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3 mai 2015

Alain BADIOU à propos du 11 janvier

 

 

Le Rouge et le Tricolore

« La confusion a été à son comble quand on a vu que l’État appelait, de façon parfaitement autoritaire, à venir manifester. Ici, au pays de la “liberté d’expression”, une manifestation sur ordre de l’État ! » s'insurge le philosophe et penseur engagé Alain Badiou, dans un tribune récente du Monde. Réduite de moitié pour sa publication, c'est avec l'aimable autorisation de son auteur que nous en publions ici la version originale.

 

1. ARRIÈRE PLAN

 

La situation mondiale

 

Aujourd’hui, le monde est investi en totalité par la figure du capitalisme global, soumis à l’oligarchie internationale qui le régente, et asservi à l’abstraction monétaire comme seule figure reconnue de l’universalité. Nous vivons un pénible intervalle : celui qui sépare la fin de la deuxième étape historique de l’Idée communiste (la construction intenable, terroriste, d’un « communisme d’Etat ») de sa troisième étape (le communisme réalisant la politique, adéquate au réel, d’une « émancipation de l’humanité tout entière »). Dans ce contexte, s’est établi un conformisme intellectuel médiocre, une sorte de résignation à la fois plaintive et satisfaite, qui accompagne l’absence de tout futur autre que la répétition déployée de ce qu’il y a.

Nous voyons alors apparaître, contre-partie à la fois logique et horrifiante, désespérée et fatale, mélange de capitalisme corrompu et de gangstérisme meurtrier, un repli maniaque, manœuvré subjectivement par la pulsion de mort, vers les identités les plus diverses. Ce repli suscite à son tour des contre-identités identitaires arrogantes. Sur la trame générale de « l’Occident », patrie du capitalisme dominant et civilisé, contre « l’Islamisme », référent du terrorisme sanguinaire, apparaissent, d’un côté, des bandes armées meurtrières ou des individus surarmés, brandissant pour se faire obéir le cadavre de quelques dieux ; de l’autre, au nom des droits de l’homme et de la démocratie, des expéditions militaires internationales sauvages, détruisant des Etats entiers (Yougoslavie, Irak, Libye, Afghanistan, Soudan, Congo, Mali, Centrafrique…) et faisant des milliers de victimes, sans parvenir à rien qu’à négocier avec les bandits les plus corruptibles une paix précaire autour des puits, des mines, des ressources vivrières et des enclaves où prospèrent les grandes compagnies.

Il en ira ainsi tant que l’universalisme vrai, le prise en main du destin de l’humanité par l’humanité elle-même, et donc la nouvelle et décisive incarnation historico-politique de l’Idée communiste, n’aura pas déployé sa neuve puissance à l’échelle mondiale, annulant au passage l’asservissement des Etats à l’oligarchie des propriétaires et de leurs serviteurs, l’abstraction monétaire, et finalement les identités et contre-identités qui ravagent les esprits et en appellent à la mort.

La situation mondiale, c’est que tarde à venir, mais viendra – si nous parvenons à le vouloir à grande échelle – le temps où toute identité (car il y aura toujours des identités, y compris différentes, y compris formellement contradictoires) sera intégrée égalitairement et pacifiquement dans le destin de l’humanité générique.

 

2. DÉTAILS FRANÇAIS

 

Charlie-Hebdo et la « République ».

 

Né du gauchisme révolté des années soixante-dix, Charlie-Hebdo est devenu, comme nombre d’intellectuels, de politiciens, de « nouveaux philosophes », d’économistes impuissants et d’amuseurs divers, un défenseur à la fois ironique et fiévreux de la Démocratie, de la République, de la Laïcité, de la Liberté d’opinion, de la Libre entreprise, du Libre sexe, de l’Etat libre, bref, de l’ordre politique et moral établi. Ce genre de renégation, qui est comme le vieillissement des esprits au fil des circonstances, pullule, et n’a en soi-même guère d’intérêt.

