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17 juin 2016

Natacha Polony : « La droite et la gauche vont finir par admettre qu’ils sont d’accord entre eux »

 

 

 

Le Comptoir : La première fois que j’ai prononcé votre nom, on m’a rétorqué que vous étiez une “réac de droite”. Vous préférez vous définir comme une “souverainiste girondine”, sans employer les termes de gauche et droite. Vous ne vous retrouvez pas dans ce clivage ?

polonyNatacha Polony : Non, absolument pas. Je dénie à certains le droit de juger qui est de gauche et qui est de droite, car c’est pour eux une façon de dire “dans le camp du bien” ou “dans le camp du mal”. Ils qualifient, contre leur gré, des gens comme n’étant pas de gauche, donc comme étant de droite, donc comme étant “méchants”. Ces gens ont réduit la gauche à sa définition la plus infime : un progressisme qui défend l’extension indéfinie des droits individuels. Ils ont oublié tout ce que la gauche incarne de luttes sociales, de méfiance vis-à-vis de l’accumulation de capital. Ils font des questions sociétales le seul critère, pour faire oublier qu’ils ont définitivement abandonné la problématique économique. Ils se sont ralliés au capitalisme et pas à n’importe lequel : au capitalisme financier tel qu’il existe aujourd’hui.

Pour eux, il faut donc continuer à faire croire qu’on est de gauche, en excluant les autres. C’est la définition par la négative. Si les autres sont réactionnaires, ils ne sont pas dans le camp du bien donc, nous, nous y sommes. Une fois qu’on a compris cela, définir la droite et la gauche d’aujourd’hui me semble très compliqué. Dans votre interview de Jean-Claude Michéa, la façon dont il explique que les défenseurs du mouvement ouvrier n’ont jamais exprimé le besoin de se définir comme étant “de gauche”, me semble fondamentale. Nous avons en effet vécu, au XXe siècle, une période où mouvement ouvrier et gauche libérale se sont associés contre la droite réactionnaire et contre le fascisme. Mais je pense, comme le dit Michéa, que ça n’a été qu’un “moment” dans l’Histoire et qu’aujourd’hui, un travail de redéfinition des clivages est nécessaire.

 

 

 

Vous étiez pourtant de gauche, avant…

À un moment de ma vie, j’ai pu me définir comme étant de gauche. C’était même naturel : j’ai été candidate chez Chevènement, j’ai bossé sept ans chez Marianne, j’étais considérée comme étant de gauche républicaine. Maintenant, je n’en éprouve plus le besoin mais j’interdis qu’on me force à être de droite. Quand je regarde les représentants de la droite, je ne me sens pas une seule seconde de droite. Idem à gauche, où je ne trouve pas ma place non plus.

J’ai compris le problème le jour où un sympathique journaliste végétarien avec lequel j’ai travaillé m’a expliqué que Jean-Pierre Chevènement n’était pas de gauche, donc il était de droite. Là, on se dit qu’on a atteint un certain niveau d’absurdité. On parle tout de même de l’homme qui a fondé le Parti socialiste en 1971 au congrès d’Épinay à travers le Cérés, qui représente la frange la plus à gauche du PS, qui était encore marxiste ! Quand on entend que cet homme n’est pas de gauche, on se dit qu’il doit y avoir un énorme problème sur la définition du clivage gauche-droite !

De toute façon, on va sortir de ce clivage, on est dans une période de transition. Il suffit de voir Alain Juppé, qui pense qu’il faudrait couper les deux bouts de “l’omelette” (la gauche, à partir des frondeurs, et la droite et l’extrême droite, à partir de la frange encore gaulliste et souverainiste des Républicains ; ceux qui sont, donc, en dehors du « cercle de la raison« , selon la délicieuse expression d’Alain Minc) et faire travailler ensemble ceux qui se retrouvent au milieu de l’omelette, pour voir qu’on sort du clivage gauche-droite. À un moment donné, ils seront obligés de reconnaître que Macron, Valls et Juppé, pensent à peu près la même chose sur les problèmes essentiels, c’est-à-dire sur l’économie, la globalisation, le droit et la libéralisation des capitaux, le règne des multinationales…

nous sommes la franceFinalement, ce ne sont pas ceux qui combattent le clivage gauche-droite qui vont le détruire mais ceux qui vont s’apercevoir que c’est, pour eux, la meilleure façon de perpétuer leur pouvoir. Ils ont maintenu le système avec deux partis de gouvernement, ils nous ont vendu pendant des années le bipartisme mais ça ne marche plus. Pourtant, Dieu sait qu’on en a entendu sur le fait qu’il n’était pas de démocratie moderne sans organisation bipartisane. D’ailleurs, c’était le but des primaires : faire émerger un bipartisme et le maintenir. C’est une autre façon de verrouiller le système et de dévoyer les institutions de la Ve République. Souvenez-vous du référendum sur le quinquennat. C’était à mourir de rire : leur principal argument, c’était que c’était MODERNE et que ça allait nous permettre d’être comme tous nos petits camarades des “grandes démocraties”, avec une gauche et une droite. On allait enfin éliminer toutes les scories, tous les gens inutiles, tous les fameux « n’importe qui qui osent se présenter à une élection ».

