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17 décembre 2015

RIP le Front de Gauche?- Jacques SAPIR

 

Le « Front de Gauche », cette alliance de partis et de mouvements qui représente ce qu’il est convenu d’appeler la « gauche radicale » a subi une terrible défaite lors des élections régionales du 6 et du 13 décembre 2015. Cette défaite est aussi l’un des faits marquants de cette élection.

 

Exeunt Front de Gauche ?

Cette défaite était en réalité prévisible. Jean-Luc Mélenchon, pour le Parti de Gauche, avait lucidement dénoncé les compromissions, les absences de politiques et les manques de clarté d’une campagne[1] qui s’est soldée par un émiettement sur le terrain, et une défaite en rase campagne. Avec un certain courage politique, il avait anticipé le résultat désastreux pour le FdG. J’ai rendu compte de ce constat dans une note publiée sur ce carnet[2]. Cette note m’a valu un immense courrier (plusieurs centaines de courriels, des dizaines de messages sur Twitter, et plus de 100 messages sur Russeurope), venant de militants du Parti de Gauche, du PCF, des divers mouvements membres du FdG, mais aussi de responsables locaux ainsi que de responsables syndicaux. Une partie de la « gauche radicale » est en deuil, mais elle est aussi très largement en colère. Elle ne se satisfait pas des « explications » fournies par le sieur Pierre Laurent[3], ci-devant dirigeant du PCF. Mais, elle ne se retrouve pas non plus dans la déclaration de Jean-Luc Mélenchon. Ce dernier a écrit, à chaud : « N’oubliez jamais que le printemps revient toujours. Une affaire de patience »[4]. Piètre consolation quand on est militant politique. On comprend qu’il ait été affecté, lui qui s’était opposé aux manœuvres d’appareil qui ont couté si cher au FdG. Mais, on ne peut qu’être surpris, justement, qu’un dirigeant n’ait à offrir que ses consolations. Ou alors, cela signifie que le FdG est moribond, et que la seule chose qui reste à faire est de prononcer – si l’on croit – la prière aux agonisants.

 

Un assassinat

Mais s’il y a mort, elle n’est pas naturelle. Si le FdG est mort, ce n’est pas « à l’insu de sont plein gré », selon la formule rendue célèbre par la télé-réalité. Le FdG a été assassiné ; il a été assassiné dans le dos, de manière traitreuse, par des sicaires aux allégeances multiples et aux intérêts divers. Et, ceux qui ont tenu le couteau sont hélas nombreux.

Il y a d’abord la presse que l’on qualifierait bien de « bourgeoise » si ce n’était lui faire trop d’honneur, car dans ce qualificatif de « bourgeois » il y eut des qualités de lucidité que l’on aurait bien peine à retrouver aujourd’hui. Bref, dans les colonnes du Monde et de Libération, en passant par l’Obs, on n’a pas été avare en calomnies et en déformations. Mais, ayons l’honnêteté de reconnaître qu’il fallait s’y attendre. Que ces journaux n’ont finalement été que fidèles à leur nature profonde. Coupables donc, cette presse aux ordres et ces journalistes à gages, mais coupables mineurs.

Car, dans cet assassinat, il faut aller chercher le coupable parmi les siens. On connaît la phrase de Voltaire : « Mon Dieu, protégez moi de mes amis… ». Elle s’applique à merveille tant aux manœuvres d’appareil qu’ont tentées certains des responsables du Parti de Gauche. Elle s’applique encore mieux au comportement du PCF qui n’a eu de cesse que de vouloir préserver des sièges et des sinécures, et qui s’est précipité dans une « union » que l’on ne peut plus appeler « de la gauche » dès le second tour de ces élections régionales en croyant que sa virginité était préservée par une dénonciation de l’austérité.

Mais, toute dénonciation qui ne tire pas clairement les conséquences de ce qu’elle dénonce, qui ne fournit pas une stratégie alternative, n’est qu’une imposture, un masque commode sous lequel on peut cacher bien des turpitudes.

