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22 novembre 2015

USA/SYRIE - EXCLUSIF : « Un ex-officier de la CIA confirme que les États-Unis soutiennent al-Qaïda en Syrie »

 

 

 

 

 

 

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Interview

 

EXCLUSIF : « Un ex-officier de la CIA confirme que les États-Unis soutiennent al-Qaïda en Syrie » 

 
Par Maxime Chaix

 

« En exclusivité, je vous présente une brève mais percutante interview de Philip Giraldi, un ancien officier la CIA spécialisé dans les domaines du renseignement militaire et du contre-terrorisme. Diplômé des universités de Chicago et de Londres, Monsieur Giraldi a travaillé pendant 18 ans pour l’Agence, ayant opéré en Turquie, en Italie, en Allemagne et en Espagne. Directeur exécutif du Council for the National Interest, il est très critique à l’égard de la politique étrangère des États-Unis au Moyen-Orient. En juillet dernier, il a décrit un “État profond” alliant les dirigeants financiers et les hauts responsables de la sécurité nationale évoluant entre Wall Street et Washington, dans un article que j’avais traduit et commenté pour DeDefensa.org. Il y a quelques jours, il a expliqué ce concept dans le New York Times. À la suite des déclarations de la représentante Tulsi Gabbard sur le soutien de la CIA en faveur d’al-Qaïda en Syrie, j’ai souhaité interroger un expert bien informé sur ce sujet délicat. Par conséquent, je remercie Philip Giraldi d’avoir accepté de répondre à mes questions. »

 

 

(Source : MaximeChaix.info, 10 novembre 2015)

 

Dans un article récent, j’ai rapporté les propos alarmants de Tulsi Gabbard, une parlementaire du Congrès des États-Unis, qui est membre de la Commission des Forces armées de la Chambre des Représentants. En octobre dernier, Madame Gabbard a confirmé sur CNN que la CIA est en train de mener une guerre secrète et illégale en Syrie afin de renverser le régime el-Assad, une stratégie qui amène l’Agence à soutenir al-Qaïda. [1] À la suite de l’intervention russe dans le conflit syrien, des sources crédibles ont expliqué que la CIA, essentiellement via les services spéciaux saoudiens et d’autres alliés régionaux, livre massivement des missiles antichars TOW à l’Armée de la Conquête – une coalition de groupes extrémistes coagulés autour d’al-Qaïda, dont la création au premier trimestre 2015 aurait été approuvée par Washington. [2] Comme je l’ai rapporté récemment, ces missiles ont un impact décisif dans la guerre en Syrie, et les succès militaires qu’ils ont encouragés pourraient être le premier facteur de l’intervention russe dans ce pays. [3] Du fait de son statut de représentante au Congrès, les déclarations de Tulsi Gabbard constituent non pas une spéculation, mais une confirmation que la CIA soutient al-Qaïda en Syrie afin de renverser Bachar el-Assad.

 

 

Or, Ayman al-Zawahiri – le leader de cette nébuleuse terroriste –, a récemment appelé son organisation à s’unir avec Daech contre les Russes, les Iraniens, le Hezbollah et les Occidentaux dans le conflit syrien. [4] Comme l’a écrit l’expert du Moyen-Orient Juan Cole, avec des précautions de langage illustrant le caractère sensible de ce sujet, « un nouveau front al-Qaïda-Daech rendrait les choses encore plus compliquées pour la CIA, qui semble [sic] soutenir des groupes extrémistes tels que l’Armée de la Conquête, bien que [cette milice] regroupe au moins une, voire potentiellement deux factions affiliées à al-Qaïda (rappel de l’Afghanistan dans les années 1980 !). » [5] Interrogé sur cette guerre secrète de l’Agence en Syrie, l’ancien officier de la CIA Philip Giraldi est nettement plus catégorique que Juan Cole, confirmant le soutien de cette organisation terroriste par son ancien employeur afin de renverser Bachar el-Assad. En exclusivité, voici son interview-choc :

 

1) MaximeChaix.Info : « Monsieur Giraldi, que pensez-vous des récentes déclarations de la représentante Tulsi Gabbard sur CNN, où elle a dénoncé le soutien d’al-Qaïda par la CIA dans le conflit syrien, et le projet de l’administration Obama de renverser le régime el-Assad ? »

