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25 novembre 2015

Comment le pétrole finance Daech (et DAESH : PETROLE SAOUD et US )

Un article qui pourrait être examiné en même temps que celui ci : Pétrole OPEP - La guerre américano-saoudienne contre l'OPEP pour prolonger l'empire mourant du pétrole   (http://blogdejocelyne.canalblog.com/archives/2015/11/25/32980457.html )
Pour aider à comprendre pourquoi "Daesh" est soutenu par "on-ne-sait-qui"?

 

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Comment le pétrole finance Daech

24 novembre 2015 | Par martine orange

En prenant le contrôle de 60 % des ressources pétrolières syriennes, Daech a mis la main sur une ressource stratégique pour financer sa guerre et contrôler des territoires. L’effondrement des prix et les attaques militaires répétées pour désorganiser la production et la contrebande commencent, cependant, à mettre à mal cette puissance financière.

 

Pendant longtemps, les cibles pétrolières détenues par l’État islamique en Syrie n’étaient pas une priorité pour l’armée américaine. Sur les 11 000 attaques répertoriées depuis l’engagement de la coalition en juin 2014, 196 seulement ont visé des infrastructures pétrolières jusqu’en septembre, selon les chiffres publiés par le Financial Times. Depuis les attaques à Paris et le rapprochement esquissé avec la Russie, tout semble changer.

Frappes aériennes US le 16 novembre © DR Frappes aériennes US le 16 novembre © DR

Lundi 16 novembre, la coalition américaine a pour la première fois bombardé les camions-citernes qui acheminent le pétrole hors des champs pétroliers aux mains de Daech. Plus de 116 camions ont été détruits en une seule frappe. Depuis, les bombardements aériens se multiplient dans la province de Deir ez-Zor, à l’est de la Syrie, où sont situés les champs pétroliers. « Il y a clairement un tournant. Auparavant, les Américains ont régulièrement visé des oléoducs, des points de collecte, des raffineries mobiles. Mais ils hésitaient à attaquer les camions-citernes », note Francis Perrin, directeur de la revue Pétrole et gaz arabes.

L’aviation russe s’est engagée à plusieurs reprises, la semaine dernière, pilonnant les installations pétrolières exploitées par l’État islamique. « Si les frappes se poursuivent avec une telle intensité, ils pourront arrêter la production de pétrole », dit un témoin de la région, cité par le Financial Times.

Quel rôle joue vraiment le pétrole pour l’État islamique ? Comment fonctionnent les circuits ? Qui est impliqué dans ce trafic ? Tentatives de réponses.

Le pétrole comme nerf de la guerre

À la différence des autres groupes terroristes, comme Al-Qaïda, Daech a inscrit sa stratégie de conquête dans un ancrage territorial, une autonomie de financement, une volonté de créer un État. Les chiffres les plus divers circulent sur les revenus de Daech. Une étude de Jean-Claude Brisard et de Damien Martinez sur le financement de l’État islamique estime que ceux-ci pourraient s’élever à « 2,9 milliards de dollars par an ». Tous les moyens sont utilisés : commerce de blé, de phosphate, de ciment, extorsion de fonds, rançons, taxes, trafics humains, trafic d’œuvres d’art.undefined

Dans cette liste, le pétrole tient une place à part. Il représenterait, selon les estimations, 38 % des revenus de Daech (graphique ci-dessus). « Le pétrole est effectivement le nerf de la guerre à plusieurs titres pour Daech, même s’il n’est pas le seul… D’abord, parce qu’il n’y a pas de guerre sans carburant. Daech possède maintenant des équipements militaires importants, des tanks, des véhicules terrestres. Il lui faut à tout prix du carburant pour ses opérations militaires. Ensuite, cela lui permet d’alimenter en carburant les zones qui sont sous son contrôle, et de se présenter comme un vrai État dans le cadre de sa propagande. Enfin, les exportations clandestines lui rapportent des dollars », indique Francis Perrin.

Le pétrole a, en tout cas, un statut à part pour les responsables de l’État islamique. Alors que toutes les autres activités sont largement déconcentrées, tout ce qui relève du pétrole est très centralisé. La production, les livraisons, les ventes sont étroitement contrôlées, d’après ce que rapportent plusieurs études.