 

Tirer les leçons d’une défaite

Ceci conduit à s’interroger sur les erreurs stratégiques qui ont été commises depuis ces deniers mois. Car, nous voyons bien que la situation désastreuse dans laquelle se trouve le peuple de France, accablé par un chômage qui atteint les 4,5 millions de personnes, une précarité qui en frappe plus de 8 millions, dans une situation tragique du point de vue de sa sécurité, que ce soit au niveau individuel ou au niveau collectif, tire ses racines et de la politique de l’Union européenne et de la mise en place de l’Euro qui a dramatiquement aggravé et consolidé cette course vers le moins d’emploi. L’erreur stratégique fondamental a été de ne pas vouloir combattre cette politique au nom de cette chimère qui s’appelle un jour « une autre Europe » et le lendemain « un autre Euro ». Cette chimère porte la responsabilité de cette défaite politique que la gauche radicale a subie : E fructu arbor cognoscitur…

Car, et il faut s’en persuader, il n’y aura pas d’autre Union européenne, cette « Europe sociale » dont on nous rebat les oreilles, tout comme il n’y aura pas « d’Euro démocratique ». Les eurocrates ne proposent que des surenchères dans des politiques qui ont fait faillites. La seule manière d’espérer pouvoir aboutir à des changements substantiels et de revenir à la souveraineté nationale et, sur cette base, de passer des coopérations avec les peuples qui se seront, eux aussi, libérés de joug européistes. Ce n’est pas mépriser l’internationalisme que de reconnaître qu’il n’existe, à certains moments de l’histoire, que de solution dans le cadre de cette unité politique que représente un peuple particulier, le peuple français en l’occurrence.

Pour cela, il faudra balayer les élites compradores qui nous gouvernent, que ces élites soient politiques, économiques ou médiatiques, et non mendier une alliance avec elles en supposant que si elles agissent ainsi c’est par bêtise ou aveuglement. Soyons en sûr : les gens qui nous gouvernent savent parfaitement ce qu’ils font. Rien n’est plus faux, rien n’est plus porteur de confusion, que de penser, ou de laisser à penser, que le néo-libéralisme ne serait que le produit d’un aveuglement[5].

Il faudra donc aussi s’organiser en pleine autonomie pour se garantir contre une nouvelle compradorisation des forces politiques une fois ces élites balayées.

 

Les principes d’un programme

Ceci découpe en creux ce que devrait être le programme de la « gauche radicale ». Un programme non pas nationaliste au sens étroit de ce mot, mais qui s’appuie sur la notion de souveraineté pour garantir son projet démocratique, que ce soit dans le cadre politique français, et il convient de rappeler que la souveraineté est la base de la démocratie, ou que ce soit dans un cadre international. C’est dans le respect et la collaboration des peuples souverains que pourra se construire réellement se construire un programme contre l’austérité des peuples européens. C’est dans ce respect de la souveraineté que nous pourrons tendre une main fraternelle aux autres peuples pour poser les bases avec eux de projets de développement qui éviteront à tant de malheureux de connaître le drame du déracinement.

Fors ce programme, la gauche radicale est condamnée à disparaître. C’est aussi cela la leçon de ce qui s’est produit lors des élections régionales.

[1] Voir Mélenchon J-L, « Front de Gauche : l’état d’imbroglio permanent », note postée le 2 décembre 2015 sur http://melenchon.fr/2015/12/02/front-de-gauche-letat-dimbroglio-permanent/

[2] Sapir J., « Mélenchon et l’imbroglio », note publiée le 3 décembre 2015 sur Russeurope, http://russeurope.hypotheses.org/4526

[3] Voir http://www.pcf.fr/79808

[4] Mélenchon J-L, le 7 décembre 2015, http://melenchon.fr/2015/12/07/sous-le-choc/

[5] Voir Garnier J-P, « Lordo-Libéralisme ou le néolibéralisme vu par Frédéric Lordon », texte posté le 17 décembre 2015 sur http://www.librairie-tropiques.fr/2015/12/de-quoi-le-lordo-liberalisme-est-il-le-nom.html

 

 

 

SOURCE  http://russeurope.hypotheses.org/4570

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