Affaire Nemtsov : et la "gauche médiatique" se fit définitivement anti-russe...
L’assassinat de Boris Nemtsov a fait grand bruit. Le meurtre de cet homme est absolument condamnable.
Dans cette affaire, la presse française en général n’a pas mâché ses mots : tous les grands titres, Le Monde, Libération, L’Obs, en tête ont, au minimum (c’est un euphémisme), sous entendu - sans preuve, ni réserve -–l’implication de Vladimir Poutine dans ce tragique événement. Sans en apporter la preuve. Ce qui pose problème.
Qui l'a tué ? Personne en France n’en sait rien.
Une attitude convenable eut consisté en une position de prudence toute naturelle. « A cette heure, nous ne savons pas qui a commandité l’affaire. » ou encore, « les pistes sont les suivantes… »
Non.
Rapidement, les éditos et autres ouvertures de JT, ou journaux radiophoniques ont qualifié Boris Nemtsov de « leader de l’opposition », « opposant », de « défenseur de la démocratie » ; très peu, la presse à chercher à nuancer une biographie en réalité complexe.
Face à lui, le « maître du Kremlin », tout puissant, et désireux d'éliminer la démocratie, incarnée par Nemtsov.
Un « opposant » tellement célèbre qu’en cherchant son nom dans les archives du journal Le Monde des 70 dernières années (pour être bien sûr), on le trouve mentionné 3 fois seulement.
Un peu succin pour LE « leader » de la contestation en Russie, non ?
Un constat qui n'a pas échappé à Jean-Luc Mélenchon, dans un billet qui visiblement, n'a plu ni à France Inter ni à Médiapart.
D'abord, à l'éditorialiste Thomas Legrand, sur France Inter ce matin, « abasourdi » par « ce texte qui reprend grossièrement la rhétorique poutinienne ».
Certes, concède Thomas Legrand, Nemtsov traînait quelques casseroles mais enfin, « de l'avis des démocrates russes qui luttent aujourd'hui pour une Russie plus libre - et autant les écouter eux - eh bien l'homme avait changé, il était respecté et ne méritait certainement pas, juste après son assassinat, d'être traité de voyou politique ordinaire par un leader d'opposition d'un pays libre et qui ne risque rien » […] L' « anti américanisme sud américain de Jean-Luc Mélenchon le rend visiblement aveugle sur la Russie. »
Et Thomas Legrand de rappeler « les mensonges russes de Poutine en Ukraine », certain pour sa part de ne servir la propagande d'aucun camp.
Puis, ce fut au tour de Médiapart, (Fabrice Arfi et Antoine Perraud ) de dénoncer les propos de Jean-Luc Mélenchon dans un article au vitriol :
Extraits :
Difficile, on le voit, de se parler lorsque chacun dénonce en l'autre le défenseur malgré lui d'une propagande téléguidée depuis l'étranger.
Difficile pourtant, en tant que citoyen désireux de s'informer, de ne pas être sceptique devant le traitement médiatique réservé à la Russie en général, ainsi qu' « au maître du Kremlin » en particulier, trop souvent résumé à un autocrate, à un dictateur, sans que jamais ne soient prises en compte les années qui ont précédé son accession au pouvoir, ni les données politiques et sociétales en Russie, ou encore les raisons profondes de sa popularité.
La presse, c'est très clair, dans cette affaire, a pris parti. Elle a le droit : les rédactions sont « libres » d'inviter qui elles veulent ; elles sont également libres d'inviter les spécialistes qui pensent différemment et même de ne pas composer des plateaux d'experts unanimes qui n'y connaissent rien. Car oui, quelle qu'en soit la cause, l'unanimisme pose problème.
Quand toute la presse défend le même point de vue, et refuse de l'admettre ( comme dans le cas pour la Russie, mais pas seulement ), il n'y a pas d'information de qualité, fût-elle « libre ». Il n'y a plus décryptage, ni éducation des citoyens aux grands enjeux du monde.
Terminons avec Jacques Sapir, spécialiste de la Russie, à la plume est moins acérée (Dieu merci!) que celle de Jean-Luc Mélenchon, et dont les propos nous rappellent qu'il est possible d'être mesuré et pertinent, lorsque l'on s'intéresse à la Russie :
Souhaitons, à l'instar de tous les citoyens non encore hystérisés, que la situation ne dégénère pas à l'est de notre continent, et que personne ne réponde aux provocations grossières du camp adverse. En attendant, les troupes d'élites américaines en Ukraine ou ailleurs peuvent dormir tranquilles ; la presse française n'ira pas les titiller.
Antoine Lamnège