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27 juin 2015

Manifestations en Arménie : « Certains tentent de manipuler ce mécontentement social »

L’expert Andreï Arechev commente les manifestations en Arménie



Depuis une semaine, les Arméniens protestent contre la décision du gouvernement de Serge Sarkissian d’augmenter le prix de l’électricité, et réclament la libération de 237 manifestants interpellés par la police lundi 22 juin. Andreï Arechev, expert du Centre de recherches sur l’Asie centrale, le Caucase et l’Oural auprès de l’Académie russe des Sciences revient sur ces désordres en Arménie.

 

Lenta.ru : Suite à l’agitation qu’avaient provoquée les tragiques événements de Gyumri, les experts s’étaient mis à parler du début possible d’une « révolution orange » en Arménie. Est-ce que nous y sommes ?

Andreï Arechev : Je ne parlerais pas d’une révolution orange ni d’un Maïdan arméniens, parce que dans chaque pays, la situation est particulière, avec une logique et des facteurs intérieurs de développement propres.

Ce que l’on peut dire des événements, en tout cas, c’est que sans aucun doute, ils ne sont pas terminés. Ce serait vrai dans n’importe quel pays, et en Arménie, les facteurs d’agitation sociale et de mécontentement ont davantage d’acuité peut-être que nulle part ailleurs. La raison concrète de cette série de manifestationsa été une augmentation, relativement peu importante, d’ailleurs, des tarifs de l’électricité. Mais il faut savoir que ces augmentations sont permanentes et concernent non seulement l’énergie, mais aussi un spectre plus large de biens et services, y compris des marchandises de première nécessité. Ça touche également les prix du gaz, auquel beaucoup de gens ont déjà dû renoncer. Et naturellement, certains tentent de manipuler ce mécontentement social. On essaie notamment de le transformer en mécontentement à l’égard de la Russie, de l’Union économique eurasiatique et, plus généralement, du vecteur eurasiatique de la politique étrangère de l’Arménie.

L : Qui se tient derrière ces tentatives ?

A. A : Après la liquidation du parti Arménie prospère en tant que force politique indépendante et influente, qui avait rassemblé, avec le Congrès national arménien et d’autres organisations, des manifestations de plusieurs milliers de personnes en Arménie en octobre dernier –  manifestations qui s’étaient d’ailleurs déroulées dans un grand calme et dans le respect de la loi –, le mouvement de protestation a pris un caractère plus friable, disparate. Par exemple, la composition des participants des dernières actions était assez bigarrée en termes d’appartenance politique : on y trouve un éventail de groupes très divers, allant des anarchistes et des « maçons arméniens » aux représentants de partis politiques et communautés les plus différents. Sachant que l’ossature des activistes du mouvement « Non au pillage ! », qui a initié officiellement la manifestation, est composée de gens jeunes, jusqu’à trente ans. Et, indubitablement, il pouvait y avoir parmi les participants des représentants de groupes liés d’une façon ou d’une autre aux différentes ambassades étrangères. Il n’y a d’ailleurs rien d’étonnant à cela, car les forces intérieures dans n’importe quel pays, surtout s’il est question d’actions et de mouvements de masse, utilisent toujours tous leurs moyens pour « tester la rue », c’est-à-dire comprendre de quelles possibilités elles peuvent disposer dans le cas d’un développement des événements selon différents scénarii.

L : Cela s’est-il reflété d’une façon ou d’une autre dans les événements du 22 juin ?

A. A : J’attirerai votre attention sur le fait qu’à un moment, des drapeaux de l’Union européenne ont été levés. Ils sont apparus clairement, mais ont ensuite été rapidement roulés. Notamment, je suppose, aussi parce que parmi les protestataires, la majorité sont des forces  sensées, qui comprennent que les exigences de caractère socio-économique ne doivent en aucun cas être transformées en slogans antirusses. Car si c’était le cas, les événements en Arménie pourraient prendre des traits des scénarii ukrainien ou autres. Et je pense qu’il ne faut absolument pas laisser cela advenir, et qu’on le comprend parfaitement en Russie. Il faut absolument travailler avec les représentants de toutes les forces constructives d’Arménie – partis politiques, mouvements sociaux et simples groupements citoyens –, à l’exception, évidemment, des russophobes fanatiques, avec qui il n’y a pas de base pour le dialogue. Et je sais que ce travail est mené, à un certain degré.

L : Une exigence de sortir de l’Union économique eurasiatique peut-elle s’exprimer et bénéficier d’un soutien réel ? À quel point est-ce vraisemblable ?

A. A : Je pense qu’actuellement, la question ne se pose pas de cette façon. Mais effectivement, voilà déjà quelques mois que, dans les médias orientés d’Arménie, on constate une tendance à relier l’aggravation de la situation économique dans le pays, l’augmentation des prix et des tarifs, et beaucoup d’autres choses, avec l’entrée de la république dans l’UEEA. Et si l’Union européenne fournit encore à cela des motifs, qui seront déployés à l’aide des technologies d’information contemporaines, alors je n’exclus pas, malheureusement, que ces événements acquièrent un caractère plus massif. Et pas seulement parmi la jeunesse, du reste, mais aussi chez les générations moyenne et âgée, qui sont, dans l’ensemble, tout à fait favorables au choix russe et eurasiatique de l’Arménie, un choix qui a été fait aussi, consciemment, dans l’intérêt strictement national du pays. Il est important de ne pas laisser surgir une telle dissonance, de ne pas fournir aux forces antirusses de prétexte pour interpréter les tendances négatives dans le développement de l’économie arménienne comme des conséquences de l’entrée du pays dans l’Union eurasiatique. La sphère du quotidien est précisément la plus indicative : les prix de l’agroalimentaire augmentent et les possibilités d’accès aux marchés extérieurs, y compris le marché russe, se rétrécissent pour les producteurs arméniens – alors que précisément, lors de l’entrée dans l’UEEA, on promettait tout le contraire. Mais ces tendances négatives sont bien là ! Et pour cette raison, la mission des autorités arméniennes, de la commission eurasiatique et de toutes les structures bilatérales et multilatérales actuellement existantes est de vaincre ces tendances.

L : Dans quelle mesure l’emploi de la force contre les manifestants était-il justifié ?

A. A : Radio Svoboda a retransmis en direct les événements, notamment les négociations de plusieurs heures entre les activistes et le directeur adjoint de la police de Erevan. À mon sens, la police a agi correctement et a été mue par le souci de maintenir l’ordre dans la ville, parce que ce rassemblement de gens dans le centre aurait pu conduire à des conséquences imprévisibles. Surtout si l’on suppose qu’il pouvait y avoir parmi eux des provocateurs. La grande masse des protestataires était d’humeur pacifique et constructive. Je pense que si les actions de protestation se poursuivent, elles ne doivent pas avoir un caractère illégal, anticonstitutionnel, et qu’il faut qu’elles se déroulent dans une stricte conformité avec les normes législatives existantes. Sachant qu’aussi bien la police que les autorités arméniennes, au cours des années qui se sont écoulées depuis le tragique événement du 1er mars 2008 [Dix personnes parmi lesquelles deux policiers avaient été tuées dans les violences du 1er mars 2008 en Arménie, après onze jours de protestations contre la victoire à l’élection à la présidence du pays de Serge Sarkissian face à Levon Ter-Petrossian, ndlr], en ont tiré les leçons et comprennent qu’il faut agir avec la plus grande tactique. Il ne faut recourir aux moyens spéciaux qu’en cas de nécessité la plus extrême.

 

SOURCE : LCDR

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