Plus nouvelle semble la construction patiente, entamée en France dès les années quatre-vingt du dernier siècle, d’un ennemi intérieur de type nouveau : le musulman. Cela s’est fait dans la foulée de diverses lois scélérates poussant la « liberté d’expression » jusqu’au contrôle tatillon des vêtements, de nouveaux interdits concernant le récit historique et de nouvelles franchises policières. Cela s’est fait aussi dans une sorte de rivalité « de gauche » avec l’irrésistible ascension du Front national, lequel pratiquait depuis la guerre d’Algérie un racisme colonial franc et ouvert. Quelles que soit la diversité des causes, le fait est que le musulman, de Mahomet à nos jours, est devenu le mauvais objet du désir de Charlie-Hebdo. Accabler de sarcasmes le musulman et faire rire de ses façons est devenu le fonds de commerce de ce crépusculaire magazine « humoristique », un peu comme il y a un petit siècle on se moquait, sous le nom de « Bécassine », des paysannes pauvres (et chrétiennes, à l’époque…) venues de Bretagne pour torcher les enfants des bourgeoises de Paris.

Tout cela, au fond, n’est pas si nouveau. L’ordre établi parlementaire français – au moins depuis son acte fondateur, à savoir le massacre, en 1871, par les Thiers, Jules Ferry, Jules Favre et autres vedettes de la gauche « républicaine », de vingt mille ouvriers dans les rues de Paris – ce « pacte républicain » auquel se sont ralliés tant d’ex-gauchistes, a toujours soupçonné que se tramaient des choses effrayantes dans les faubourgs, les usines de la périphérie, les sombres bistrots banlieusards. Il a toujours envoyé de fortes brigades policières dans ces endroits, et peuplé les prisons, sous d’innombrables prétextes, des louches jeunes hommes mal éduqués qui y vivaient. Il a introduit dans les « bandes de jeunes » des délateurs corrompus. Elle a aussi, la République, multiplié les massacres et formes neuves d’esclavage requis par le maintien de l’ordre dans l’Empire colonial. Cet Empire sanguinaire, où l’on torturait avec constance les « suspects » dans le moindre commissariat de la moindre bourgade africaine ou asiatique, avait trouvé sa charte dans les déclarations du même Jules Ferry, – décidément un activiste du pacte républicain  – lesquelles exaltaient la « mission civilisatrice » de la France.

Or, voyez-vous, un nombre considérables des jeunes qui peuplent nos banlieues, outre leurs louches activités et leur manque flagrant d’éducation (étrangement, la fameuse Ecole républicaine n’a rien pu, semble-t-il, en tirer, mais n’arrive pas à se convaincre que c’est de sa faute, et non de la faute des élèves), ont des parents prolétaires d’origine africaine, ou sont eux-mêmes venus d’Afrique pour survivre, et, par voie de conséquence, sont souvent de religion musulmane. A la fois prolétaires et colonisés, en somme. Deux raisons de s’en méfier et de prendre les concernant de sérieuses mesures répressives. La police, heureusement, sous la direction éclairée de nos gouvernements, tant de droite extrême que de gauche résolue, fait ce qu’il convient. Supposons que vous soyez un jeune noir ou un jeune à l’allure arabe, ou encore une jeune femme qui a décidé, par sens de la libre révolte, puisque c’est interdit, de se couvrir les cheveux. Eh bien, vous avez alors neuf ou dix fois plus de chances d’être interpellé dans la rue par notre police démocratique et très souvent retenu dans un commissariat, que si vous avez la mine d’un « Français », ce qui veut dire, uniquement, le faciès de quelqu’un qui n’est probablement ni prolétaire, ni ex-colonisé. Ni musulman. Charlie-Hebdo, en un sens, ne fait qu’aboyer avec ces mœurs policières.

