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15 mars 2015

Reconstruire la confiance entre Obama et Poutine

Sur LES CRISES
poutine - obama

Exclusif : Ray McGovern, ancien analyste de la CIA, nous dit que, entrant dans le dernier quart de son mandat présidentiel, Barack Obama doit décider s’il va se laisser enquiquiner par les néocons ou s’il va finalement les envoyer valser pour s’engager dans une politique étrangère réaliste visant des solutions tangibles aux problèmes mondiaux, y compris en ce qui concerne la crise avec la Russie au sujet de l’Ukraine.

Par Ray McGovern

L’année 2015 marquera sûrement un tournant dans les relations entre les États-Unis et la Russie, d’une manière ou d’une autre. Toutefois, l’accroissement des tensions – jusqu’à une guerre par état interposé en Ukraine ou bien encore une guerre encore plus étendue – ou même leur persistance ne dépend principalement que du président Barack Obama.

La clé pour répondre à cette question en est une autre : Obama est-il assez intelligent et assez fort pour recadrer le secrétaire d’état John Kerry [Ndt : chargé des affaires étrangères], les néocons et les “interventionnistes libéraux” qui mènent le département d’état [Ndt : ministère des affaires étrangères américain], et de s’opposer aux poules mouillées du Congrès qui jouent aux faucons, et qui pour la plupart prennent leurs aises pour flirter avec la guerre parce qu’ils n’en connaissent rien.

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Victoria Nuland, sous-secrétaire d’état aux affaires européennes, qui a encouragé le coup d’état en Ukraine et a aidé à choisir les dirigeants d’après le putsch.

Le président russe Vladimir Poutine, au contraire, a fait très jeune l’expérience des conséquences de la guerre. Il est né à Leningrad (aujourd’hui Saint-Pétersbourg) huit ans après la fin de l’effroyable siège de l’armée allemande. Michael Walzer, dans ” Guerre contre des civils “, a noté : “Plus de gens moururent lors des 900 jours de siège de Leningrad que dans les enfers de Hambourg, Dresde, Tokyo, Hiroshima et Nagasaki réunis.”

Le frère aîné de Poutine, Viktor, est mort pendant le siège. Ce qu’a vécu Poutine dans sa jeunesse est, bien entendu, gravé dans sa conscience. Cela peut aider à comprendre pourquoi il a tendance à garder pour lui le genre de vocifération téméraire qu’on entend régulièrement dans la bouche des dirigeants occidentaux de nos jours – la plupart d’entre eux n’ayant aucune idée ni des souffrances de la guerre ni de l’histoire compliquée de l’Ukraine.

A la même époque l’an dernier, peu d’américains auraient pu situer l’Ukraine sur une carte. Et sevrés d’information comme ils le sont par les “médias grand public”, la plupart n’ont aucune idée de ses tensions politiques internes, du schisme entre l’Ukraine occidentale orientée vers l’Europe et l’Ukraine de l’Est profondément liée à la Russie.

Commençons par un bref rappel des points les plus importants de cette histoire, avant de se pencher sur ses récents avatars – et de faire quelques recommandations en ce début d’année. Moins de trois semaines après la chute du mur de Berlin, tombé le 9 novembre 1989, le président George H. W. Bush a invité le chef du Kremlin, Michael Gorbatchev, au sommet de Malte, où ils négocièrent un accord historique : Moscou renoncerait à l’usage de la force pour reprendre le contrôle sur l’Europe de l’Est ; Washington ne “profiterait” pas du soulèvement et de l’incertitude qui régnaient dans cette région.

Cet accord s’est incarné seulement deux mois plus tard, lorsque James Baker, le secrétaire d’état de Bush, a persuadé Gorbatchev d’avaler la couleuvre de l’adhésion à l’OTAN d’une Allemagne réunifiée, en échange de la promesse que l’OTAN ne “déborderait” pas à l’Est au-delà de l’Allemagne. Jack Matlock, l’ancien ambassadeur américain à Moscou, qui a été témoin de tout cela, m’a dit dans un email : “je ne vois pas comment quiconque pourrait qualifier l’expansion de l’OTAN qui a eu lieu ensuite, autrement que d’une manière de “profiter” de la situation.”

Ce diplomate aguerri, qui a pris part aux négociations bilatérales cruciales du début des années 90, a ajouté que l’engagement mutuel n’a pas été mis sur le papier. Néanmoins, revenir sur une promesse – écrite ou non – c’est faire un sérieux accroc dans la confiance.