Manque de chance, le Front national a surgi. Et ils ont fait tout pour : ainsi, tous ceux qui proposaient autre chose que les deux partis de gouvernement étaient renvoyés au FN. Mais la bête leur a échappé. De fait, le bipartisme est en train de se construire d’une autre manière et ça les inquiète. Donc, ils vont inventer autre chose : ils vont finir par admettre qu’ils sont d’accord entre eux et l’on devrait avoir, bientôt, une coalition à l’allemande. C’est une manière de continuer sans rien changer.

« À un moment donné, ils seront obligés de reconnaître que Macron, Valls et Juppé, pensent à peu près la même chose sur les problèmes essentiels. »

 

 

D’où la nécessité de redéfinir les clivages…

Il faut inlassablement redire où sont les lignes de fracture, refuser ces assignations à résidence, refuser de se faire coller une étiquette. Il faut, surtout, être le plus précis possible : c’est pour ça que j’ai tendance à penser que les deux clivages fondamentaux sont aujourd’hui la mondialisation – et derrière elle, en fait, l’acceptation d’un ordre libéral – et le rapport au progrès. Et on en revient à la définition de Michéa : le double clivage mondialisation-progrès permet de faire comprendre que le libéralisme sociétal et le libéralisme économique fonctionnent de la même manière et sont en fait les deux faces d’une même médaille.

cohn benditUne telle définition permet de montrer que, par exemple, quelqu’un comme moi n’est pas un réactionnaire de droite mais plutôt à l’extrême opposé de quelqu’un comme Cohn-Bendit ou Macron. D’ailleurs, le second est devenu le nouvel amour du premier ! Ce qui est aussi une extraordinaire façon de démontrer la thèse de Michéa sur Mai-68. Qu’il ait pu être surnommé Danny le Rouge fait hurler de rire ! C’est une erreur d’analyse absolument majeure d’avoir cru que cet homme pouvait incarner quoi que ce soit de révolutionnaire ! Quand on entend Emmanuel Macron sur les questions sociétales, on se rend compte qu’il est l’archétype de cette élite française, qui trouve qu’il faut en finir avec les “archaïsmes”. Et par “archaïsmes”, il entend aussi bien la protection sociale qu’une certaine conception de la non-instrumentalisation de l’humain, une conception kantienne, issue des Lumières, qui faisait reposer nos lois bioéthiques sur l’impératif catégorique : use de l’humanité, en toi-même comme en autrui, toujours comme d’une fin et jamais comme d’un moyen.

C’est pourquoi je tiens à me définir comme souverainiste car la réponse à la globalisation est dans la souveraineté. Je tiens beaucoup à ce terme. À l’automne dernier, des intellectuels comme Michel Onfray ont été accusés d’avoir basculé à droite, dans le “camp du mal”. Le moment de vérité, c’est quand un éditorial de Libération, des articles de l’Opinion et du Figaro, ont lâché le mot “souverainisme”. En fait, le problème, c’est que ces intellectuels sont souverainistes.

 

 

 

Comme vous, donc…

Je propose de s’en tenir au sens des mots : est souverainiste celui qui est attaché à la souveraineté du peuple et qui la défend. La souveraineté du peuple repose sur deux éléments : la souveraineté de la nation, qui est le cadre de la démocratie et qui permet au peuple de s’exprimer, et celle de l’individu, qui peut exercer son rôle de citoyen et participer au débat démocratique, lequel permet de faire émerger quelque chose qui tend vers le bien commun. Je me définis aussi comme girondine, car je pense que la république abstraite, telle qu’elle a été conçue dans la droite ligne de la philosophie des Lumières, a oublié l’ancrage territorial, l’incarnation de l’être humain. Nous sommes des êtres incarnés, et peut-être la France plus que tout autre pays. C’est ce que j’explique dans Nous sommes la France. La France est un pays qui a construit son histoire, sa littérature, sa culture, ses modes de vie, à partir d’une géographie, qui est très particulière et très diverse.

 

 

 

C’est ce que dit Bernard Maris dans Et si on aimait la France

Exactement. Le rêve d’une république comme entité politique abstraite qui accueille n’importe quel individu qui se sentirait citoyen français, c’est magnifique si l’on n’oublie pas ce point crucial : pour aimer ce pays, il faut le connaître. Le grand défi du siècle qui vient, à mon avis, est d’articuler le local et l’universel. Il ne s’agit pas de se replier sur son petit rocher, son pré carré, mais de comprendre que les modes de vie des êtres humains viennent aussi de la géographie et des paysages qui les entourent.