On prétend de ci de là que ce n’est pas le fait d’être musulman en soi, comme indice négatif, que visent les caricatures de Charlie-Hebdo, mais l’activisme terroriste des intégristes. C’est objectivement faux. Prenez une caricature typique : on y voit une paire de fesses nues, c’est tout, et la légende dit « Et le cul de Mahomet, on peut s’en servir ? ». Le Prophète des croyants, cible permanente de ces stupidités, serait-il un terroriste contemporain ? Non, cela n’a rien à voir avec quelque politique que ce soit. Rien à voir avec le drapeau solennel de la « liberté d’expression ». C’est une ridicule et provocatrice obscénité visant l’Islam comme tel, c’est tout. Et ce n’est rien d’autre qu’un racisme culturel de bas étage, une « blague » pour faire péter de rire le lepéniste aviné du coin. Une complaisante provocation « occidentale », pleine de la satisfaction du nanti, envers, non seulement d’immenses masses populaires africaines, moyen-orientales ou asiatiques qui vivent dans des conditions dramatiques, mais envers une très large fraction du peuple laborieux ici même, celui qui vide nos poubelles, nettoie la vaisselle, s’éreinte au marteau piqueur, fait à cadence accélérée les chambres des hôtels de luxe ou nettoie à quatre heures du matin les vitres des grandes banques. Bref, cette part du peuple qui, par son travail seul, mais aussi par sa vie complexe, ses voyages risqués, sa connaissance de plusieurs langues, sa sagesse existentielle et sa capacité à reconnaître ce que c’est qu’une vraie politique d’émancipation, mérite au moins qu’on la considère, et même, oui, qu’on l’admire, toute question religieuse mise de côté.

Autrefois déjà, dès le XVIIIe siècle, toutes ces blagues sexuelles, antireligieuses en apparence, antipopulaires en réalité, avaient donné un « humour » de caserne ou de salle de garde. Voyez les obscénités de Voltaire à propos de Jeanne d’Arc : son La Pucelle d’Orléans est tout à fait digne de Charlie-Hebdo. A lui seul, ce poème cochon dirigé contre une héroïne sublimement chrétienne autorise à dire que les vraies et fortes lumières de la pensée critique ne sont certes pas illustrées par ce Voltaire de bas étage. Il éclaire la sagesse de Robespierre quand il condamne tous ceux qui font des violences antireligieuses le cœur de la Révolution, et n’obtiennent ainsi que désertion populaire et guerre civile. Il nous invite à considérer que ce qui divise l’opinion démocratique française est d’être, le sachant ou non, soit du côté constamment progressiste et réellement démocrate de Rousseau, soit du côté de l’affairiste coquin, du riche spéculateur sceptique et jouisseur, qui était comme le mauvais génie logé dans ce Voltaire par ailleurs capable, parfois, d’authentiques combats.

Mais aujourd’hui, tout cela pue la mentalité coloniale – comme du reste la loi contre le foulard « islamique » rappelait, en bien plus violent, hélas, les moqueries contre la coiffe bretonne de Bécassine : tous points où le racisme culturel racoleur fusionne avec l’hostilité sourde, l’ignorance crasse et la peur qu’inspire au petit bourgeois de nos contrées, très content de lui-même, l’énorme masse, banlieusarde ou africaine, des damnés de la terre.

 

3. CE QUI EST ARRIVÉ

 

1 / Le crime de type fasciste

 

Et les trois jeunes Français que la police a rapidement tués ?

Remarquons en passant que c’était faire, à la satisfaction générale, l’économie d’un procès où il aurait fallu discuter de la situation et de la réelle provenance des coupables. C’était aussi un trait tiré sur l’abolition de la peine de mort, le retour à la pure vengeance publique, dans le style des westerns.

S’il faut les caractériser, disons qu’ils ont commis ce qu’il faut appeler un crime de type fasciste.