Pourquoi pas d’accord écrit

L’an dernier, j’ai demandé à Matlock et à Viktor Borisovich Kouvaldine, l’un des conseillers de Gorbatchev de 1989 à 1991, pourquoi l’accord Baker-Gorbatchev n’avait pas été mis noir sur blanc. Matlock a répondu :

“Il n’y avait pas d’accord à ce moment-là. Baker et Hans-Dietrich Genscher, le ministre des Affaires étrangères d’Allemagne de l’Ouest, avançaient tous les deux des idées pour que Gorbatchev y réfléchisse. Il n’a donné aucune réponse, mais il a dit qu’il y penserait… Les accords formels devaient impliquer plus de gens, ce qu’ils ont fait, avec les accords 2+4, qui ont été conclus seulement à la fin 1990.

Bon, d’accord.

L’automne dernier, Kouvaldine m’a confirmé dans un email ce que Matlock m’avait dit. Mais il a poursuivi en signalant que “l’engagement qu’il n’y aurait pas d’extension de l’OTAN à l’Est a été pris envers Gorbatchev, les jours suivant sa première rencontre avec Baker, puis avec le chancelier ouest-allemand Helmut Kohl [les 9 et 10 février 1990].” Quant à la raison pour laquelle cet engagement n’a pas été formellement rédigé, Kouvaldine a expliqué :

“Une telle requête aurait semblé un peu bizarre à l’époque. Le pacte de Varsovie était actif ; les militaires soviétiques étaient stationnés dans toute l’Europe centrale ; et l’OTAN n’avait nulle part où aller. Au début de février 1990, pratiquement personne n’aurait pu prévoir la tournure que prendraient les événements au cours des années 90.”

Bon, encore d’accord. Mais quand j’ai rencontré Kouvaldine à Moscou, il y a quelques mois, et que je lui ai demandé à brûle-pourpoint pourquoi il n’y avait aucun enregistrement des promesses faites à son chef Gorbatchev, sa réponse a été plus spontanée – et viscérale. Il a penché la tête, ma regardé droit dans les yeux, et m’a dit : “on vous faisait confiance”.

Ecrit ou pas, c’était une question de confiance – et non “d’en tirer avantage”. Gorbatchev, le chef de Kouvaldine, a choisi de faire confiance non seulement au secrétaire d’état américain, mais aussi au gouvernement ouest-allemand de Bonn. D’après un article du Spiegel, citant des documents du ministère des affaires étrangères allemand rendus publics il y a à peine cinq ans :

“Le 10 février 1990, entre 16 heures et 18h30, Genscher a parlé avec [le ministre des affaires étrangères soviétique, M. Edouard] Chevardnadze. Et, d’après le compte-rendu allemand de la conversation, Genscher a dit : “Nous sommes conscients que l’adhésion à l’OTAN d’une Allemagne réunifiée soulève des questions complexes. Pour nous, toutefois, une chose est certaine : l’OTAN ne s’étendra pas à l’Est. “Et parce que la conversation tournait principalement autour de l’Allemagne de l’Est, Genscher ajouta explicitement : “Pour ce qui est de la non-extension de l’OTAN, ceci vaut de manière générale”.

La poussée de croissance de l’OTAN

Certains d’entre nous – même si ce n’est qu’une infime minorité – connaissent la suite de l’histoire. C’est généralement laissé de côté dans les médias occidentaux, mais cela pose néanmoins le décor historique dans lequel s’est joué l’an dernier le soulèvement en Ukraine. Après l’effondrement de l’Union soviétique en 1991 – et la rupture du Pacte de Varsovie – la Pologne, la Hongrie et la République Tchèque ont rejoint l’OTAN en 1999. L’Estonie, la Lettonie, la Lituanie, la Slovénie, la Slovaquie, la Bulgarie et la Roumanie l’ont rejointe en 2004. L’Albanie et la Croatie l’ont rejointe en 2009. Et les chefs du Kremlin n’ont rien pu faire d’autre qu’observer, impuissants – et bouillir de rage.