 

Philip Giraldi : « Comme vous devez le savoir, la CIA travaille pour le Président. [6] Ces quatre dernières années, la Maison Blanche d’Obama a clairement affirmé que son principal but en Syrie était le changement de régime, c’est-à-dire le renversement d’el-Assad. Par conséquent, le fait que la CIA ait travaillé dans cet objectif avec des éléments coopératifs d’al-Qaïda n’est pas surprenant. Selon moi, il s’agit d’une politique complètement aberrante, puisqu’elle est basée sur la présomption qu’il existe une opposition modérée qui serait capable de s’imposer et de diriger le gouvernement syrien, et que le vide engendré [par un renversement d’el-Assad] ne serait pas rempli par des extrémistes. Cette politique renforce également al-Qaïda, avec de possibles conséquences négatives sur le long terme. Précision importante : je ne pense en aucun cas que la CIA dirige al-Qaïda de quelque manière que ce soit. Néanmoins, nul doute que le gouvernement des États-Unis a eu des contacts intermittents avec des jihadistes, ce qui est le rôle de tout service de renseignement efficace. »

 

MC.I : « Même si vous estimez qu’il n’est pas surprenant, pensez-vous que ce soutien clandestin de la CIA en faveur d’al-Qaïda en Syrie – qui implique notamment des livraisons massives de missiles antichars via des alliés régionaux de l’Agence –, pourrait provoquer un scandale majeur aux États-Unis du fait du 11-Septembre ? »

 

PG : « Il est difficile d’anticiper les conséquences politiques de cette coopération de la CIA avec al-Qaïda. Néanmoins, le fait est que les citoyens des États-Unis sont majoritairement ignorants sur les questions de politique étrangère, et qu’ils ne s’y intéressent pas. Habituellement, des articles qui devraient provoquer des scandales disparaissent sans laisser de trace en un jour ou deux. Souvenez-vous que le général David Petraeus a également déclaré qu’il fallait collaborer avec al-Qaïda [pour lutter contre Daech], mais cette proposition fut tournée en ridicule. En tant qu’ancien directeur de la CIA, il était probablement au courant qu’il existe des contacts entre l’Agence et cette organisation. Néanmoins, cette histoire semblait ne pas tenir debout et elle a rapidement disparu du débat public. »

 

MC.I : « Au lieu d’une guerre secrète de la CIA en Syrie, d’après les révélations de Madame Gabbard sur CNN, ne devrions-nous pas plutôt parler d’une guerre secrète multinationale et multi-agences supervisée par la CIA, le JSOC et l’OTAN ? »

 

PG : « Il existe deux efforts de guerre distincts qui sont montés contre la Syrie. L’un d’entre eux est mené par l’OTAN et le JSOC, c’est-à-dire le Commandement mixte des opérations spéciales du Pentagone, et il implique parfois des alliés tels que les États du Golfe, dont l’Arabie saoudite. En grande partie, il est conduit ouvertement, il est inefficace, et il n’existe pas de consensus sur ses objectifs [, Daech étant la cible officielle de ce programme]. L’autre effort de guerre est supervisé par la CIA contre le régime de Bachar el-Assad, et il implique des camps d’entraînement au Koweït et en Jordanie. Il est bien plus secret que le programme évoqué précédemment, et il a permis d’introduire beaucoup plus de belligérants sur le champ de bataille, bien qu’il n’ait pas encore enregistré de succès majeur. [7] Ce programme de la CIA est un effort sérieux contre le régime syrien. Néanmoins, l’intervention des Russes dans ce conflit signifie qu’el-Assad pourra surmonter la menace que ce programme représente, de même qu’il survivra à Daech. L’un des problèmes structurels est que les Turcs ne sont pas un acteur sérieux dans l’effort de guerre [contre l’EI], sachant qu’ils sont obsédés par les Kurdes. Sans le soutien total de la Turquie, il n’y aura pas de solution militaire en Syrie. Les États du Golfe et les Saoudiens ne sont pas fiables non plus, et ils sont en train de jouer un double jeu, ce qui bloque Washington. »

 