J’appelle crime de type fasciste un crime qui a trois caractéristiques. D’abord, il est ciblé, et non pas aveugle, parce que sa motivation est idéologique, de caractère fascisant, ce qui veut dire : stupidement identitaire, nationale, raciale, communautaire, coutumière, religieuse... En la circonstance, les assassins avaient visiblement comme cibles trois identités souvent visées par le fascisme classique : les publicistes considérés comme du bord opposé, les policiers défendant l’ordre parlementaire haï, et les Juifs. Il s’agit de la religion dans le premier cas, d’une Etat national dans le second, d’une prétendue race dans le troisième. Ensuite, il est d’une violence extrême, assumée, spectaculaire, parce qu’il vise à imposer l’idée d’une détermination froide et absolue, qui du reste inclut de façon suicidaire la probabilité de la mort des meurtriers. C’est l’aspect «Viva la muerte ! », l’allure nihiliste, de ces actions. Troisièmement, le crime vise, par son énormité, son effet de surprise, son côté hors norme, à créer un effet de terreur et à alimenter, de ce fait même, du côté de l’Etat et de l’opinion, des réactions incontrôlées, lesquelles, aux yeux des criminels et de leurs patrons, vont justifier après coup, par symétrie, l’attentat sanglant.

Ce genre de crime demande des tueurs que ceux qui les manipulent peuvent abandonner à leur sort dès que l’acte a eu lieu. Ce ne sont pas de grands professionnels, des gens des services secrets, des assassins chevronnés. Ce sont des jeunes du peuple, tirés de leur vie, qu’ils prévoient sans issue, ni sens, par la fascination de l’acte pur mêlé à quelques ingrédients identitaires sauvages, et qui accèdent aussi, ce faisant, aux armes sophistiquées, aux voyages, à la vie en bande, à des formes de pouvoir, de jouissance, et à un peu d’argent. En France même, on a vu, à une autre époque, des recrues de groupes fascisants capables de devenir des meurtriers et des tortionnaires pour des raisons du même genre. Ce fut notamment le cas, pendant l’occupation de la France par les nazis, de bien des miliciens embauchés par Vichy sous le drapeau de la « Révolution nationale ».

Si l’on veut réduire le risque des crimes fascistes, c’est de ce portrait qu’il faut s’inspirer. Les facteurs décisifs autorisant l’apparition de ces crimes sont clairs. Il y a l’image négative que la société se fait des jeunes venus de la misère mondiale, la façon dont elle les traite. Il y a le maniement inconsidéré des questions identitaires, l’existence non combattue, voire encouragée, de déterminations racialistes et coloniales, les lois scélérates de ségrégation et de stigmatisation. Il y a surtout sans doute, non pas l’inexistence – on trouve dans notre pays des militants pleins d’idées et liés au peuple réel –, mais la faiblesse désastreuse, à échelle internationale, des propositions politiques hors consensus, de nature révolutionnaire et universelle, susceptibles d’organiser ces jeunes dans la solidité agissante d’une conviction politique rationnelle. Ce n’est que sur le fond d’une action persistante pour modifier tous ces facteurs négatifs, d’un appel à changer de fond en comble la logique politique dominante, qu’on aurait pu raisonnablement faire prendre à l’opinion la vraie mesure de ce qui se passait, et subordonner l’action policière, toujours dangereuse quand elle est livrée à elle-même, à une conscience publique éclairée et capable.

Or la réaction gouvernementale et médiatique a fait exactement tout le contraire.

 

4. CE QUI EST ARRIVÉ

 

2 / L’État et l’Opinion

 

Dès le début, l’Etat s’est engagé dans une utilisation démesurée et extrêmement dangereuse du crime fasciste. Au crime à motivations identitaires, il a opposé dans les faits une motivation identitaire symétrique. Au « musulman fanatique » on a opposé sans vergogne le bon Français démocrate. Le scandaleux thème de « l’union nationale », voire de « l’union sacrée », qui n’a servi en France qu’à envoyer les jeunes gens se faire massacrer pour rien dans les tranchées, est ressorti de ses placards naphtalinés. Que du reste ce thème soit identitaire et guerrier, on l’a bien vu lorsque nos dirigeants, les Hollande et les Valls, suivis par tous les organes médiatiques, ont entonné l’air, inventé par Bush à propos de la sinistre invasion de l’Irak – dont on connaît aujourd’hui les effets dévastateurs et absurdes –, de la « guerre contre le terrorisme ». C’est tout juste si, à l’occasion d’un crime isolé de type fasciste, on n’a pas exhorté les gens soit à se terrer chez eux, soit à revêtir leur uniforme de réserviste et à partir au son du clairon en Syrie.