On peut difficilement blâmer ces pays, dont la plupart ont vécu beaucoup d’expériences douloureuses sous les Soviétiques. Il n’y a pas à s’étonner qu’ils aient voulu se réfugier sous le parapluie de l’OTAN, pour se mettre à l’abri des vents mauvais qui soufflaient de l’Est. Mais, comme John Kennan et d’autres l’ont remarqué à l’époque, ce fut un regrettable manque d’imagination et de vision politique, qu’aucune alternative sérieuse n’ait été conçue pour répondre aux préoccupations des pays à l’Est de l’Allemagne, en dehors de l’adhésion à l’OTAN.

D’autant plus qu’à l’époque il ne restait que peu de dents dans la bouche de l’ours russe. Et – ce n’est pas le moindre des arguments – une promesse est une promesse.

Comme l’expansion de l’OTAN attirait des pays de plus en plus proches des frontières de la Russie, le Kremlin a tracé une ligne rouge, quand, en dépit des avertissements très clairs de Moscou, un sommet de l’OTAN a Bucarest, le 3 avril 2008, a déclaré : “l’OTAN accueille les aspirations euro-atlantiques de l’Ukraine et de la Géorgie pour une adhésion à l’OTAN. Nous acceptons aujourd’hui que ces pays deviennent membres de l’OTAN.” Ces deux pays, anciens états soviétiques, font pression sur le ventre mou méridional de la Russie.

On oublie souvent – à l’Ouest, mais pas en Russie – ce que cette déclaration de l’OTAN a provoqué comme réaction impulsive de la part du président géorgien de l’époque, Mikhael Saakachvili, qui a cru que l’heure de la moisson était venue avant même que le parapluie de l’OTAN ne s’ouvre. Moins de cinq mois après que la Géorgie eut été mise en file d’attente devant l’entrée de l’OTAN, Saakachvili a ordonné aux forces géorgiennes d’attaquer la ville de Tskhinvali en Ossétie du Sud. Personne n’aurait dû être surpris de la riposte fulgurante de la Russie, qui a mis une sacrée pâtée aux armées géorgiennes après seulement cinq jours de combat.

Pour finir, les pompom girls de Saakachvili dans l’administration de George W. Bush et le candidat à la présidentielle d’alors, le républicain John McCain, qui avaient couvé Saakachvili, se sont révélés impuissants à le protéger. Cependant, au lieu de tirer les leçons opportunes de cet échec, les néocons qui dirigeaient la politique étrangère de Bush – et qui sont restés dans l’administration Obama – ont jeté leur dévolu sur l’Ukraine.

Le changement de régime de trop

Il est devenu plus difficile de cacher la vérité, qui est que l’objectif final de Washington pour satisfaire les “aspirations occidentales” de l’Ukraine, et l’absorber en fin de compte dans l’OTAN, était ce qui a conduit les États-Unis à monter le coup d’état du 22 février 2014 à Kiev. Même s’il est peut-être exact que les révolutions “ne passeront pas à la télé” [NdT : allusion à un poème, puis une chanson de 1970 de Gil Scott-Heron], les coups d’état peuvent passer sur YouTube.

Et trois semaines avant le putsch de Kiev, la planification du ministère américain des affaires étrangères pour l’orchestration de l’éviction de Victor Ianoukovitch, président dûment élu de l’Ukraine, et pour la sélection de nouveaux dirigeants pour l’Ukraine, a été publiée – paroles et musique – sur YouTube, sous forme d’une conversation téléphonique de 4 minutes interceptée entre Victoria Nuland, la sous-secrétaire d’état pour l’Europe, et Geoffrey Pyatt, le béni-oui-oui servant d’ambassadeur américain à Kiev.

Il faut l’entendre pour le croire. Et pour ceux qui n’ont pas le temps, voici la transcription d’un bref extrait :

Nuland : Qu’en pensez-vous ?

Pyatt : Je pense qu’on a la main. Le pion Klitschko [Vitaly Klitschko, l'un des trois principaux chefs de l'opposition] est visiblement l’électron compliqué du jeu… Je pense que c’est le prochain coup de téléphone que vous devriez organiser, c’est exactement celui que vous avez donné à Yats [Arseniy Yatseniouk, un autre chef de l'opposition]. Et je suis content que vous l’ayez mis pile où il s’emboite dans le scenario. Et je suis très content qu’il ait répondu ce qu’il a répondu.

Nuland : Bon. Je ne crois pas que Klitsch doive entrer au gouvernement. Je ne crois pas que ce soit nécessaire, je ne crois pas que ce soit une bonne idée.