Le principe de l’ouverture à l’autre repose sur ce que j’appelle un véritable “droit du sol”, la capacité pour chacun de comprendre où il est et d’articuler cette prise en compte de l’environnement, des paysages, des lumières, etc. avec les aspirations à l’universel, c’est-à-dire l’idée qu’il existe des valeurs universelles que l’on peut défendre. Or, nous avons fait exactement l’inverse : nous avons uniformisé les lieux, détruit et effacé la nature au point d’imposer une laideur absolument épouvantable à la plupart des gens. Et, parallèlement, nous avons accepté que chacun apporte avec lui ses particularismes, qui sont la négation des valeurs universelles qui devraient nous porter. Quand on explique qu’après, tout, ce n’est pas grave si l’on vend des voiles pour les petites filles de 4 ans, et qu’il ne faut pas s’attaquer aux cultures, on tombe dans la démence absolue.

Et cette démence est en train d’apparaître de la façon la plus tragique qui soit : nous la payons cher. Ce n’est pas uniquement par des réponses de court terme que nous allons changer les choses, ce n’est pas en intensifiant les lois sur le renseignement et en espérant qu’on va attraper quelques djihadistes. L’essentiel est de réfléchir à ce qui, dans les sociétés occidentales, va faire que des jeunes Français, qui ont grandi sur les bancs de l’école républicaine, sont capables de tirer à la Kalachnikov sur d’autres Français. C’est un travail de très long terme qui doit commencer par redéfinir l’articulation entre local et universel.

« La France est avant tout un espace, avant d’être une histoire, des symboles, des dates. Elle est une géographie, pour paraphraser Michelet (“L’histoire est d’abord toute géographie.”) », Bernard Maris, Et si on aimait la France, 2015.

 

 

 

Dimanche 20 mars, Laurent Bouvet et quelques autres lançaient le Printemps républicain, une initiative qui se veut de gauche et qui souhaite redonner ses lettres d’or à la laïcité, qui aurait été jusque-là trop malmenée par l’extrême-gauche d’Edwy Plenel et Tariq Ramadan, ou par la droite de la Manif pour tous. Je ne vous ai pas vue parmi les signataires…

printemps-republicainNon mais, cela dit, personne ne m’a proposé. Si on l’avait fait, je me serais posé la question car je pense que toute réflexion sur la laïcité est aujourd’hui essentielle. Mais, encore une fois, ce qui me gêne, c’est l’idée qu’une telle réflexion commence par ce préalable qui consiste à se proclamer de gauche, même si, nul ne le niera, c’est aujourd’hui à gauche, dans une partie de la gauche, que l’abandon de la laïcité comme principe fondamental de la république agit comme une bombe à fragmentation… C’est cette même gauche qui a défendu l’égalitarisme, qui voulait détruire l’école, la culture bourgeoise et les savoirs anciens, inutiles, etc. Donc je comprends la démarche mais je préférerais qu’on sorte du clivage gauche-droite et qu’on reparle de la capacité des uns et des autres à repenser le pacte républicain, appuyé sur la souveraineté, c’est-à-dire la souveraineté des individus. Et cela concerne à la fois une gauche éprise de droits individuels et une droite prête à vendre la laïcité et le reste pour peu que le marché l’exige. Le dernier épisode de la “mode pudique” lancée par des marques de vêtements fabriqués dans les ateliers des pays les plus pauvres nous prouve combien le marché s’accommode de tout…

le layMais allons plus loin. Il faut une reconstruction totale du système éducatif, il faut se défendre contre la façon dont la société de consommation est entièrement orientée vers la négation de la souveraineté des individus, dans le sens où la manipulation par le marketing et par la publicité est une atteinte à l’intégrité intellectuelle et morale des gens, en particulier, des enfants. La première et la plus dangereuse attaque contre la possibilité même d’une émancipation est celle-là. On ne peut pas brandir les termes de laïcité, de république, si on ne s’attaque pas au système économique qui a détruit cette même république et ses fondements, si on ne s’attaque pas à la grande distribution, aujourd’hui prédatrice, avec un syndicat agricole qui cogère depuis cinquante ans avec le ministère. Se contenter de mots, comme laïcité ou république, est inutile. La première laïcité, c’est celle qui va protéger les enfants de l’impact des messages publicitaires, qui capturent l’esprit des individus et l’espace public au profit d’intérêts privés. C’est en partant de là qu’on va pouvoir repenser une autre organisation de la société. Souvenons-nous de Patrick Le Lay, patron de TF1 : « Mon métier consiste à vendre à Coca-Cola du temps de cerveau humain disponible. »

La démarche du Printemps républicain est tout à fait louable. Il faut s’élever ensemble contre les stupidités qui ont été faites depuis des années, notamment dans certaines villes où l’on a baissé les bras face aux revendications communautaristes. Toute initiative sera bonne pour mettre fin au clientélisme des élus locaux. Mais je pense que la réflexion doit être plus large.