La confusion a été à son comble quand on a vu que l’État appelait, de façon parfaitement autoritaire, à venir manifester. Ici, au pays de la « liberté d’expression », une manifestation sur ordre de l’État ! On avait de bonnes raisons de se demander si Valls n’envisageait pas d’emprisonner les absents. On a puni, de ci de là, ceux qui étaient rétifs à la minute de silence. Nous aurons vraiment tout vu. C’est ainsi qu’au plus bas de leur popularité, nos dirigeants ont pu, grâce à trois fascistes dévoyés qui ne pouvaient imaginer un tel triomphe, défiler devant un million et quelques de personnes, à la fois terrorisées par les « musulmans » et nourries aux vitamines de la démocratie, du pacte républicain et de la grandeur superbe de la France. Il a même été possible que le criminel de guerre coloniale Netanyahou figure au premier rang des manifestants, supposés venir là célébrer la liberté d’opinion et la paix civile.

La « liberté d’expression », parlons-en ! La manifestation affirmait au contraire, à grand renfort de drapeaux tricolores, qu’être français c’est d’abord avoir tous, sous la houlette de l’Etat, la même opinion. Il était pratiquement impossible, tous ces jours -ci, d’exprimer sur ce qui se passait une autre avis que celui qui consiste à s’enchanter de nos libertés, de notre République, à maudire la corruption de notre identité par les jeunes prolétaires musulmans et les filles horriblement voilées, et à se préparer virilement à la « guerre contre le terrorisme ». On a même entendu le cri suivant, admirable dans sa liberté expressive : « nous sommes tous des policiers ».

Comment du reste ose-t-on aujourd’hui parler de « liberté d’expression » dans un pays où, à de très pauvres exceptions près, la totalité des organes de presse et de télévision sont aux mains de grands groupes privés industriels et/ou financiers ? Faut-il que notre «pacte républicain » soit souple et accommodant pour qu’on s’imagine que ces grands groupes, que Bouygues, que Lagardère, que Niel, et tous les autres, sont prêts à sacrifier leurs intérêts privés sur l’autel de la démocratie et de la liberté d’expression !

Il est très naturel en réalité que la loi de notre pays soit celle de la pensée unique et de la soumission peureuse. La liberté en général, y compris celle de la pensée, de l’expression, de l’action, de la vie même, consiste-t-elle aujourd’hui à devenir unanimement des auxiliaires de police pour la traque de quelques dizaines d’embrigadés fascistes, la délation universelle des suspects barbus ou voilés, et la suspicion continue concernant les sombres «cités de banlieues », héritières des « faubourgs » où l’on fit autrefois un carnage des Communards ? Ou bien la tâche centrale de l’émancipation, de la liberté publique, est-elle bien plutôt d’agir en commun avec le plus possible de jeunes prolétaires de ces banlieues, le plus possible de jeunes filles, voilées ou non, cela n’importe pas, dans le cadre d’une politique neuve, qui ne se réfère à aucune identité (« les prolétaires n’ont pas de patrie ») et prépare la figure égalitaire d’une humanité s’emparant enfin de son propre destin ? Une politique qui envisage rationnellement que nos vrais maîtres impitoyables, les riches régents de notre destin, soient enfin congédiés ?

Il y a eu en France, depuis bien longtemps, deux types de manifestations : celles sous drapeau rouge, et celles sous drapeau tricolore. Croyez-moi : y compris pour réduire à rien les petites bandes fascistes identitaires et meurtrières, qu’elles se réclament des formes sectaires de la religion musulmane, de l’identité nationale française ou de la supériorité de l’Occident, ce ne sont pas les tricolores, commandées et utilisées par nos maîtres, qui sont efficaces. Ce sont les autres, les rouges, qu’il faut faire revenir.