Pyatt : Ouais. Je suppose… laissez-le juste rester hors du jeu et s’instruire sur la politique et tout le bazar… On a besoin de garder ensemble les démocrates modérés. Le problème, ça va être Tyahnybok [Oleg Tyahnybok, l'autre chef important de l'opposition, à la tête du parti d'extrême-droite Svoboda] et ses mecs…

Nuland : [interrompant] : Je crois que Yats est le type qui a l’expérience économique, l’expérience gouvernementale. C’est le… ce dont il a besoin, c’est que Klitsch et Tyahnybok restent à l’extérieur. Il faut qu’il leur parle quatre fois par semaine, vous voyez…

Et donc, surprise, surprise : “Yats” se trouva être l’homme de Nuland trois petites semaines plus tard, nommé premier ministre juste après le coup d’état du 22 février. Et il l’est encore. Vous parlez d’une chance !

Aussi transparents que les tripatouillages des “Marionnettes de Maïdan ” (titre que les traducteurs russes ont donné à leur version de la conversation sur YouTube) aient pu être, ces morceaux de bravoure furent rarement mentionnés dans les médias américains “grand public” (MGP). A l’inverse, une place de choix est réservée à l’”aggression ” qu’a commise Moscou en annexant la Crimée, un geste qui a fait suite au choix par l’écrasante majorité des votants de se sauver du régime de Kiev imposé par le coup d’état et de chercher à rejoindre la Russie.

Aucun nazi à l’ horizon

Le coup d’état du 22 février dont le fer de lance était composé de milices néo-nazies bien organisées qui ont tué des policiers et capturé des bâtiments gouvernementaux, ce coup donc, le public américain n’en verra et n’en entendra rien de la part des principaux médias américains. La version américaine qui lui est préférée est celle selon laquelle Ianoukovitch et les officiels de son régime ont simplement décidé de quitter la ville face à la force morale des manifestants du Maidan, à la fois pacifiques et hackers éthiques.

Ce fût donc une surprise agréable lorsqu’un notable comme George Friedman, lors d’une interview avec le magazine russe Kommersant, décrivit la chute du gouvernement ukrainien en février comme “le coup d’état le plus flagrant de l’histoire”. Friedman est le responsable de la STRATFOR, un thin tank souvent décrit comme “l’ombre de la CIA”.

Toujours est-il que dans les récits des grands médias américains – ainsi que d’autres comme la BBC avec laquelle j’ai eu une expérience personnelle sur la question délicate de l’Ukraine – l’histoire de la crise ukrainienne démarre avec l’annexion de la Crimée, appelée parfois “l’invasion” russe bien que les troupes russes soient déjà stationnées en Crimée dans la base navale russe de Sébastopol. Dans ces journaux, il n’y a “juste pas assez de temps, malheureusement” pour évoquer l’expansion vers l’est de l’OTAN ou même le coup d’état à Kiev.

L’autre passage préféré des MGP est l’histoire selon laquelle Poutine aurait fomenté la crise ukrainienne parce qu’il voulait reprendre des territoires perdus lors de l’éclatement de l’Union soviétique. Mais il n’y a pas le début d’une preuve que les Russes auraient repris la Crimée, si ce n’était en raison du coup d’état conçu par Nuland et mis en œuvre par toute une série de voyous, y compris des groupes fascistes agitant des bannières frappées aux symboles nazis.

Il y a bien longtemps, Nuland a eu des compagnons très louches. La liste est longue ; il suffira de mentionner ici qu’elle a été la conseillère principale adjointe pour la sécurité nationale du vice-président Dick Cheney, au sein de son cabinet fantôme pour la sécurité nationale, pendant ses “années du côté obscur” de 2003 à 2005.

On dit que Nuland a travaillé à la “promotion de la démocratie” en Irak et qu’elle a fait là un travail tellement formidable qu’elle a été promue, sous la secrétaire d’état Hillary Clinton, porte-parole du département d’état, puis sous-secrétaire d’état pour les affaires européennes, ce qui lui a valu d’être en charge du dossier ukrainien. Nuland est également mariée à Robert Kagan, le théoricien néoconservateur, dont le Projet pour le Nouveau Siècle Américain militait pour l’invasion de l’Irak dès 1998. [Voir l'article "La vraie faiblesse dans la politique étrangère d'Obama" sur consortiumnews.com]

En décembre 2013, Nuland avait tellement confiance dans son emprise sur la politique américaine vis-à-vis de l’Ukraine qu’elle a publiquement rappelé à des chefs d’entreprise ukrainiens que, pour aider l’Ukraine à atteindre “ses aspirations européennes, nous avons investi plus de cinq milliards de dollars”. Elle a même fait son apparition au milieu des manifestations de Maïdan pour distribuer des cookies et encourager les manifestants.

