Vu de Russie : les candidats à la présidence américaine
Quelle opinion de la Russie ont les candidats à la présidence des Etats-Unis ?
Traduit par : Julia BREEN — publié vendredi 11 mars 2016 sur LCDR
Hillary Clinton
68 ans, secrétaire d’État américaine de 2009 à 2013
Hillary Clinton lors de la primaire au New Hampshire en février 2016. Crédits : Clinton/FB
Profil. Élevée dans une famille conservatrice et religieuse, Hillary Rodham est entrée en politique à l’âge de 13 ans, en tant que bénévole lors de la campagne présidentielle du candidat républicain Richard Nixon. Quatorze ans plus tard, elle sera capable de prouver l’existence de plusieurs infractions commises par ce dernier, et deviendra l’une des expertes du scandale du Watergate, qui contraindra Nixon à quitter la Maison-Blanche avant la fi n de son mandat. À cette époque, Hillary « Bill » Clinton change d’appartenance partisane et – en épousant le juriste démocrate William Clinton – de nom de famille. À l’en croire, pourtant, ce ne sont pas des sympathies personnelles qui ont poussé Hillary à rejoindre le camp démocrate, mais la guerre du Vietnam et le mouvement de lutte contre la discrimination raciale. Quoi qu’il en soit, son passé républicain fait encore parler de lui aujourd’hui : certains militants du Parti démocrate, notamment parmi les jeunes, considèrent qu’Hillary Clinton est trop conservatrice pour mener des réformes. Ce à quoi ses soutiens répondent qu’il s’agit au contraire d’un avantage, pouvant inciter les électeurs encore indécis à voter pour le Parti démocrate, sachant que de ces derniers dépend généralement l’issue de la campagne.
Rapport à la Russie. Il n’y a pas si longtemps, Hillary Clinton a comparé Vladimir Poutine à un adolescent bagarreur intimidant les plus jeunes dans la cour de récréation. Ce qui est tout de même moins pire qu’il y a huit ans, quand elle avait déclaré qu’il n’avait « pas d’âme ». Notons que Mme Clinton oppose constamment le président russe à Dmitri Medvedev, sous la présidence duquel elle assure que la relation russo-américaine « avait beaucoup avancé ». Par là même, l’ancienne secrétaire d’État américaine, d’une part, souligne ses propres succès à ce poste à l’époque et, de l’autre, envoie un signal à l’élite russe. Elle lui dit en substance : nous sommes prêts à travailler avec vous, mais bien plus volontiers sans Poutine qu’avec lui. Pour l’instant, la favorite du Parti démocrate promet de maintenir la politique des sanctions et d’aider l’Europe à sortir de sa dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie.
Bernie Sanders
74 ans, sénateur de l’État du Vermont
Bernie Sanders. Crédits : Sanders/FB
Profil. Sanders prône l’abolition de la peine de mort au niveau fédéral, la légalisation de la marijuana et, surtout, une réforme de la sphère bancaire visant au démembrement des plus grosses organisations de crédits, afin que la faillite de l’une d’elles ne puisse entraîner une crise de grande ampleur, à l’image de celle de 2008. Tout cela lui vaut le qualificatif de « plus européen » des candidats à la présidence américaine. Il ne faudrait toutefois pas prendre Sanders pour un révolutionnaire antisystème. Il siège au Congrès depuis 1991, et il ne fait aucun doute, s’il était élu – ce qui est peu probable –, qu’il saurait s’entendre avec toutes les forces politiques et, en cas de besoin, aller lui-même au compromis.
Rapport à la Russie. À la fi n de l’année dernière, les médias russes ont publié une déclaration dans laquelle Sanders appelle à la création d’un « nouvel OTAN » avec la Russie. En réalité, le sénateur parlait de renouveler l’union des grandes puissances contre les menaces du XXIe siècle et disait que les pays de l’OTAN devaient impliquer la Russie et les États membres de la Ligue arabe dans la lutte contre le fondamentalisme. Les rumeurs selon lesquelles Sanders serait prêt à revoir profondément la politique américaine à l’égard de la Russie sont donc exagérées. Il est au contraire pour le maintien des sanctions, même s’il s’oppose fermement à toute idée de confl it armé avec la Russie. Ce qui pourrait signifier que, s’il était élu à la présidence, la question des livraisons à l’Ukraine d’armes « létales » serait écartée de l’ordre du jour pour au moins quatre ans.
