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1 avril 2015

AU NOM DU TEMPLE (+vidéo REPLAY) "L'irrésistible ascension du messianisme juif" - Charles Enderlin

Le film en replay : http://television.telerama.fr/television/regardez-au-nom-du-temple-en-exclusivite-sur-telerama-fr,124664.php

 

 

Sur TELERAMA

Reconstruire le temple Place des Mosquées.

 

Charles Enderlin, correspondant de France 2 en Israël, livre un documentaire nécessaire pour comprendre ce qui s'y passe aujourd'hui. A découvrir en avant-première sur Télérama.fr, avant sa diffusion sur France 2.

La diffusion du documentaire est désormais terminée.

Deux ans déjà que Charles Enderlin, chef du bureau de France 2 à Jérusalem, a écrit un livre magistral, Au nom du temple, dans lequel il analysait l'« irrésistible ascension du messianisme juif », qui a engendré la colonisation de la Judée et Samarie biblique. De ce livre, il a tiré un documentaire que la chaîne programme le 31 mars 2015 à 23h40 et que nous diffusons ici an avant-première jusqu'au 31 mars à 10h00. Une formidable occasion de comprendre, dix jours après les élections israéliennes, les raisons de la quatrième victoire de Benyamin Netanyahou.

En une heure trente d’archives et de témoignages recueillis auprès des artisans du « Grand Israël », Charles Enderlin qui ne s'écarte jamais de son rôle d'observateur sans concession de la société israélienne, raconte quatre décennies d’une dérive nationaliste et religieuse. Il commence par rappeler qu'en 1967, le général Moshe Dayan, héros de la guerre des Six-Jours, avait senti le danger : pas plus qu'il n'était pour lui imaginable de coloniser la Cisjordanie, il n'était question de s’installer sur l’Esplanade des mosquées, où les musulmans prient depuis mille trois cent ans : les juifs devrait se contenter du Mur des lamentations. Mais une vision messianique du sionisme a pris corps à Jérusalem, propagée par le grand rabbin HaCohen Kook et son fils Yéhuda, dont les élèves vont créer le Gush Emunim (Le Bloc de la foi), fer de lance de la colonisation en Cisjordanie (Judée-Samarie de la Bible).

Le succès des colons religieux n’aurait pas été possible, montre Enderlin, sans le soutien des leaders successifs de la droite nationaliste, Menahem Begin, Ariel Sharon, puis Benyamin Netanyahou. Aux crimes des premiers (massacre à Hébron, meurtre de Yitzhak Rabin…) répondent les provocations des seconds (Sharon sur l’Esplanade des mosquées, Netanyahou et l’affaire du tunnel), le tout favorisant la montée du Hamas et du terrorisme palestinien.

L’historien Zeev Sternhell parle d’un « cancer que nous avons refusé de voir ». Aujourd’hui, comme le dit un responsable triomphant des « implantations », « la solution à deux Etats n’existe plus ». Reste à finir le travail : reconstruire le temple, donc détruire les mosquées. Des illuminés ont déjà les plans, ainsi qu’un musée des ustensiles du temple, et ils cherchent une vache rousse dont les cendres purifieront les prêtres. Ils sont certes minoritaires. Mais un sondage révèle que 51 % de la population israélienne croit que le Messie viendra. La politique parviendra-t-elle à reprendre le pas sur le religieux ? Charles Enderlin aimerait encore vouloir le croire.

Un ministre “feuille de vigne”

Où en est Benyamin Netanyahou dans la formation de son gouvernement ?