En la gardant dans le département d’état et en lui offrant une promotion, Obama et ses deux secrétaires d’état Hillary Clinton et John Kerry ont construit un pont humain vers les années où les néocons étaient du côté obscur. Nuland semble aussi avoir contaminé les dirigeants impressionnables de l’administration Obama, avec cette aimable approche de la réalité que l’auteur Ron Suskindattribuait à un haut responsable de l’administration Bush : “Nous sommes un empire à présent, et quand nous agissons, nous créons notre propre réalité”.

C’est peut-être le remède de bonnes femmes utilisé par Nuland et Kerry, auxquels Obama a principalement délégué la conduite de la politique américaine à l’égard de la Russie. Cela semblera à l’ambassadeur Matlock une maigre consolation, mais cela pourrait l’aider à comprendre ce qui semble être la politique actuelle vis-à-vis de l’Ukraine.

En écrivant l’an dernier sur la crise sur le point d’éclore, Matlock disait : “Je ne peux comprendre comment il [Obama] s’est débrouillé pour ne pas s’apercevoir que se confronter publiquement au président Poutine sur une question qui est si centrale à la fierté et à l’honneur national de la Russie, aurait non seulement l’effet contraire sur la question en jeu, mais renforcerait véritablement des tendances en Russie que nous serions bien inspirés de décourager. C’est comme si lui, et ses conseillers avec lui, vivaient dans un univers idéologique et psychologique parallèle.”

Poutine : Peu de tolérance pour l’autre réalité

Avant de terminer avec quelques recommandations, appliquons les méthodes éprouvées d’analyse des médias, pour voir s’il est possible de discerner la manière dont le président russe Poutine réagit à tout cela. (Indice : il ne va pas céder à la pression sur la question ukrainienne).

Lors d’une conférence de presse, dix jours après le coup de Kiev, Poutine s’est plaint que “nos partenaires occidentaux” continuent à manigancer en Ukraine. “J’ai parfois l’impression”, a-t-il dit, “que quelque part de l’autre côté de cette grosse flaque, en Amérique, il y a des gens assis dans un laboratoire qui font des expériences, comme si on était des rats, sans véritablement comprendre les conséquences de ce qu’ils font. Pourquoi ont-ils besoin de faire cela ?”

Et dans un discours, deux semaines après, Poutine a déclaré :

“Nos collègues à l’Ouest… nous ont menti à plusieurs reprises, ont pris des décisions derrière notre dos, nous ont mis devant le fait accompli. Cela s’est produit avec l’expansion de l’OTAN à l’Est, comme avec le déploiement d’infrastructures militaires à nos frontières… Cela s’est produit avec le déploiement d’un système de défense anti-missile…”

“Ils sont constamment en train d’essayer de nous acculer… Mais il y a des limites à tout. Et avec l’Ukraine, nos partenaires occidentaux ont franchi la ligne. … Si vous comprimez le ressort jusqu’à sa limite, il va vous revenir dans la figure. … Aujourd’hui, il est impératif de mettre un terme à cette hystérie, et de rejeter la rhétorique de la guerre froide… La Russie a ses propres intérêts, qui doivent être pris en compte et respectés.”

Le 8 septembre 2013, pour la cérémonie d’investiture de Nuland en tant que sous-secrétaire d’état, le secrétaire d’état Kerry en a fait des tonnes à propos des réussites de “Toria”, avec un panégyrique qui mérite tout à fait le qualificatif d’excessif. C’était un indice colossal que Kerry lui laisserait carte blanche sur l’élaboration de la politique à l’égard de la Russie, de l’Ukraine, etc.

Par bonheur, Nuland n’a pas été capable de saboter les dialogues en coulisses entre Obama et Poutine, qui ont permis à Poutine de dissuader Obama d’attaquer la Syrie en septembre 2013, en le convainquant que les syriens étaient sur le point d’accepter la destruction de leur armement chimique. Obama avait évincé Kerry de toutes ces discussions sensibles mais, livré à lui-même, Kerry continuait à essayer de faire battre tambour pour réunir un soutien international à l’action militaire contre la Syrie.