En clair, il est à présent indiscutable que l’Agence soutient al-Qaïda en Syrie, ce que vient de confirmer cet ancien officier de la CIA. Pour celles et ceux qui n’ont pas oublié les attentats perpétrés par cette nébuleuse terroriste, ce constat est gravissime. Comme s’en était alarmée Tulsi Gabbard sur CNN, « actuellement, des armements US vont dans les mains de nos ennemis, al-Qaïda et ces autres groupes, des groupes islamistes extrémistes qui sont nos ennemis jurés. Ce sont des groupes qui nous ont attaqués le 11-Septembre, et nous étions censés chercher à les vaincre, mais pourtant nous les soutenons avec ces armes pour renverser le gouvernement syrien. (…) Je ne veux pas que le gouvernement des États-Unis fournisse des armes à al-Qaïda, à des islamistes extrémistes, à nos ennemis. Je pense que c’est un concept très simple : vous ne pouvez vaincre vos ennemis si, en même temps, vous les armez et vous les aidez ! C’est absolument insensé pour moi. » [8]

 

Il faut donc espérer que le Congrès, les médias et les familles des victimes du 11-Septembre se saisissent de cette question, afin que toute la lumière soit faite sur cette intervention clandestine de l’Agence et de ses alliés, qui implique militairement la France. En effet, en la comparant à la guerre secrète de la CIA en Afghanistan, l’éditorialiste Michel Colomès a récemment écrit que les « Américains et [les] Français, depuis l’entrée de la Russie dans la guerre syrienne, fournissent des armes à des islamistes réputés fréquentables. Ils ont la mémoire courte. » [9] Or, selon Philip Giraldi, l’intervention russe dans le conflit syrien sauvera le régime de Bachar el-Assad. C’est pourquoi les États-Unis et leurs alliés doivent cesser de soutenir clandestinement des réseaux terroristes pourtant décrits comme nos ennemis, ce qu’ils sont indiscutablement au vu des attentats meutriers qu’ils ont commis contre les Occidentaux. Dans le cas contraire, une intensification de cette guerre par procuration qui ravage la Syrie pourrait avoir des conséquences incalculables. Plus que jamais, la diplomatie doit triompher des politiques profondes.

 

Maxime Chaix

 

(Retour à la page d’accueil)

 

Notes 

 

[1]. Maxime Chaix, « Sur CNN, une parlementaire US confirme que la CIA soutient al-Qaïda pour renverser Bachar el-Assad », DeDefensa.org, 6 novembre 2015.

 

[2]. Gareth Porter, « Obama won’t admit the real targets of Russian airstrikes », MiddleEastEye.net, 16 octobre 2015 : « La campagne d’Idleb [au printemps 2015] a été une conséquence directe d’une décision politique de l’Arabie saoudite et du Qatar – approuvée par les États-Unis –, de soutenir la création de l’“Armée de la Conquête” et de lui fournir du nouveau matériel militaire, qui fut un facteur crucial dans cette campagne : le missile antichars TOW. » 

 

[3]. Liz Sly, « Did U.S. weapons supplied to Syrian rebels draw Russia into the conflict? », WashingtonPost.com, 11 octobre 2015 : « Les missiles antichars états-uniens fournis aux rebelles [en Syrie] ont une grande influence dans la conduite de cette guerre – ce qui était inattendu. De ce fait, ce conflit ressemble à une guerre par procuration entre les États-Unis et la Russie, bien que le Président Obama ait exprimé le souhait d’éviter cette issue. (…) “L’un des principaux facteurs dans le calcul de la Russie a été la prise de conscience que le régime el-Assad était en train de s’affaiblir militairement, et qu’il risquait de perdre du terrain au nord-ouest de la Syrie. Les missiles TOW ont joué un rôle démesuré dans cela”, d’après Oubai Shahbandar, un consultant basé à Dubaï qui a travaillé avec l’opposition syrienne [et le Pentagone]” » (accentuation ajoutée). Voir également Adam Entous, « U.S. Sees Russian Drive Against CIA-Backed Rebels in Syria », WSJ.com, 5 octobre 2015 : « La Russie a ciblé des groupes rebelles syriens soutenus par la CIA dans une série de frappes aériennes menées depuis plusieurs jours, ce qui a amené les États-Unis à conclure qu’il s’agit d’une démarche intentionnelle de la part de Moscou, d’après des hauts responsables états-uniens. »

 