Les discussions viennent à peine de commencer. Untel veut ceci, l'autre cela. Traditionnellement, en Israël, il faut toujours compter plusieurs semaines pour la formation d'une coalition. Les commentateurs disent que Nétanyahou va chercher un ministre « feuille de vigne ». Il sait en effet que son gouvernement, qui sera composé de députés de droite, d'extrême droite, et de religieux orthodoxes, sera assez mal vu à l'étranger. Donc il a besoin de quelqu'un qui puisse parler aux Américains et aux Européens, et qui ne vienne pas d'une droite nationaliste ou du sionisme religieux, tous deux annexionnistes. Pour l'instant, il n'a pas trouvé. Durant son avant-dernier mandat, en 2009, il avait fait entrer au gouvernement le travailliste Ehud Barak qui avait d'ailleurs ensuite quitté le parti travailliste. Et lors de son dernier mandat, il avait fait entrer Tzipi Livni, modérée, qui avait lancé des négociations avec les Palestiniens.

Sa coalition sera-t-elle forcément tournée vers l'extrême droite et les religieux ?

Non, bien qu'il ne soit pour l'instant pas question d'une alliance avec le centre gauche de l'Union sioniste, cela reste une éventualité, s'il n'arrive pas à trouver une alliance sur sa droite au bout de plusieurs semaines. Naftali Bennet, de la Maison juive, le parti des colons, veut un grand ministère, comme celui des Affaires étrangères ou de l'Education. Mais la perspective de Naftali Bennet à la tête d'un ministère de l'Education constituerait un choc pour la gauche israélienne, sachant que le précédent ministre de l'Education, du Likoud, organisait tout de même des excursions dans les colonies, notamment à Hébron…

Dans Au nom du temple, vous montrez l'irrésistible ascension des religieux messianiques et de la droite nationaliste. Pourtant, dans sa victoire inattendue du 17 mars, Benyamin Netanyahou semble bien avoir mordu sur les partis d'extrême droite, la Maison juive de Naftali Bennett et Israël notre maison de Avigdor Liberman ?

Effectivement, mais c'est par crainte de l'arrivée au pouvoir de la gauche que des électeurs de ces deux partis, et peut-être des religieux orthodoxes du Shass ou de Yahadut Hatorah, ont choisi le Likoud. Cela s'est peut-être même joué dans les toutes dernières heures. Il faut rappeler que dans la journée du scrutin, Netanyahou avait lancé un message sur le Web : attention, les Arabes votent en masse, la gauche les amène par autobus, la droite est en danger. On vient d'avoir droit, non pas aux excuses de Netanyahou, mais à ses « regrets ». Il a réuni quelques Arabes israéliens, des musulmans, des druzes et des chrétiens, pour leur dire que si quelqu'un avait été offensé, il le regrettait…

Charles Enderlin et le rabbin Yehuda Glick.

Des passerelles…

Y a-t-il aujourd'hui de vraies passerelles entre le Likoud de Netanyahou et les partis d'extrême droite ?

Oui, sur l'Etat palestinien, ils sont, à peu de chose près, sur la même ligne. Avigdor Liberman (Israël notre maison) veut bien d'un Etat palestinien mais essentiellement pour se débarrasser de la population arabe israélienne car il veut « deux Etats ethniquement homogènes ». Naftali Bennett (la Maison juive) veut purement et simplement une annexion immédiate de 60 % de la Cisjordanie. De son côté, le Likoud est maintenant officiellement contre la création d'un Etat palestinien. Netanyahou l'a promis, avec lui, il n'y aura pas de Palestine. Donc, ce sont plus que des passerelles…

Depuis quand ? Depuis le meurtre de Yitzhak Rabin en 1995 ?

Avant même les accords d'Oslo en 1993, et une nouvelle fois après les accords, Benyamin Netanyahou avait écrit qu'il s'opposait à la création d'un Etat palestinien. Une seule fois, en 2009, après le fameux discours au Caire de Barack Obama, il a prononcé les mots « Etat palestinien » mais en y ajoutant des conditions inacceptables. Il y a donc une constante dans les positions de Netanyahou. La communauté internationale, qui croit encore à la possibilité de négocier une avancée vers un processus de paix, devrait revoir ses analyses.