« La première laïcité, c’est celle qui va protéger les enfants de l’impact des messages publicitaires, qui capturent l’esprit des individus et l’espace public au profit d’intérêts privés. »

Justement, dans leur manifeste, pas un mot sur la souveraineté, sur la lutte de classes, sur les revendications sociales… On a l’impression que ce Printemps républicain fait une erreur que vous évoquez dans Nous sommes la France : ils font de la laïcité non plus le cadre de la république mais une de ses valeurs, un principe, en parlant par exemple de « liberté, égalité, laïcité ».

Je pense que les fondateurs de la république ne sont pas complètement idiots. S’ils ont pris pour devise ces trois mots « liberté, égalité, fraternité », c’est parce que cette articulation est extrêmement riche. La laïcité est un principe, ce n’est pas à mettre sur le même plan que les valeurs de la république : elle permet de construire l’édifice. C’est parce qu’on définit au préalable un espace public neutre qu’on va ensuite permettre, au sein de cet espace, aux êtres humains de développer leur liberté, de préserver l’égalité et donc, de tisser des liens de fraternité.

thucydideDe ce point de vue, le “Discours aux morts” de Périclès, dans La guerre du Péloponnèse de Thucydide, est fondamental. C’est sans doute le plus beau texte jamais écrit sur la démocratie, d’autant plus quand on sait qu’il date du tout début du IVe siècle avant J.-C. Périclès prononce un éloge des morts de la première année de guerre (et qui prononce un éloge des morts parle en fait aux vivants, dont il affirme les valeurs ; il s’agit d’expliquer pourquoi on se bat, à savoir pour défendre la démocratie). Évidemment, par la suite, tout le livre montre comment Athènes a pu dévoyer les principes de la démocratie, en particulier vis-à-vis de ses alliés. Il faut lire ça, ne serait-ce que pour comprendre comment fonctionne l’impérialisme américain. L’impérialisme athénien est une sorte de soft-power, pour parler de façon moderne, comme l’est aujourd’hui celui des États-Unis.

Bref, Périclès explique ce qu’est la démocratie et pourquoi il faut la défendre. Il explique : nous défendons d’abord l’égalité des citoyens. Quand il s’agit de nommer quelqu’un à un poste, par exemple, on ne regarde pas quelle est sa condition mais on regarde ses qualités, on va essayer de déterminer qui est le meilleur pour ce poste. C’est l’égalité appuyée sur la méritocratie. Nous défendons ensuite la liberté des citoyens d’agir comme ils l’entendent chez eux. Mais, dans l’espace public, nous devons nous comporter correctement. C’est la liberté appuyée sur la distinction entre espace public et espace privé : c’est le fondement de la démocratie. Le fait que cette barrière-là soit aujourd’hui totalement brouillée est crucial pour comprendre ce qui est en train de se passer. Enfin, Périclès défend la protection des plus faibles. Il y a dans ce discours cette dimension de fraternité et cette idée que la société entière doit s’organiser pour elle.

« Nous avons rompu les liens qui tissent la fraternité et nous donnent conscience que nous appartenons à un même monde. »

On retrouve donc la devise républicaine…

Mais Périclès ajoute un dernier point. Il explique : nous respectons les lois mais aussi les lois non écrites, dont la transgression jette l’opprobre sur celui qui a transgressé. C’est une dimension de la démocratie antique qui la distingue de la démocratie des modernes : les Grecs désignent cette vertu sous le nom d’aidos, que l’on peut traduire par “honneur”, “pudeur”, “dignité”. C’est l’idée que nous existons sous le regard des autres. C’est justement le contraire de l’individualisme libéral qui prône l’idée qu’on n’a pas à juger les autres. Eh bien si : nous vivons en communauté, notre intérêt est commun et pour aller vers le bien commun, il faut être digne ou “décent”, pour reprendre un terme orwellien. Cette valeur, l’aidos, se construit horizontalement car nous existons sous le regard des autres, dans la société telle qu’elle est, et verticalement, car elle nous impose de nous montrer dignes de ceux qui nous précédés mais aussi de ceux qui suivront : on s’inscrit dans une généalogie.

Cette dimension a aujourd’hui totalement disparu car nous estimons que justement, l’individu doit se délier de tout ce que la communauté peut lui imposer. Nous avons rompu les liens qui tissent la fraternité et nous donnent conscience que nous appartenons à un même monde pour nous projeter dans un destin commun. Il n’y a plus de destin commun, il n’y a plus de communauté nationale, il n’y a plus de possibilité de vivre ensemble.

Je lisais ce matin un article sur les fraudes dans le métro, qui coûtent affreusement cher à la communauté. Je vais encore passer pour une horrible réac qui pense que c’était mieux avant mais, dans mon enfance, même si c’était chancelant, il y avait cette idée que la fraude était condamnable. Certains fraudaient, bien sûr, mais ils en nourrissaient une certaine honte. Dans la définition de l’aidos, il y a aussi la honte. Le mot pourrait se traduire par “vergogne” que nous ne connaissons plus que sous la forme d’une expression négative, “sans vergogne”, ce qui prouve bien qu’il n’y en a plus. Quand j’essaye d’expliquer à mes enfants pourquoi l’on ne fraude pas dans le métro, je leur explique que nous vivons en société, que chacune de nos actions a une influence sur les autres et peut leur porter préjudice. Si je ne paye pas, je fais payer les autres à ma place. C’est quelque chose de totalement disparu aujourd’hui, puisqu’à force d’expliquer aux gens que les autres n’ont pas à les juger, nous refusons de prendre en compte le fait que nos actions ont un impact sur les autres, si infime soit-il. À force de vouloir dresser l’individu seul au milieu d’une société à laquelle il n’a plus de comptes à rendre, on a permis qu’il nuise à autrui, sans même en avoir conscience.