[4]. « Zawahiri lance un appel à l’unité des mouvements jihadistes », LOrientLeJour.com, 2 novembre 2015 : « Ayman el-Zawahiri, chef de file d’el-Qaëda, a lancé un appel à l’unité des mouvements jihadistes pour combattre les puissances occidentales et la Russie en Syrie et en Irak, dans un enregistrement sonore diffusé dimanche sur internet. “Les Américains, les Russes, les Iraniens et le Hezbollah coordonnent leur guerre contre nous et nous ne sommes pas capables de faire cesser les combats qui nous déchirent pour diriger nos efforts contre eux ?”, s’indigne-t-il dans son appel. »

 

[5]. Juan Cole, « Al-Zawahiri Calls for al-Qaeda-ISIL Axis against Russia & US », JuanCole.com, 2 novembre 2015.

 

[6]. La lecture de L’État profond américain, le dernier livre de Peter Dale Scott, permet de nuancer cette affirmation. En effet, dans cet ouvrage, le Dr. Scott analyse notamment les relations pour le moins tumultueuses entre la Maison Blanche et la CIA. Ayant traduit ce livre, j’en reproduis un important extrait : « Trois Présidents – John Kennedy, Richard Nixon et Jimmy Carter – prirent des mesures pour défier le pouvoir de plus en plus influent de la CIA ; de différentes manières, tous trois virent leurs carrières politiques brutalement stoppées : l’assassinat de JFK, le Watergate et la contre-surprise républicaine d’octobre. (…) L’État profond en fut également affecté. Les mandats de pas moins de sept directeurs de la CIA (DCI) furent écourtés durant ces deux décennies. Par ailleurs, trois d’entre eux auraient été renvoyés à la suite de désaccords avec leurs Présidents. Je fais ici référence à Allen Dulles, Richard Helms et George Bush père. (Un quatrième DCI – le relativement libéral William Colby – aurait été poussé vers la sortie après s’être attiré l’inimitié de certains éléments de l’État profond.) Ce fut une période cruciale, et ces brusques dénouements constituèrent des étapes importantes dans le processus de montée en puissance de l’État profond. Ce phénomène atteignit son paroxysme dans la Révolution Reagan, celle-ci ayant mis un terme à quatre décennies de partage du pouvoir entre le capital et le travail aux États-Unis. Les années 1960 et 1970 se sont ouvertes avec des Présidents recherchant la détente et la coexistence pacifique avec l’Union soviétique. Grâce à des manipulations de l’État profond, cette tendance fut renversée. Dulles, Helms et Bush père ont certes été limogés de la CIA, mais leurs factions ont triomphé. »

 

[7]. Je suis en désaccord avec Philip Giraldi sur cette supposée absence de succès majeur du programme de la CIA contre le régime el-Assad. En effet, comme nous l’avons vu dans les notes 2 et 3, les livraisons massives de missiles TOW à l’Armée de la Conquête ont notamment permis à cette milice de prendre la ville d’Idleb en mars 2015 et de poursuivre son offensive. En réalité, ces succès pourraient être l’une des raisons principales de l’intervention russe en Syrie. Selon Gareth Porter, « [c]ette victoire [de l’Armée de la Conquête] à Idleb [au printemps 2015] fut généralement décrite comme le plus important bouleversement dans le conflit syrien depuis au moins deux ans, et le défi le plus sérieux pour le régime el-Assad depuis le début de la guerre » (Porter, « Obama won’t admit the real targets of Russian airstrikes »).

 

[8]. Chaix, « Sur CNN, une parlementaire US confirme que la CIA soutient al-Qaïda pour renverser Bachar el-Assad » (accentuation ajoutée).

 

[9]. Michel Colomès, « Arrêtons de jouer les “bons” contre les “méchants” islamistes », LePoint.fr, 22 octobre 2015 : « On dit souvent que l’histoire bégaie. Obama et Hollande viennent d’en donner un exemple stupéfiant : pris de court le 30 septembre par la décision de Poutine de bombarder tous les ennemis de Bachar el-Assad, sans distinction d’appartenance, ils ont réagi en envoyant des armes à tous les groupes d’opposition au régime syrien, catalogués ou non comme islamistes. Du moment qu’ils combattent Daesh » (accentuation ajoutée).

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