Qu'entendez-vous par là ?

Cela veut dire qu'avec 400 000 colons en Cisjordanie, processus que je décris dans Au nom du temple, il est pratiquement impossible de créer un Etat palestinien indépendant et viable en Cisjordanie avec Jérusalem-Est comme capitale. Sans compter que le conflit autour de ce qui est pour le judaïsme le Mont du temple, et pour les musulmans l'Esplanade des Mosquées et le troisième lieu saint de l'islam, n'a jamais été l'objet d'un début de négociation sérieuse. Les accords de Camp David ont échoué en juillet 2000 essentiellement pour cette raison. Un accord paraît donc plus que jamais impossible aujourd'hui.

D'autant que si l'on ajoute au Likoud toutes les formations nationalistes et religieuses, la droite est aujourd'hui largement majoritaire. On est loin de l'Israël des origines…

On ne peut pas additionner tous ces partis, parce que les religieux n'ont pas tous les mêmes positions sur le conflit israélo-palestinien. Mais c'est vrai que la droite est majoritaire depuis l'assassinat de Yitzhak Rabin. Et si on exclut l'épisode Ehud Barak en 1999, elle est au pouvoir depuis près de vingt ans. En quatre mandats, Benyamin Netanyahou est le dirigeant israélien qui a le plus transformé le pays et sa région depuis Ben Gourion.

Trois victoires électorales d’affilée

Mais ce n'est pas seulement dû à son génie politique. Le pays a changé, non ?

Bien sûr, trois victoires électorales d'affilée le montrent bien, Netanyahou est parfaitement synchrone avec l'évolution sociologique du pays. Il a son électorat, auquel il fait peur. Cet électorat est né d'un certain communautarisme parmi les populations séfarades du pays qui, traditionnellement depuis Menahem Begin en 1977, votent Likoud. Et il a été renforcé par les Russes et tous les récents arrivés. J'ai assisté à plusieurs discussions entre Israéliens de vieille souche – qui, quelle que soit leur origine, voulaient l'alternance –, et les nouveaux venus plutôt nationalistes, tous favorables au Likoud ou d'autres formations de droite ou religieuses.

Comment la gauche pourrait-elle alors un jour revenir au pouvoir, condition impérative pour une solution à deux Etats ?

Difficile, parce que le discours de Netanyahou, totalement sécuritaire, est fondé sur la peur. Il veut faire peur et il a réussi en déclarant que la politique de la gauche et du centre amènerait les islamistes aux portes de Jérusalem. C'est incroyable parce que deux cents anciens généraux, ex-patrons de Mossad ou du Shin Beth, ont déclaré que celui qui portait atteinte à la sécurité du pays, c'était Benyamin Netanyahou. Meir Dagan, qui fut pendant huit ans le patron du Mossad, a déclaré lors de la manifestation du 7 mars à Tel Aviv : « Israël a des ennemis, je ne les crains pas. Mais la direction actuelle du pays me fait peur. »

Dans une Knesset de plus en plus divisée, le phénomène étonnant, n'est-ce pas cette liste unie des Arabes israéliens menée par Ayman Odeh ?

Je ne crois pas. Il n'est pas du tout certain que cette liste commune reste soudée très longtemps. Le parti communiste judéo-arabe Kadash n'a pas grand-chose à voir avec les islamistes. Cette union n'apporte pas davantage de députés arabes à la Knesset, ou très peu, et cela ne change pas grand-chose.

“Etat nation du peuple juif”

C'est finalement la continuité qui prédomine ?

Benyamin Netanyahou a réussi son pari, il reste au pouvoir, il va former sa coalition de droite dure, pouvoir mettre en chantier son grand projet, faire voter une loi déclarant Israël « Etat nation du peuple juif », avec tout ce que cela représente pour la démocratie israélienne : seuls les juifs auront des droits nationaux dans l'Israël qu'il envisage, les minorités n'auront qu'à des droits individuels. Et vu ses déclarations sur le fait qu'il n'y aura pas d'Etat palestinien, Mahmoud Abbas a de quoi s'inquiéter.

