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18 novembre 2015

EIIL - « Des puissances étrangères ont financé, formé, armé l’Etat islamique en Irak et au Levant »

Entretien réalisé par Rosa Moussaoui
Mercredi, 25 Juin, 2014
Pour Hamid Madjid Moussa, secrétaire général du Parti communiste irakien, l’ancienne force d’occupation américaine tire profit des menaces d’éclatement qui planent sur l’Irak.
Humanité : Comment les djihadistes de  l’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) ont-il pu conquérir une partie si vaste du territoire en si peu de temps ?
Hamid Madjid Moussa. Ces évènements ne sont pas le résultat d’un basculement soudain. Ils sont le résultat d’innombrables problèmes accumulés. Ils cristallisent en fait la crise profonde que traverse l’Irak. Le climat était propice à l’activisme de ces groupes extrémistes comme Daesh (l’acronyme désignant en arabe l’Etat islamique en Irak et au Levant, EIIL, NDLR), qui était à l’origine une branche d’Al Qaïda. Cette organisation terroriste, qui a su tirer partie des évènements en Syrie, exploite les conditions de vie difficiles des populations de la partie arabe du nord de l’Irak. Elle a su capitaliser la colère qui s’est exprimée, à travers des manifestations, des mouvements de masse dans la partie occidentale du pays.
 
Humanité : Comment expliquez-vous ce sentiment d’exclusion des populations sunnites, dont l’insurrection a été durement réprimée ?
Hamid Madjid Moussa. Le ralliement d’une frange de la population sunnite à l’Etat islamique en Irak et au Levant explique en partie l’avancée de ce groupe armé. Mais, comme communiste, je ne me résous pas à ces divisions entre sunnites, chiites et kurdes. Tous les sunnites ne soutiennent pas l’EIIL. Tous les chiites n’appuient pas Nouri al-Maliki. Les problèmes dont souffrent les populations des provinces de l’ouest sont les mêmes que ceux auxquels se confrontent les autres : le chômage, le délabrement des services publics, l’insécurité, l’instabilité, la paralysie de l’économie… Tous ces problèmes frappent l’ensemble des Irakiens. Le sectarisme avec lequel le pays est gouverné a divisé l’administration. Les dirigeants ont cultivé et instrumentalisé les distinctions religieuses pour se tailler la part la plus grosse possible du pouvoir politique et pour s’enrichir.
Humanité : Diriez-vous que le régime de Nouri al-Maliki a durablement divisé les Irakiens ? 
Hamid Madjid Moussa. La responsabilité de Nouri al-Maliki est très lourde. Il n’est pas seul, cependant. Les factions politiques formées sur des bases confessionnelles, sunnites comme chiites, se sont montrées incapables de conclure un accord reflétant les intérêts du pays. Mais la responsabilité première incombe bien sûr à Maliki, qui exerce le pouvoir de façon solitaire et autocratique, bloquant ainsi  tout dialogue sur le terrain politique. Cela a préparé le terrain à l’EIIL et aux autres groupes extrémistes. Toutes ces contradictions se sont accumulées, jusqu’à la prise de Mossoul. Là, l’armée et les forces de sécurité, minées par la corruption, se sont tout simplement effondrées.
 
Humanité : Peut-on dire de l’armée irakienne qu’elle se consacre davantage aux affaires qu’à la défense du pays ? 
Hamid Madjid Moussa. Absolument. Les officiers, dont certains sont d’anciens baasistes, n’ont montré aucune ferveur à défendre un gouvernement contesté. Ils n’ont pas du tout pour horizon la mise en place d’un authentique processus démocratique en Irak.  Au contraire, ceux là ont aidé Daesh à exécuter ses plans. Il est en outre confirmé que ce groupe terroriste a bénéficié de l’appui formel et direct d’anciens cadres de l’armée de Saddam Hussein. Les baasistes désignent les évènements actuels par le terme de « révolution » ! Forts de ce soutien, l’EIIL a accumulé des armes, beaucoup d’argent et travaille désormais à resserrer sont emprise sur les villes conquises, en y imposant ses règles et son administration. Ce qui lui permet d’accélérer son offensive sur de nouvelles villes, de nouvelles provinces. Mais des fissures apparaissent désormais au sein de ce front hétéroclite. Des combats opposent même l’EIIL à d’autres groupes d'insurgés dans le nord de l’Irak. 
 