 

Alain Badiou

(Philosophe, dramaturge et écrivain)

 

 

 

• Dans le dernier numéro de « Contre-courant », sur Mediapart, Alain Badiou et Aude Lancelin reçoivent l'historienne Sophie Wahnich. Après les attentats, après la réaction des manifestants du 11 janvier, quel regard portent-ils sur ces événements ?

VIDEO (60 minutes) : http://www.mediapart.fr/journal/france/240115/alain-badiou-contre-courant-apres-la-tuerie

 

 

 

Quelques  commentaires

29/01/2015, 15:56 | Par yapadaxan

Nous vivons un pénible intervalle : celui qui sépare la fin de la deuxième étape historique de l’Idée communiste (la construction intenable, terroriste, d’un « communisme d’Etat ») de sa troisième étape (le communisme réalisant la politique, adéquate au réel, d’une « émancipation de l’humanité tout entière »).

Je ne comprends pas ce que signifie "terroriste" ni à quoi il renvoie.

29/01/2015, 16:11 | Par Jean-Pierre Anselme en réponse au commentaire de yapadaxan le 29/01/2015 à 15:56

Je lis une critique du « communisme d'État » (URSS, pays de l'Est...) qui s'est construit par une pratique terroriste (le stalinisme...). « Construction intenable », à tous égards, qui s'est achevée par un effondrement (la chute du Mur de Berlin)

 

 

05/02/2015, 00:32 | Par Yves Tripon en réponse au commentaire de Quoique le 30/01/2015 à 19:44

Charlie Hebdo à ses débuts se moquait de la religion (essentiellement catholique). Depuis le début des années 2000, il est devenu obnubilé par l'islam. Mais, n'y connaissant rien et incapable d'en comprendre le fonctionnement, ce n'est pas à la religion musulmane qu'il s'en prenait mais à ses pratiquants, ou plutôt ses pratiquantes. Et jamais il ne s'en est pris à tous ses beaufs agressant parfois physiquement les femmes faisant le choix de porter le voile. Il est facile d'enfoncer des portes ouvertes comme le sexisme dans la pub, même Valeurs Actuelles le fait parfois. C'est se donner bonne conscience quand dans le même temps on parle de "mère mecquerelle", de "on mange hallal, on baise anal".

Quelle rigolade. Allons, ne le prenez pas mal. Ne soyez pas chagrin. Charlie Hebdo est "anarchiste", la preuve il y avait Cabu et Wolinsky. Ah ! mais on avait perdu Siné... Euh, non pas perdu, mais licencié. Au fait, pourquoi ?

Oui, l'islam a comme toutes les religions de grosses tendances sexistes. Oui, il est à critiquer. Oui, on a le droit d'être blasphématoire à son égard. Mais rien n'autorise, au nom de ce droit, à faire des caricatures sexistes et racistes visant ses pratiquants et assimiler ces gens-là aux djihadistes. Tous les catholiques ne sont pas de l'Opus Dei, tous les protestants ne sont pas du Ku Klux Klan, tous les Juifs ne sont pas sionistes et tous les athées ne sont pas des obsédés bouffeurs de curés. Quand on critique quelque chose, même par la caricature, on l'étudie d'abord.

Quant à l'histoire des mille vierges, il s'agit d'une légende qui n'a rien de musulmane, mais concernait une secte unique du Moyen-Âge : les hachichines, dirigés par le "vieux de la montagne", qui, comme les Ninjas du Japon médiéval, étaient des tueurs à gage. Qu'elle soit aujourd'hui reprise par l'extrême-droite islamique n'autorise pas à en faire une généralité pour tout l'islam.