La question d’un Etat palestinien n’est plus du tout d’actualité ?

C'est fini ! Tout le monde sait en Israël que le processus de paix est mort. A Ramallah, lorsque je rencontre des dirigeants palestiniens, je leur demande : croyez-vous que vous aurez un Etat, avec 400 000 colons ? Croyez-vous que les juifs vont vous donner la souveraineté sur les quartiers arabes de Jérusalem-Est, sur l'Esplanade des mosquées, qui est le troisième lieu de l'Islam, mais le seul lieu saint juif ? Et ils me répondent : « Nous savons très bien qu'on n'aura pas d'Etat, la Cisjordanie est devenue une peau de panthère, et il n'est plus possible de créer un Etat qui ait une continuité territoriale. » Mahmoud Abbas aussi en a parfaitement conscience. Il pense à l’héritage politique qu’il va laisser à son peuple. Quelques résolutions de l’ONU, la reconnaissance de la Palestine par le plus de pays possibles.

Pourquoi maintient-on alors la fiction de deux Etats possibles ?

Je n'arrive pas à imaginer que les analystes des chancelleries, en Europe et même aux Etats-Unis, ne soient pas conscients qu'on n'évacuera pas 400 000 colons, et pas même 10 000. L'idée de deux Etats est morte. Dans mon film, Ouri Ariel, ministre du Logement dans le précédent gouvernement Netanyahou, un colon qui pousse à la colonisation partout où c'est possible, me dit qu'il ne peut y avoir qu'une seule souveraineté entre le Jourdain et la Méditerranée, celle d'Israël, et si « les Arabes », sous-entendu les Palestiniens, veulent davantage de droits politiques, on leur donnera le droit de vote pour la Knesset. « Nous pouvons faire face à trente députés arabes supplémentaires au parlement. En 3000 ans d’existence, le peuple juif a surmonté des crises bien plus graves », dit-il. C'est leur vision. Le sionisme religieux ne renoncera pas à la terre d'Israël, à Jérusalem et au Mont du temple. Les diplomates européens en sont conscients, ceux que je rencontre me disent qu'en continuant de financer l'Autorité palestinienne, l'Europe ne fait que maintenir l'occupation.

Une lente descente en enfer

Alors que faire ?

Je ne sais pas. Puisqu'un Etat palestinien n'est plus possible, il faut chercher d'autres solutions. Mais c'est problématique avec un conflit religieux. 80 % des Israéliens croient aujourd'hui en Dieu, 51 % croient en la venue du Messie. La gauche séculière ne représente plus que 17 % de la population juive. Et vous avez aussi côté palestinien des virages vers la religion, l’islamisme alors que dans la région Daesh s’implante. On va vers une lente descente en enfer. Régulièrement, on a l’impression que le fond a été atteint… puis, il y en a encore un !

Vous ne croyez pas à un Etat d’Israël plus démocratique et plus égalitaire pour tous, un Etat qui se doterait d’une Constitution ?

Un Etat binational sous une forme ou une autre ? Dans tous les cas, ça voudrait dire la fin du sionisme libéral prôné par Theodore Herzl et par la gauche sioniste des débuts. Mais on n'y est pas. Le président Reuven Rivlin est un personnage intéressant : il est du Likoud, en faveur de l'annexion des territoires palestiniens, mais il souhaite donner aux Palestiniens tous les droits, politiques et civiques. Quand il était président de la Knesset il était de ceux qui défendaient les députés arabes israéliens face aux attaques de la droite et de l'extrême-droite. Le problème, c'est que l'Etat binational, ça ne marche pas vraiment au Liban, ça n'a pas marché en Yougoslavie, et ça ne marche même pas… en Belgique.

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