplissent le vide.

Comme l'avait prophétisé Philippe Muray, nous nous sommes enfermés dans la cage aux «phobes»: islamophobes, xénophobes, europhobes, homophobes.

Cela n'empêche pas les Russes de connaître, eux aussi, de fortes tensions ethniques et culturelles?

La différence avec l'intégration «à la française» est évidente. Il y a, en Russie, 20 millions de musulmans sur 140 millions d'habitants. Vladimir Poutine applique le vieux principe prudentiel: «On vit à Rome comme les Romains, on vit en Russie comme les Russes.» En France, ceux qui veulent faire croire que la laïcité et le «droit de l'hommisme» suffisent à résoudre le problème sont des manipulateurs ou des lâches. Il n'y a qu'une manière d'intégrer dans notre pays: par la francisation!

Alors que les négociations entre l'Union européenne et la Grèce piétinent, Tsipras peut-il se tourner vers la Russie?

L'Union européenne d'aujourd'hui est une tentative thaumaturgique folle d'anéantir les États, les frontières et de livrer les peuples et les activités industrieuses aux maîtres de la mondialisation.

Pour l'oligarchie européenne, Tsipras est en état de péché mortel. Il sera bientôt immolé sur le Parthénon puisqu'il ne fait pas la génuflexion devant l'euro et qu'il confesse un penchant de la Grèce pour la Russie. Il trouve des vertus au diable. Mais les adorateurs de Bruxelles et Francfort n'ont toujours pas compris que la rédemption par l'euro ne marche pas pour les économies européennes. La Grèce quittera l'euro: les négociations ne font que repousser l'échéance. Toute cette construction européenne est une déconstruction mortifère. L'Union européenne d'aujourd'hui est une tentative thaumaturgique folle d'anéantir les États, les frontières et de livrer les peuples et les activités industrieuses aux maîtres de la mondialisation qui y trouvent d'immenses bénéfices.

À quoi pourrait ressembler l'Europe de demain?

L'idée concoctée aujourd'hui par les eurocrates et les élites mondialisées d'un accord de libre-échange qui ferait de l'Europe un marché annexe de l'Amérique tourne le dos à l'avenir et au bon sens. Ce que je reproche à cette Europe-là, c'est de devenir une Europe américaine -un simple prolongement économique et culturel des États-Unis. Pour prédire l'avenir, on pourrait dire: «l'Union européenne est morte, vive l'Europe!» La vraie, la grande, celle de l'Atlantique au Pacifique qui retrouve le vrai berceau de ses alliances culturelles ancestrales. Celle de la reine Anne de Kiev, la reine russe qui épousa un roi français. L'Europe qui retrouve les bonnes vieilles idées qui mènent le monde depuis que l'expérience des hommes a inventé le triptyque souveraineté, frontières, identités.

 

 

 

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