Il est lamentable qu'on en soit à démonter des sottises pareilles, alors que la simple lecture de n'importe quelle encyclopédie permet de les éviter

 

 

Par Jemma Bent Seghir, enseignante

Depuis deux semaines, des enseignant-e-s, mes collègues donc, abondamment relayé-e-s par les médias, construisent la figure de l’élève supposé-e musulman-e et qui serait réti-f/ve aux « valeurs de la République », complice du terrorisme, antisémite et foncièrement obscurantiste. Tous ces témoignages visent à construire aussi en creux, par différence, l’image d’une institution scolaire et de ses membres qui seraient, eux, du bon côté de la frontière civilisationnelle, à savoir humanistes, éclairé-e-s, progressistes...

LIRE la suite sur Les Mots sont importants :

http://lmsi.net/A-bonne-ecole


 

http://www.mediapart.fr/journal/france/300115/un-journaliste-interpelle-au-petit-matin-pour-diffamation

« Ils m’ont réveillé devant ma femme et ma fille et m’ont embarqué dans leurs bureaux, puis dans les cellules au rez-de-chaussée du tribunal de grande instance de Marseille »,


Pourquoi ont-ils attaqué Charlie-Hebdo?

par Jacques LE BOHEC

 

L’ATTENTAT CONTRE CHARLIE HEBDO : L’OCCULTATION POLITIQUE ET MEDIATIQUE DES CAUSES, DES CONSEQUENCES ET DES ENJEUXPar Saïd Bouamama

Tueries à Charlie Hebdo et porte de Vincennes : ne pas s’interdire de réfléchir, agir pour ne pas subirPar Julien Salingue

 

 

05/02/2015, 00:32 | Par Yves Tripon en réponse au commentaire de Quoique le 30/01/2015 à 19:44

Charlie Hebdo à ses débuts se moquait de la religion (essentiellement catholique). Depuis le début des années 2000, il est devenu obnubilé par l'islam. Mais, n'y connaissant rien et incapable d'en comprendre le fonctionnement, ce n'est pas à la religion musulmane qu'il s'en prenait mais à ses pratiquants, ou plutôt ses pratiquantes. Et jamais il ne s'en est pris à tous ses beaufs agressant parfois physiquement les femmes faisant le choix de porter le voile. Il est facile d'enfoncer des portes ouvertes comme le sexisme dans la pub, même Valeurs Actuelles le fait parfois. C'est se donner bonne conscience quand dans le même temps on parle de "mère mecquerelle", de "on mange hallal, on baise anal".

Quelle rigolade. Allons, ne le prenez pas mal. Ne soyez pas chagrin. Charlie Hebdo est "anarchiste", la preuve il y avait Cabu et Wolinsky. Ah ! mais on avait perdu Siné... Euh, non pas perdu, mais licencié. Au fait, pourquoi ?

Oui, l'islam a comme toutes les religions de grosses tendances sexistes. Oui, il est à critiquer. Oui, on a le droit d'être blasphématoire à son égard. Mais rien n'autorise, au nom de ce droit, à faire des caricatures sexistes et racistes visant ses pratiquants et assimiler ces gens-là aux djihadistes. Tous les catholiques ne sont pas de l'Opus Dei, tous les protestants ne sont pas du Ku Klux Klan, tous les Juifs ne sont pas sionistes et tous les athées ne sont pas des obsédés bouffeurs de curés. Quand on critique quelque chose, même par la caricature, on l'étudie d'abord.

Quant à l'histoire des mille vierges, il s'agit d'une légende qui n'a rien de musulmane, mais concernait une secte unique du Moyen-Âge : les hachichines, dirigés par le "vieux de la montagne", qui, comme les Ninjas du Japon médiéval, étaient des tueurs à gage. Qu'elle soit aujourd'hui reprise par l'extrême-droite islamique n'autorise pas à en faire une généralité pour tout l'islam.

Il est lamentable qu'on en soit à démonter des sottises pareilles, alors que la simple lecture de n'importe quelle encyclopédie permet de les éviter.

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