 

 

 

Vous évoquez Athènes. Doit-on en conclure que, comme Cornélius Castoriadis, vous pensez que la cité antique est un modèle de démocratie, au sens que lui donnait Aristote, c’est-à-dire que tout citoyen doit savoir gouverner et être gouverné ? Vous opposez-vous à la démocratie représentative ? Question sous-jacente, ce que vous expliquez sur l’aidos, sur la honte, ne demande-t-il pas une rupture avec la modernité, qui ne voit plus que des individus dont les relations sont régies par le droit et le marché pour réguler les relations, une faiblesse que porte aussi le républicanisme moderne?

Cornelius-Castoriadis

Cornélius Castoriadis

Je crois profondément à une autre vertu aristotélicienne, qui est la juste mesure. Il ne s’agit pas de récuser en bloc la modernité, il s’agit de comprendre ce qu’elle a apporté et ce qu’elle a détruit et d’essayer de retrouver un équilibre. Ce que nous avons détruit tend à devenir plus important que ce nous avons construit : là est le danger. Il faut corriger cela en essayant de se poser la principale question : quelle idée nous faisons-nous de l’être humain, qu’est-ce qu’une vie humaine digne ? Qu’est-ce qui nous améliore et nous rend plus humains ?

La pensée humaniste repose sur l’idée que l’être humain doit porter sa curiosité sur le monde dans son ensemble, parce que le savoir nous transforme, nous rend plus humains. Marcel Gauchet explique très bien comment les excès de l’individualisme libéral et les drames du XXe siècle ont fait émerger cette idée que tout être humain est digne, dès sa naissance. Puisque des hommes ont prétendu nier la dignité de certains autres hommes, alors il était essentiel de proclamer la dignité de tout être humain. La contrepartie, c’est qu’à partir du moment où l’on considère que toute vie humaine est digne, nul n’est légitime pour lui imposer un savoir qui pourrait développer ses potentialités. Une vie passée dans le pire dénuement intellectuel, sans aucun appétit de savoir, dans le refus de toute beauté, de toute noblesse, est tout aussi digne qu’une autre. Voilà le plus grand service que l’on pouvait rendre à ceux qui font profession d’asservir leurs semblables pour exploiter leurs pulsions consuméristes.

Il faut partir du principe qu’effectivement, toute vie humaine est digne, mais que les carences de cette vie humaine ne le sont pas. On ne doit pas sacrifier ce qui pourrait être, les potentialités de cet être, au motif de respecter ce qui est. Il faut repenser l’articulation entre le présent et l’avenir : le véritable respect pour un individu, c’est d’exiger de lui qu’il déploie tout ce qu’il peut déployer. Je crois que c’est ce que l’école a totalement oublié.

périclèsPour revenir à Athènes, je ne dirais pas que c’est une démocratie exemplaire, personne ne le dit. Mais, aujourd’hui, je suis effarée de voir à quel point l’on méprise les enseignements de cette période, qui n’est plus enseignée, qui a littéralement disparu dans les oubliettes de l’Histoire. Il est de bon ton d’expliquer que la démocratie athénienne reposait sur l’esclavage, que la citoyenneté excluait les femmes et les métèques et donc, que les Grecs n’ont pas de leçons à nous donner. Certes. Mais selon moi, la définition de la démocratie que nous donne Périclès – même si en effet, il faudrait ajouter les femmes et notre conception moderne de ce que doit être une citoyenneté étendue – peut nous en remontrer. La meilleure preuve en est cette phrase magistrale (quoi qu’un peu brutale… ou peut-être à cause de cela…) : « Nous sommes les seuls à penser qu’un homme ne se préoccupant pas de politique mérite de passer non pour un citoyen paisible mais pour un citoyen inutile. » C’est violent mais essentiel : la souveraineté du peuple repose sur la conscience qu’a chacun d’appartenir à cette société et de lui devoir quelque chose. L’idée n’est pas de mépriser ou d’aduler l’exemple athénien, mais de comprendre qu’il s’appuie sur des valeurs qui peuvent nous permettre de repenser notre république.

 

 

Quid de la démocratie représentative ?