Humanité : Dans quelle mesure les ingérences étrangères, qu’elles proviennent des Occidentaux ou des pétromonarchies du Golfe, sont-elles en cause dans l’installation d’un tel chaos ? 
Hamid Madjid Moussa. Les puissances étrangères portent une grande responsabilité, elles ont financé, formé, armé ce groupe qui recrute de nombreux combattants en Europe, au Maghreb et dans la région. Elles font montrent d’une incroyable complaisance sur le front de la guerre médiatique que mène l’EIIL parallèlement à son offensive. L’Arabie saoudite, le Qatar mais aussi la Turquie sont ici en première ligne. 
Riyad nie pourtant tout appui à l’EIIL, classé groupe terroriste en Arabie Saoudite. 
Hamid Madjid Moussa. Que l’Arabie Saoudite ait interdit ce groupe sur son propre territoire ne l’empêche pas de s’en servir ailleurs. En Irak, mais aussi en Syrie, elle le considère comme un groupe « révolutionnaire » travaillant à la « libération » des populations sunnites. Cela ne fait pas l’ombre d’un doute : les groupes terroristes agissant dans la région sont financés et aidés par l’Arabie Saoudite et par le Qatar. 
 
Humanité : Craignez-vous le scénario d’une balkanisation de l’Irak ? 
Hamid Madjid Moussa. Bien entendu. Les processus à l’œuvre sont porteurs de sérieux risques d’éclatement du pays en trois entités (sunnite, chiite, kurde) ou même davantage. Si la situation sécuritaire devait se détériorer encore, cela attiserait les divisions entre régions. Mais c’est une possibilité. Il y a des alternatives à ce scénario.
 
Humanité : Peut-on imaginer, dans un avenir proche, un Kurdistan indépendant ? 
Hamid Madjid Moussa. La question du Kurdistan tient ici une place un peu à part. C’est une nation, un peuple, qui a le droit à l’autosuffisance et à l’autodétermination. Les relations entre le Kurdistan autonome et le pouvoir fédéral sont très dégradées, sur tous les plans. L’article 140 de notre Constitution fait pourtant obligation au gouvernement de résoudre les questions des frontières et du statut du Kurdistan, qui doivent, à terme, être tranchées par un référendum. Jusqu’ici, et alors que l’échéance de 2007 n’a pas été respectée, rien n’a été entrepris sur ce sujet. Le second problème porte sur la répartition des ressources. Depuis 2003, un accord stipule que le Kurdistan doit recevoir 17% du budget. Mais le gouvernement, d’année en année, tente de réduire cette dotation. Il y a, enfin, la question des peshmergas, qui sont l’une des branches des forces de sécurité du pays. Le gouvernement fédéral ne les rémunère pas ! Dans le bras de fer qui oppose les autorités de Bagdad au gouvernement de la région autonome, depuis quatre mois, les fonctionnaires kurdes ne sont plus payés, ce qui plonge des milliers de familles dans d’insurmontables difficultés. C’est criminel. 
 
Humanité : Le cas irakien illustre l’échec complet de la stratégie des Etats-Unis au Moyen Orient…
Hamid Madjid Moussa. La stratégie américaine, avant et après l’occupation de l’Irak, fut le reflet des divisions de l’opposition irakienne. Au lieu d’établir des relations politiques, de confronter des options politiques dans un cadre d’unité nationale, ces forces d’opposition, par opportunisme, ont fait joué les distinctions communautaires et religieuses. Les Etats-Unis, à leur tour, ont tiré bénéfice de ces divisions, qui leur permettaient de contrôler très facilement l’opposition irakienne. Le ver était déjà dans le fruit. Pendant l’occupation, Washington a trouvé un terrain fertile pour continuer à cultiver ces divisions confessionnelles et régionales. L’administration américaine y trouve toujours son compte aujourd’hui : elle fera tout pour maintenir cette situation d’instabilité, de chaos et entretenir les menaces d’éclatement.
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