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12 décembre 2015

L’anti-COP21 malgré l’antiterrorisme

France
Mercredi 09 décembre 2015
- Pauline Gnamien
La journaliste et altermondialiste Naomi Klein lors d’un des nombreux débats organisés durant le Sommet citoyen pour le climat.
DR

CLIMAT • Si les manifs sont prohibées, le forum de la société civile peut se tenir à Montreuil, non loin du Bourget et de la COP21. La foule et 130 associations sont au rendez-vous.

Pendant la COP21, les ONG et les syndicats tiennent un Sommet citoyen pour le climat. Ils se réunissent à Montreuil, la grande ville populaire mitoyenne de Paris. Mélangeant des familles ouvrières issues de l’immigration et de jeunes cadres, la commune ressemble beaucoup aux arrondissements de l’est parisien frappés, mi-novembre, par les attentats. En plein état d’urgence, la présence policière reste légère: quelques voitures, à peine quelques uniformes de loin en loin. Le village alternatif s’est implanté au pied de la mairie, place Jean-Jaurès, pour la durée de la Conférence des Nations Unies sur le climat. Jusqu’à jeudi, militants, souvent d’une vingtaine d’années, délégués venant de très nombreux pays et badauds se pressent dans les forums de débats et les dizaines de stands, où les brochures dénonçant le capitalisme sont empilées auprès de produits «bio» régionaux.

De stand en stand, les discussions vont bon train. Beaucoup d’associations locales sont présentes. On parle internet et stockage des données, sauvegarde de la forêt ou danger des produits phytosanitaires. Les forums sont aussi extrêmement diversifiés, à l’image de la Coalition climat avec ses 130 organisations écologistes, syndicales ou altermondialistes, à l’instar des Amis de la Terre, de la Confédération paysanne, d’Attac ou de Greenpeace, qui organise l’évènement. On y débat de la problématique de l’eau en Palestine comme des paradis fiscaux qu’il faudrait éradiquer afin de financer la transition écologique.

Etat d’urgence en débat

L’affluence aurait été encore plus forte sans l’état d’urgence. Le Ministère de l’intérieur a, en effet, interdit les manifestations prévues de longue date par la Coalition climat. Dimanche 29 novembre, «la manif a été remplacée par une chaîne humaine entre la place de la République à celle de la Nation, à Paris. C’était intense, mais l’impact est bien moindre qu’un défilé très dense de manifestants», estime Julie, membre d’Inf’OGM. Sur son stand, elle a du mal à se réchauffer malgré sa parka kaki et ses protège-oreilles.

A l’annonce de l’interdiction administrative de la manifestation, de nombreuses délégations étrangères ont annulé leur venue à Paris. «Il a fallu relancer les débats sur l’organisation au sein de la Coalition pour le climat. Cela n’a pas été facile, compte tenu du délai très court et des différences de doctrines, mais nous avons réussi à nous adapter à cette nouvelle donne», explique Bénédicte Dufour, responsable de l’animation des campagnes internationales au Secours catholique-Caritas France. La coalition a réussi à marquer sa présence par un empilement de chaussures, place de la République, suivant le slogan: «Nos chaussures marchent pour nous.»

Noël oui, Climat non

Parmi les militants, l’interdiction de la manifestation est loin de faire l’unanimité. Certains comprennent la décision de la police et reconnaissent le danger que pouvait représenter un grand rassemblement quelques semaines à peine après les pires attentats qui aient jamais frappés les Parisiens. Dans la capitale, les policiers sont à cran et, compte tenu du traumatisme des fusillades, les manifestants peuvent paniquer facilement et provoquer des mouvements de foules. C’est arrivé plusieurs fois ces dernières semaines.

D’autres participants au Sommet citoyens n’acceptent pas les arguments fournis par les autorités. «On nous empêche de montrer que la question du climat mobilise beaucoup de gens, par contre les marchés de Noël sont autorisés près du Louvre et dans les grandes villes, un peu partout en France, alors que des milliers de personnes s’y pressent chaque jours», s’indigne la documentariste Marie-Monique Robin (lire son entretien ci-ci-dessous).