Manifestement, les dirigeants de Daech semblent prêts à faire beaucoup pour tirer le maximum de l’or noir. Des ingénieurs, des techniciens, des agents de maîtrise, spécialistes du monde pétrolier, se voient proposer des recrutements au prix fort pour continuer à exploiter les champs pétroliers et sortir le pétrole sous leur contrôle. « Je pouvais choisir la position que je voulais, m’a-t-il promis. Et il m’a dit : tu peux fixer ton salaire », raconte, dans une enquête du Financial Times, un ancien technicien pétrolier que les responsables de Daech ont tenté de recruter avant qu’il ne choisisse de fuir en Turquie.

Quelle est la production pétrolière de Daech ?

En prenant le contrôle de la partie est de la Syrie et notamment de la région de Deir-ez-Zor, au milieu de l'année 2013, Daech a mis la main sur environ 60 % des réserves pétrolières syriennes et d’un très grand nombre d’infrastructures pétrolières nécessaires à leur exploitation. Une douzaine de grands champs pétroliers, notamment ceux d’Al-Tanak, Al-Omar, Al-Jabseh, Al-Tabqa sont désormais contrôlés par l’État islamique. Et à ceux-ci s’ajoutent des champs pétroliers irakiens dans la région de Mossoul, tombés entre les mains de Daech au printemps 2014.

Les moyens de financement de Daesh Les moyens de financement de Daesh

Le potentiel de production de pétrole sous le contrôle de Daech s’élèverait à 80 000 barils par jour (50 000 barils/ jour en Syrie et 30 000 en Irak contrôlé par Daech), selon un article de Foreign Policy. Ces chiffres de production semblent hautement improbables pour de nombreux observateurs. Tous pointent le vieillissement des gisements, la destruction de nombre d’infrastructures, la difficulté de se fournir en équipements, en pièces de rechange, le manque de main-d’œuvre qualifiée. Des observations menées à partir de la combustion des torchères sur les champs d’exploitation (citées dans cette étude) montrent un effondrement de la production des gisements contrôlés par Daech.

Ibrahim Bahr al-Oloum, ancien ministre irakien du pétrole, cité par Associated Press, estime que la production pétrolière de Daech se situe autour de 30 000 barils par jour en Syrie et de 10 000 à 20 000 barils par jour en Irak, en provenance essentiellement de deux gisements proches de Mossoul. Le directeur de la revue Pétrole et Gaz arabes partage cette analyse. « À part Daech, personne n’a les vrais chiffres sur sa production pétrolière. Et  je serais très étonné qu’il accepte un jour de les publier. Au mieux, on peut donner un ordre de grandeur. Compte tenu de toutes les difficultés de production, je ne pense pas que la production totale dépasse les 50 000 barils par jour », dit-il.

Une partie de cette production – la moitié environ d’après les estimations des experts de l’ONU – est conservée par Daech pour ses besoins propres : d’abord pour ses équipements militaires, ensuite pour approvisionner la population, faire tourner les centrales électriques et les groupes électrogènes sur les territoires placés sous son contrôle. Le reste est vendu, de plus en plus sous forme de brut non raffiné, les capacités de raffinage s’étant effondrées au fur et à mesure des frappes aériennes.

Qui achète le pétrole de Daech ?

La révélation avait fait l’effet d’une bombe. Début septembre 2014, l'ambassadrice de l'Union européenne (UE) en Irak, Jana Hybaskova, accusait certains États membres de l'UE d'acheter du pétrole irakien à l'État islamique (EI). « Malheureusement, des États membres de l'UE achètent ce pétrole », a déclaré cette diplomate tchèque lors d'une intervention devant la commission des affaires étrangères du Parlement, à Bruxelles (voir notre article Du pétrole islamique acheté par Européens ? Bruxelles sous pression). Le rôle des grandes compagnies pétrolières était en particulier pointé du doigt.

Depuis, ces accusations ont été totalement oubliées. Par volonté de ne pas faire la lumière sur des trafics peu avouables ? Faute de preuves ? Les experts du monde pétrolier ne croient guère à ces accusations. Car le marché pétrolier, contrairement aux apparences, est contrôlé. Chaque pétrole a sa carte d’identité, son ADN. En fonction de sa qualité, de sa teneur en soufre ou autre, il est possible, à partir d’une simple analyse, d’en terminer l’origine, d’établir le gisement dont il provient. Des sociétés de certification contrôlent toutes les cargaisons. Les grands groupes pétroliers risquent des sanctions graves en cas de violation.