Que Kerry ait été tenu dans l’ignorance de l’extraordinaire accord négocié par Obama et Poutine avec la Syrie, est devenu évident à Londres le 9 septembre 2013, lorsque Kerry, de manière bien embarrassante, a écarté toute probabilité que la Syrie accepte jamais de laisser détruire son arsenal chimique. Un peu plus tard le même jour, l’accord de destruction des armes chimiques syriennes était annoncé.

Malheureusement, dans un certain sens, les méfaits américains en Ukraine peuvent être considérés comme la revanche de Kerry, de son copain le sénateur McCain, et bien sûr de Nuland, contre la Russie qui avait anéanti leurs espoirs d’une campagne majeure de l’armée américaine bombardant le gouvernement syrien.

Poutine : Kerry “sait qu’il ment”

Il est rare qu’un chef d’état accuse le chef de la diplomatie d’un état rival d’être un “menteur”. Mais c’est ce que Poutine a fait six jours après qu’Obama eut désavoué Kerry et arrêté l’attaque de la Syrie. Le 5 septembre 2013, alors qu’Obama arrivait à St Petersbourg pour le sommet du G20, Poutine se référait ouvertement à la déposition de Kerry devant le Congrès à propos de la Syrie, qui s’était tenue quelques jours auparavant, et dans laquelle Kerry exagérait grandement la force des rebelles “modérés” en Syrie.

Kerry a également répété des assertions très douteuses (à 35 reprises, lors de la conférence de presse du département d’état du 30 août), affirmant que le gouvernement Assad était derrière les attaques chimiques près de Damas le 21 août, et que par conséquent il avait franchi la ligne rouge qu’Obama avait fixée, et que la Syrie devait être punie par des attaques militaires.

A propos de Kerry, Poutine y est allé sans mettre de gants : “C’était très désagréable et très surprenant pour moi. On leur parle [aux Américains] et on part du principe qu’ils sont des gens honnêtes, mais il ment, et il sait qu’il ment. C’est triste.”

Les sévères paroles de Poutine à propos de Kerry et la collaboration Obama-Poutine en coulisses qui ont désamorcé la crise syrienne de 2013 semblent avoir réveillé les néocons et les avoir convaincus de la nécessité de briser cette coopération – et le coup d’état ukrainien est devenu le parfait moyen d’y parvenir.

Résolutions du Nouvel An

Cinq choses qu’Obama doit faire pour un nouveau départ cette nouvelle année :

1 – Virer Kerry et Nuland.

2 – Lire l’article écrit par Poutine et publié dans le New York Times le 11 septembre 2013, juste après que la coopération avec Obama a produit l’extraordinaire résultat de la destruction des armes chimiques syriennes.

3 – Arrêter le discours idiot sur les États-Unis qui seraient “la seule nation indispensable”. (Le président a dit cela tant de fois l’an dernier que certains ont soupçonné qu’il commençait à croire sa propre rhétorique. Voici comment Poutine a choisi de considérer ce triomphalisme rassérénant mais délétère, à la fin de son article :

“Il est extrêmement dangereux d’encourager les gens à se percevoir comme exceptionnels, quelle qu’en soit la motivation. Il y a de grands pays et de petits pays, des riches et des pauvres, certains avec de longues traditions démocratiques et d’autres qui cherchent encore leur chemin vers la démocratie. Leurs politiques sont, elles aussi, différentes. Nous sommes tous différents, mais lorsque nous demandons la bénédiction du Seigneur, nous ne devons jamais oublier que Dieu nous a créé tous égaux.”

4 – Se pencher sur les collabos de Kiev pour mettre un terme à leurs bêtises. Une magnifique occasion de le faire serait de participer au sommet international souhaité par le président ukrainien Petro Porochenko le 15 janvier au Kazakhstan, auquel Poutine et les dirigeants d’Allemagne et de France sont aussi attendus.

5 – Enfin, choisir une chute différente cette année pour vos discours. Pourquoi pas : “Que Dieu bénisse les États-Unis d’Amérique, et le reste du monde aussi.”

Ray McGovern

Source : Consortium News, janvier 2015

Source: www.les-crises.fr.

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