ZADistes visés

Une perplexité renforcée par les assignations à résidence qui ont frappé cinq ou six militants écologistes, loin de Montreuil, dans le cadre de l’état d’urgence. «Le motif officiel est délirant. Ils n’ont rien à voir avec le terrorisme. Par contre, la mesure permet d’écarter des personnes qui disposent d’un grand savoir en matière d’organisation alternative grâce à leur implication dans les Zones à défendre (ZAD), comme celle destinée à empêcher la construction de l’aéroport Notre-Dame-des-Landes, prés de Nantes», peste Philippe, membre du syndicat Solidaires. Qui relève toutefois que, malgré l’état d’urgence, le Sommet citoyen pour le climat aura permis de porter une question peu entendue du côté de la COP21: pour sauver le climat, il faut remettre en cause le fonctionnement du système économique. I

 

Marie-Monique Robin: «Créer un crime contre la nature»

Journaliste d’enquête et documentariste (Le Monde selon Monsanto, Sacrée croissance...), la Française Marie-Monique Robin dénonce l’exclusion de la question de l’agriculture intensive des débats de la COP21, en dépit de son rôle dans le réchauffement climatique. Plus largement, pour elle, sauver la planète implique de remettre en cause le modèle économique inégalitaire qui est le nôtre. Une piste? Traîner les multinationales et leurs dirigeants en justice.

Que représente pour vous la COP21? Accordez-vous de l’importance à ces négociations entre Etats?
Marie-Monique Robin: Il y a peu de chance qu’il y ait un accord à la hauteur des enjeux. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) évalue que la baisse du volume de gaz émis chaque année devrait être de 40% à 70% d’ici à 2050 pour stabiliser le climat. Un accord juste impliquerait que les pays riches fassent un effort considérablement supérieur à celui des pays pauvres. Les pays riches sont en effet responsables de 95% des gaz à effet de serre à cause de l’exploitation des ressources naturelles du monde entier.

Quel pourrait en être impact sur nos sociétés?
Cela implique de revoir notre mode de vie, car toutes les études montrent que le volume de gaz à effet de serre est lié à notre niveau de production. Ce n’est pas la voie choisie par les négociateurs qui préfèrent parler d’économie verte, c’est-à-dire faire mieux, mais toujours dans une optique de croissance, ce qui implique toujours plus de prélèvements sur notre environnement. Cela ne suffira pas. Il faut se placer dans une autre optique, celle de la société post-croissance, selon l’expression du chercheur Tim Jackson. Le modèle économique ne peut pas postuler une croissance infinie lorsque les ressources naturelles sont finies et que la Terre ne peut pas encaisser toujours plus de déchets.

Quelles sont les limites de la COP21?
Le plus problématique est l’exclusion des activités agricoles des débats. Celles-ci sont responsables de la moitié des émissions de gaz à effet de serre à cause de l’utilisation intensive de produits phytosanitaires, de la mécanisation et du modèle agro-industriel qui s’appuie sur des transports d’un continent à l’autre et le conditionnement à l’aide de plastique. C’est le domaine où les progrès peuvent être réalisés le plus vite en passant à l’agroécologie (cultures bio multiples), à l’agroforesterie (replanter des arbres dans les champs) et en favorisant les exploitations familiales. Les multinationales ont obtenu que ces questions n’apparaissent pas dans les débats de la COP21.

Pourquoi participez-vous au Tribunal international des droits de la nature, qui vient d’être lancé à Paris?
Les scientifiques estiment que quatre-vingts multinationales contribuent aux deux tiers du réchauffement climatique. Nous devons les empêcher de contaminer notre environnement et de polluer notre eau, notre air et nos sols. Le tribunal est constitué sur le modèle du Tribunal Russell (tribunal d’opinion fondé par Bertrand Russell et Jean-Paul Sartre durant la guerre du Viet Nam, ndlr), mais avec une différence de taille: nous allons donner une tribune aux victimes des multinationales, nous allons aussi développer des arguments juridiques autour d’un cas paradigmatique, celui de Monsanto1, qui vend à la fois des pesticides comme le Round Up et des OGM (bien sûr, le groupe réfute notre manière de voir les choses). Le but ultime est d’étendre le champ de compétence de la Cour pénale internationale au crime contre la nature, l’écocide, afin de poursuivre les dirigeants des multinationales.

Propos recueillis par PGN

 

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Le Courrier
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