Parti républicain
Donald Trump
71 ans, homme d’affaires
Donald Trump. Crédits : Trump/FB
Profil. Au départ, tout le monde se moquait de lui, dorénavant, tout le monde le craint. Ses points de vue sont extravagants et changent à une vitesse impressionnante. Il y a encore quelques années, il était un partisan fervent de la légalisation de l’avortement – aujourd’hui, il en prône l’interdiction à un stade tardif. Celui qui se présentait autrefois comme un adepte de la famille traditionnelle passe aujourd’hui pour le plus grand soutien de la communauté LGBT. La seule position à laquelle Trump se tienne est son intention de légaliser la marijuana.
Mais c’est son projet d’interdire l’entrée sur le territoire des États-Unis aux musulmans qui l’a rendu célèbre de par le monde. À en croire les analystes américains, c’est précisément ce que Trump cherchait : non seulement à attirer encore un peu plus l’attention, mais aussi à conquérir des voix parmi les électeurs hispanophones pauvres, pour qui les migrants d’Afrique du Nord et du Proche-Orient sont des concurrents directs sur le marché du travail. On considère que Trump dérange l’establishment américain. Au sein de son parti, on craint notamment qu’il soit incapable de recueillir les votes des électeurs indécis. Pour autant, les sceptiques qui lui prédisaient l’échec à chacune des étapes de la campagne sont aujourd’hui ridiculisés.
Rapport à la Russie. La cerise sur le gâteau de la scandaleuse campagne électorale de Trump ont été ses compliments à l’adresse du président Poutine : « Il dirige son pays. Et au moins, c’est un véritable leader, à la différence de celui que nous avons chez nous. » Trump promet de laisser carte blanche à Moscou pour anéantir les islamistes en Syrie et qualifie la crise ukrainienne d’« affaire interne » des Européens, qui s’efforcent d’y impliquer les États-Unis. Tout ça parce que pour Trump, le pire ennemi des États-Unis, c’est la Chine, et qu’il veut tout faire pour sortir la Russie de l’orbite de cette dernière.
Ted Cruz
45 ans, sénateur de l’État du Texas
Ted Cruz. Crédits : Cruz/FB
Profil. Cruz est un républicain classique : contre l’avortement et pour la peine de mort, adversaire d’une fiscalité élevée et grand ami d’Israël, pro-famille traditionnelle et anti-limitations aux ventes d’armes. Bien sous tous rapports, en somme, mais les résultats des premières élections primaires semblent montrer que le jeune sénateur paraît trop has been même à l’électorat conservateur traditionnel du Parti républicain. Il devra déployer beaucoup d’efforts pour passer devant un Trump qui a pris la tête de la course. Pourtant, si, par un miracle quelconque, il y parvenait, Cruz aurait de bonnes chances d’attirer dans son camp les électeurs indécis : dans l’éventualité d’un affrontement avec Hillary, les sondages lui attribuent les meilleures perspectives de tous les candidats républicains.
Rapport à la Russie. Si Ted Cruz devient président des États-Unis, la « nouvelle guerre froide » dont les politiciens russes parlent si souvent pourrait parfaitement devenir une réalité. Le sénateur du Texas est pour des livraisons d’armes « létales » à l’Ukraine, les considérant, à l’exemple de Ronald Reagan, comme un moyen efficace d’influer sur les régimes du type de celui de la Fédération. Le dernier épisode de la Guerre des étoiles semble sorti à point nommé.
Marco Rubio
44 ans, sénateur de l’État de Floride
Marco Rubio. Crédits : Rubio/FB
Profil. Autre républicain typique, dont on estime que le principal mérite est son brillant don de polémiste. Si Cruz est souvent comparé à Clinton jeune, on rapproche plutôt Rubio d’Obama à la veille de l’élection de 2008 – un politicien sachant convaincre. En tout cas, les analystes s’accordent à dire que, s’il était promu candidat du Parti républicain, Rubio serait le plus dangereux adversaire des démocrates, parce qu’il pourrait l’emporter non grâce à un programme cohérent mais grâce à son charme personnel. Ce qui, si l’on se rappelle les récents présidents américains, semble plus important même que le charisme.
Rapport à la Russie. De l’origine jusqu’au positionnement politique, Rubio et Cruz ont beaucoup en commun, presque des frères jumeaux, comme on dit. Cela vaut aussi pour leur opinion quant aux agissements de la Russie. Rubio qualifie le pouvoir russe de « gouvernement de menteurs », ayant enfreint « chacun des accords conclus avec lui ». Tout comme Cruz, il promet d’envoyer des armes en Ukraine et de livrer des missiles américains à l’Europe orientale. On le surnomme le « nouveau John Kennedy » – et effectivement, ça sent à plein nez la crise des missiles de Cuba.