Je ne jette pas non plus l’opprobre sur la démocratie représentative, dans la mesure où nous sommes à des échelles qui obligent à la représentation. En revanche, il est essentiel que chaque citoyen, même s’il ne gouverne pas à un moment donné, doit avoir l’idée que, potentiellement, il pourrait gouverner. C’est ce que nous avons totalement perdu : c’est là où notre démocratie représentative est malade et n’est plus représentative de quoi que ce soit. Cela vient aussi de l’échec de l’éducation : non pas que l’école ait pu à un moment donné prétendre transformer immédiatement un fils de paysan en un énarque ou en un normalien, mais ça se faisait en deux générations. Aujourd’hui, c’est impensable. Nous avons l’école la plus inégalitaire de tous les pays de l’OCDE : celle qui non seulement reproduit la fatalité sociale, mais l’amplifie ! Plus on est issu d’un milieu défavorisé, plus on va être plongé dans un échec pire que la génération précédente, ce qui est quand même ahurissant !

Quand j’enseignais à Épinay-sur-Seine, un professeur de français a posé sur la table de la salle des profs un ouvrage qui venait de paraître : L’enseignement de l’ignorance et ses conditions modernes, de Michéa. Tout à coup, j’avais le mode d’emploi de ce que je voyais tous les jours.

 

 

 

On a évoqué Castoriadis, qui différenciait trois espaces de la vie sociale d’un point de vue politique : la sphère privée, la sphère publique et la sphère publique-privée. Pour revenir à Laurent Bouvet et son Printemps républicain, on a l’impression que leur vision de l’espace public est, au nom de la laïcité, celle d’un espace entièrement privé de religion. Dans Nous sommes la France, vous évoquez une crise spirituelle de la jeunesse, qui concerne aussi bien des Amedy Coulibali que des Maxime Hauchard, et qui les pousse à aller rejoindre les fous de Dieu. Dans Notre Jeunesse, en 1910, Péguy, lui, relevait déjà que « le mouvement de dérépublicanisation de la France est profondément le même mouvement que le mouvement de sa déchristianisation ». La laïcité peut-elle s’envisager comme une nouvelle spiritualité, comme une nouvelle sacralité, en réponse à la crise spirituelle ?

Je ne serais pas aussi sévère que vous sur les positions de Laurent Bouvet et sur sa conception de la laïcité. Je pense que la laïcité ne peut venir combler le vide, puisque c’est un principe préalable. Ça ne vient pas combler un vide de valeur, en revanche, sans la laïcité, il n’y a plus aucune protection contre les différentes religiosités, même les plus radicales ou les plus décérébrées. Il y a là aussi une juste mesure, qui n’a rien à voir avec les accommodements raisonnables prônés par Pierre Manent. Quand on commence à revenir sur la mixité pour faire plaisir aux uns ou aux autres, pour des questions de religion, parce que le corps de la femme doit être caché et qu’elle est coupable du désir qu’elle provoque, ça, c’est extrêmement dangereux.

Il me semble que la laïcité est un principe et un état d’esprit. Je me méfie beaucoup de ceux qui estiment que la laïcité doit rester dans ce qu’ils appellent le “cadre de la loi de 1905”, à savoir que seules les institutions doivent être neutres. Il y a la lettre de la loi et il y a son esprit : son esprit est qu’on évite, dans l’espace public, d’en faire trop. Encore une fois, il ne me viendrait pas à l’idée de cacher tous les signes religieux dans l’espace public, ça serait tout simplement impossible. Mais il y a des limites : tout ça doit se faire avec décence, pour reprendre un terme qui nous est cher. Cette décence, cette pudeur, consiste à ne pas venir provoquer pour afficher son identité. Il y a une forme de narcissisme profond dans ce besoin de montrer son appartenance religieuse. Cette revendication implique un acte politique : on se montre pour prouver qu’on est puissant. Cela devient extrêmement dangereux. Le problème c’est que la loi de 1905 n’avait pas prévu ça : c’était une loi de combat contre le catholicisme tout-puissant.

« Quand j’ai entendu Benoist Apparu parler de totalitarisme laïcard le 12 janvier, je suis tombée de ma chaise. »

Les religions monothéistes ont une tendance au totalitarisme assez marquée et, pour y échapper, il y a un combat à mener. Il s’agit aujourd’hui de construire une société apaisée : cela passe par une affirmation de ce principe laïc et je serai toujours plus indulgente avec ceux qui défendent un peu trop ce principe laïc qu’avec ceux qui le dévoient, car je crois que les puissances mortifères sont aujourd’hui du côté des revendications religieuses excessives. Quand j’ai entendu Benoist Apparu parler de totalitarisme laïcard le 12 janvier, je suis tombée de ma chaise. Jusqu’à preuve du contraire, ce ne sont pas les laïcards qui ont tué en France. Certes, certains sont excessifs, certains laissent croire qu’il faudrait nettoyer l’espace public. Cependant, ce ne sont pas eux les plus dangereux. Eux n’ont tué personne.