« Le fantasme sur cette question est total », dit Francis Perrin. « Il y a une question d’échelle. La consommation mondiale de pétrole est de 93 millions de barils par jour. Les 50 000 barils de pétrole de Daech, et même si c’était le double, ne pèsent rien sur ce marché. De plus, ce sont des marchés très organisés, où le nombre d’acteurs est très limité. Ils se connaissent parfaitement depuis des années. C’est une chaîne industrielle lourde de l’amont à l’aval. De plus, alors que l’offre de pétrole est surabondante, personne n’a besoin du pétrole de Daech », affirme-t-il.

capture d'écran d'un bombardement de camions par l'armée russe capture d'écran d'un bombardement de camions par l'armée russe

Les enquêtes et les études publiées sur le trafic du pétrole de Daech mettent plutôt en lumière une contrebande locale et régionale. La destruction des infrastructures de raffinage et de transport pétrolier a conduit en effet à l'organisation d'une contrebande. Des norias de camions-citernes, appartenant en partie à Daech, en partie à d’autres contrebandiers, attendent parfois pendant des jours pour prendre livraison du brut sorti des puits. Depuis les bombardements américains et russes, ils s’en tiennent éloignés et n’arrivent qu’au dernier moment, semble-t-il. Par la suite, ce pétrole, raffiné ou non, est acheminé par tous les moyens possibles, à dos d’âne, de cheval, par petits bateaux, par jerricans, en dehors de la zone contrôlée par Daech. Le département turc contre la fraude et le crime organisé, cité par le centre de recherche Trends, rapporte que des petits oléoducs de contrebande, cachés sous forme de système d’irrigation, ont été établis de part et d’autre de la frontière entre la Syrie et la Turquie.

Pour la professeur Louise Shelley, spécialiste des économies terroristes, d’anciens responsables baasistes du régime de Sadam Hussein sont très impliqués dans ces trafics. « Ils étaient impliqués dans la contrebande pétrolière pendant les années d’embargo imposé sous Saddam Hussein. Ils font la même chose maintenant pour leurs nouveaux donneurs d’ordre », dit-elle. Les gouvernements turc et irakien accusent aussi les anciennes filières mises en place pour contourner les embargos iranien et irakien. À cela s’ajoutent, semble-t-il, des réseaux criminels, des contrebandiers habitués à prospérer dans une région où les frontières sont très poreuses. Récemment, 24 contrebandiers turcs ont encore été arrêtés pour leur implication dans le trafic pétrolier avec Daech.

« La contrebande est d’abord régionale », affirme Francis Perrin, à l’instar de nombreux autres observateurs. Tous donnent les mêmes noms : la Turquie, la Jordanie, l’Irak, la Syrie sont les premières destinations de ce brut vendu à prix bradé. Même l’armée syrienne et les rebelles syriens combattant Daech achèteraient du pétrole vendu par Daech. Le gouvernement turc estime que cette contrebande a représenté en 2014 un manque à gagner fiscal de 860 millions de dollars pour les finances publiques.

Que rapporte le pétrole à Daech ?

Les estimations les plus variées circulent sur les revenus pétroliers obtenus par Daech. Des responsables turcs citent le chiffre de 800 millions de dollars par an. Des experts de l’ONU avancent celui de 1,6 million de dollars par jour, soit environ 600 millions de dollars par an. « Ces estimations datent de l’époque où le prix du baril était à plus de 100 dollars sur le marché mondial. Depuis, le cours du brut a beaucoup baissé. Quand auparavant Daech pouvait vendre son baril autour de 40-45 dollars, il ne le vend plus qu’entre 20 et 25 dollars [certains citent même le chiffre de 10 dollars – ndlr] », prévient Francis Perrin. « Mais pour une organisation terroriste, cela représente encore énormément d’argent », conclut-il.

Daech semble en tout cas enregistrer une nette baisse des rentrées d’argent tirées de la contrebande du pétrole, à en croire certains observateurs. « Les numéros de Dabiq [la revue de Daech – ndlr] étaient remplis de promesses : ils allaient mettre du pain sur les tables, de la nourriture sur les marchés. (…) Aujourd’hui, ils ne parlent plus que de théologie », relève Tom Keatinge, directeur au Centre de recherche et d’études RUSI. « Ils ont pris des engagements qu’ils sont dans l’incapacité de tenir. À Mossoul, le prix du gaz a été multiplié par dix, le téléphone ne fonctionne plus, les ordures ne sont plus ramassées », note-t-il.

D’autres enquêtes, notamment dans le Financial Times, parlent d’une hausse vertigineuse des taxes et des impôts sur toutes les activités, des extorsions, rapines, trafics en tout genre. « La chute des revenus touche certainement sévèrement Daech. Mais cela risque de ne pas être suffisant pour l’abattre. Tant qu’il garde le contrôle d’une base territoriale, il pourra s’autofinancer », constate Francis Perrin.

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