 

 

 

Mais n’y aurait-il pas un danger, c’est ce que relevait Péguy à son époque, lui qui était très républicain et très catholique, d’une montée d’échelles : de plus en plus de laïcards qui en feraient un peu trop, qui crisperaient de plus en plus de religieux qui eux aussi en feraient un peu trop…

Bien sûr, c’est pour ça que je pense qu’il faut apaiser la situation. Et c’est pour ça que je disais dans mon livre qu’aujourd’hui, il n’est pas nécessaire de sortir une loi sur le voile à l’université, même si je trouve absolument insupportable qu’il y ait des rangées entières de filles intégralement voilées. Il ne s’agit plus seulement d’un voile sur les cheveux mais d’une espèce de tunique, marron ou noire, qui est un message adressé sur ce qu’est le corps de la femme, sur ce qu’est la liberté des individus. Je revendique le droit de dire que ça me pose problème. Mais pour autant, je pense que pour l’instant, ce n’est pas la peine d’aller mener des guerres comme celles-là. En revanche, il faut être extrêmement strict sur ce qui existe déjà comme réglementation. Il faut combattre tous ceux qui renoncent : les élus locaux qui pratiquent les accommodements électoraux, par exemple.

Mais ça ne suffira pas car le principal combat est celui à mener pour combler ce vide spirituel. Nos sociétés consuméristes, hédonistes, ont créé ce vide. L’islamisme radical vient se greffer sur ce vide. Si le seul idéal que nous pouvons proposer à un jeune est d’aller se promener dans un centre commercial le week-end pour regarder tout ce qu’il ne pourra pas se payer, nous sommes morts. C’est pour ça que je disais que l’objectif est de penser ce que doit être une vie humaine digne. Détruire le sens du travail, par exemple, est-ce que c’est digne ? Le morcellement des tâches, le découpage par le management, interdisent qu’on puisse s’épanouir dans son travail. On détruit ainsi une dimension essentielle de la structuration de l’être humain. Là aussi, il y a un combat à mener, pour « passer du travail à l’œuvre », comme dirait Hannah Arendt. La notion d’œuvre est fondamentale : on doit pouvoir œuvrer pour quelque chose qui dépasse le simple cadre de notre vie.

Le plus grave, c’est que par le mode de fonctionnement de nos sociétés, qui veut que l’avoir ait remplacé l’être et nous définisse, nous avons réduit les êtres vivants au simple cadre de leur petite vie individuelle. À l’échelle du cosmos, ces vies individuelles ne sont rien, elles ne sont que poussières. Nous avons donc réduit ces gens à l’état de poussières. Du coup, il y a des réactions, qui peuvent être violentes, pour sortir de cet enfermement.

 

 

Mais ne peut-on pas relativiser ? Les rangs de filles voilées à l’université, je n’en ai vu ni à Caen ni à Montpellier, par exemple…

Oui, mais attention à cette question de l’échelle. Ça fait des années qu’on explique que c’est minime, qu’on « ne va pas légiférer pour 400 femmes en niqab ». Et le séparatisme gagne du terrain. Est-il tolérable que, dans un quartier de Saint-Denis, les amoureux ne puissent pas se tenir par la main ? Qu’on puisse entendre des habitants constater avec fatalisme que « ça ne se passerait pas comme ça en Algérie » ? Même si c’est infime, c’est une négation des valeurs qui sont les nôtres. Quand on commence à nier l’humanité de certains, peu importe le nombre : c’est la démarche elle-même qui compte. C’est pour ça que les profs qui ont alerté en 1989 sur les premières affaires de voile avaient raison. Et on leur a répondu, justement, que c’était infime, que c’était une minorité et que ce n’était pas grave. Alors même qu’à l’époque, déjà, il s’agissait d’une démarche politique visant à nous tester, à mettre en cause tout ce qui fait que notre société, malgré ses défauts monstrueux, demeure malgré tout vivable.

debordAu-delà de la laïcité, n’a-t-on pas un problème d’intégration, tout simplement ? Il y a trente ans, Debord disait déjà qu’on ne pouvait plus assimiler personne en France car il n’y avait plus de France, plus de valeurs…

Bien sûr. À partir du moment où on décrète qu’il n’y a plus rien à transmettre car ce qu’il y aurait à transmettre n’est pas digne, parce que les heures les plus sombres de notre histoire, etc, et qu’en plus, ce serait une atteinte à cet individu face à nous, qui a sa propre histoire, évidemment qu’il n’y a plus de communauté nationale ! Il y a un principe de prophétie auto-réalisatrice : depuis trente ans, on a décrété que la France était multiculturelle. De fait, elle le devient. Mais, simplement, on l’a fait en dehors de toute proposition démocratique, c’est-à-dire contre la volonté de la très grande majorité des gens qui ont vu leurs modes de vie changer. Il ne faut pas s’étonner qu’ils se révoltent, même s’ils ne le font pas de la bonne façon. Il aurait peut-être fallu agir plus tôt mais il est encore temps.

 

 

 

Vous vous revendiquez républicaine. Dans un entretien conjoint avec Alain Finkielkraut pour Marianne, Régis Debray avait ce bon mot : « La démocratie, c’est la république dont on a éteint les lumières. » Force est de reconnaître avec lui qu’aux idéaux républicains a succédé une social-démocratie molle. Mais ne peut-on pas considérer que la république a, depuis ses débuts, trahi le peuple ? Nous viennent ici en tête les exemples de juin 1848, ou la Commune de Paris de 1871, et plus récemment, 2005, avec le rejet par les Français du Traité établissant une Constitution pour l’Europe (TCE), voté deux ans plus tard par nos parlementaires…

europe“Républicain” ne veut plus rien dire, tout comme “gaulliste”… À force de les user, de les tordre, on a vidé les mots de leur substance. Je crois que le combat pour les mots est crucial, et c’est bien pour ça que nous avons choisi Orwell comme figure de notre comité. Il faut réinsuffler du sens aux mots, et donc définir en permanence et ne pas se contenter de slogans et de phrases toutes faites. La communication est une des dimensions de cette entreprise de destruction du sens, avec la publicité, le marketing… La communication, c’est justement arriver à détruire le sens des mots et à faire en sorte que les gens ne pensent plus qu’avec des phrases qui leur ont été dictées. Elle s’est approprié notre façon de sentir, de penser, de lire le monde. C’est de cela qu’il faut s’émanciper.

Historiquement, la république a en effet été systématiquement récupérée par une nouvelle aristocratie, puisqu’il y a en permanence une nouvelle aristocratie qui s’érige. Mais pourquoi est-ce que je tiens à ce principe républicain ? Parce que je pense qu’il repose sur la participation de tous à la chose publique et cette idée qu’un citoyen doit s’occuper de la chose publique. Je tiens à cette façon de construire la démocratie qui s’appuie non pas sur des individus isolés dont on demande l’opinion tous les cinq ans mais sur l’idée que la communauté nationale se forge par le débat. Voilà pourquoi les médias et l’école ont aussi un rôle à jouer.

« La communication, c’est justement arriver à détruire le sens des mots et à faire en sorte que les gens ne pensent plus qu’avec des phrases qui leur ont été dictées. »

debrayUne république réussie, c’est une cathédrale : il y a des piliers, il y a des clés de voûte et, si vous détruisez un élément : tout s’effondre. Là où je ne rejoins pas Régis Debray, c’est sur cette opposition entre démocratie et république, car je pense qu’aujourd’hui, ce sont justement les républicains qui défendent la démocratie. Et ceux qui prétendent défendre la démocratie aujourd’hui, en sont les premiers ennemis. On l’a vu avec le référendum de 2005 : c’était ceux qui étaient attachés à l’idéal républicain, donc à la souveraineté, qui ont défendu la volonté du peuple. Quand on voit Daniel Lindenberg expliquer que les méchants réactionnaires en veulent à la démocratie, c’est l’hôpital qui se fout de la charité. Le retournement des concepts fait aussi partie de la manipulation.

La démocratie passe par la république car la république implique non pas seulement les droits individuels mais aussi l’idée d’un système qui ne se plie pas aux règles du marché et du droit. Dans la république, il y a un édifice, l’État, qui organise le bien commun. Ce ne sont pas le marché et le droit qui l’organisent.

 

 

Mais n’y a t-il pas un danger à confier l’organisation du bien commun à l’État ? Clemenceau, qu’on pourrait difficilement soupçonner de ne pas être un républicain convaincu, est rapidement devenu l’ennemi du mouvement ouvrier ou, en tous cas, les ouvriers l’ont considéré comme tel à partir du moment où il était au pouvoir, justement parce qu’il a voulu défendre l’ordre républicain quand les ouvriers ont commencé à le menacer.

écoleC’est vrai, et c’est pour ça que tout repose sur un principe d’équilibre et sur la remise en cause permanente de l’ordre figé : la république s’appuie sur l’école car cette dernière permet de faire émerger de nouvelles élites. Le pouvoir n’est pas confisqué. L’école républicaine s’appuie sur la méritocratie car le mérite est une “fiction nécessaire” : nous savons que les enfants ne partent malheureusement pas tous avec les mêmes chances dans la vie. Cependant, il faut essayer de donner à chacun les moyens de corriger les inégalités de naissance, sachant qu’on n’y arrivera pas immédiatement. Ou plutôt, il faut apporter à chacun les savoirs qui l’émanciperont et lui permettront de forger son propre jugement et de déployer ses potentialités, et c’est mécaniquement, comme un bénéfice secondaire, que l’émancipation de chacun permettra de combler les inégalités. Alors qu’en se fixant comme but premier la lutte contre les inégalités, on a aboli la transmission et donc créé l’école la plus inégalitaire. Il faut être très humble vis-à-vis de cela et considérer que le mérite doit être le seul critère, car sinon c’est l’argent, les réseaux, la naissance, etc. Tout en gardant à l’esprit qu’il s’agit d’une fiction nécessaire.

 

SOURCE : https://comptoir.org/2016/04/08/natacha-polony-la-droite-et-la-gauche-vont-finir-par-admettre-quils-sont-daccord-entre-eux-3/ 

 

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