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25 juillet 2016

Attentats de Nice : pourquoi le Parquet demande l’effacement total des vidéos ?

 

par Karine Bechet-Golovko

lundi 25 juillet 2016, par Comité Valmy

 

Voir en ligne : La responsable de la vidéosurveillance de Nice dénonce les pressions de l’Intérieur - Sputnik

Attentats de Nice : pourquoi le Parquet demande
l’effacement total des vidéos ?

A la surprise de la ville de Nice, le Procureur de Paris en charge de l’enquête sur le massacre de la Promenade des anglais demande à la ville de supprimer totalement 24h d’images visant le déroulement de l’acte de terrorisme sur la Promenade des anglais. Estrosi refuse et la ville se dit incompétente pour le faire.

La ville de Nice compte plus de 1200 caméras de surveillance, c’est une des villes les mieux équipées. en France. Environ 140 d’entre elles ont filmé les lieux de l’attentat terroriste, ce qui fait en gros 30 000 heures cumulées de bandes.

Le mercredi 20 juillet, la sous-direction antiterroriste adresse une réquisition urgente demandant à la ville de Nice de détruire toutes les images de la Promenade des anglais, citant certaines caméras en particuliers et également demande de détruire toutes les copies non judiciaires. Voir la demande de réquisition sur le site du Figaro :

la sous-direction antiterroriste (SDAT) a envoyé aux agents qui gèrent la vidéosurveillance de la ville une réquisition citant les articles 53 et L706-24 du code de procédure pénale et de l’article R642-1 du Code pénal leur demandant l’effacement « complet » de 24 heures d’images provenant de six caméras nommées et numérotées, mais aussi de toutes les scènes depuis le début de l’attentat ayant eu lieu sur la promenade des Anglais, dans la nuit du 14 juillet.

La ville est surprise, c’est la première fois qu’une telle demande leur est adressée. Et pour cause, l’ art. 56 du Code de procédure pénale, qui règle la question de la préservation des éléments de preuves, dispose :

Il est procédé à la saisie des données informatiques nécessaires à la manifestation de la vérité en plaçant sous main de justice soit le support physique de ces données, soit une copie réalisée en présence des personnes qui assistent à la perquisition.

Si une copie est réalisée, il peut être procédé, sur instruction du procureur de la République, à l’effacement définitif, sur le support physique qui n’a pas été placé sous main de justice, des données informatiques dont la détention ou l’usage est illégal ou dangereux pour la sécurité des personnes ou des biens.

Quelle est la logique de ce texte ? Après avoir travaillé les preuves, vu lesquelles étaient utiles à l’enquête et lesquelles non, un tri peut être fait à la fin de l’enquête : les éléments utiles sont gardés, les autres peuvent être détruits. Or, nous sommes en tout début d’enquête, c’est ce qui surprend.

Le Parquet, pour une raison ou pour une autre, veut avoir la maîtrise totale de l’image et des preuves. Soit. Mais il invoque pour cela une raison étrangère aux motifs prévus par le Code de procédure pénale. Or, même s’il s’agit de terrorisme, la légalité républicaine n’a pas totalement été suspendue.

Selon le Parquet de Paris :

« Cette réquisition de la Sdat, avec l’accord du parquet, correspond à la nécessité impérieuse d’éviter la diffusion non contrôlée et non maîtrisée de ces images, profondément choquantes pour la dignité et l’intégrité des victimes. »

L’autre argument avancé est celui de ne pas voir ces images sur les sites de propagande terroriste.

Certes, l’intention est très louable. Mais cela signifie-t-il qu’il n’est pas suffisant de demander à la mairie de Nice de ne pas vendre ses vidéos aux médias ou les diffuser sur internet ? A moins que les serveurs de la mairie ne soient à ce point faciles à craquer et le Parquet est beaucoup mieux protégé. Le maire, ses adjoints ou les personnes travaillant à la mairie de Nice auraient-ils l’idée saugrenue de vendre ces vidéos aux terroristes pour leur propagande ? Cela semble absurde.

Sur le plan juridique, l’art. 56, qui règle cette question, pose comme critères aurotisant la destruction :


- la détention illégale : la mairie de Nice détient ces bandes légalement ;

- l’usage illégale : la mairie n’en a fait aucun usage illégal et elle n’a aucun moyen de contrôler les personnes privées ayant filmé des images de la scène ;

- un danger pour la sécurité des personnes et des biens : ces images ne présentent pas un danger, elles ne montrent pas de témoins dangereux qu’il faudrait retrouver avant les truands, comme dans les films de mafias.
La réquisition du Parquet est donc très étrange. Et techniquement, cet ordre présente un danger pour la sauvegarde des images :

La demande paraît d’autant plus étonnante que la SDAT a envoyé depuis vendredi dernier des serveurs afin de récupérer les 30.000 heures de vidéosurveillance liées aux événements. Une opération de sauvegarde qui va s’étendre encore sur plusieurs jours. « Nous ne savons pas si donner un ordre de destruction alors que nous sommes en pleine sauvegarde ne va pas mettre en rideau tout le système », s’inquiète-t-on dans l’entourage du dossier.

L’avocat de la ville de Nice a affirmé que la ville refusait de répondre à cette demande et que les vidéos seraient mises sous séquestres, en vue d’une possible utilisation ultérieure lors de l’enquête. Etrange demande en effet. Alors que des copies circulent déjà dans tous les services, notamment à l’Elysée, le Président ayant voulu avoir les images. Lui aussi devra-t-il les détruire de peur qu’elles ne filtrent dans la presse ?

Sans oublier que toutes les vidéos possibles et imaginables sont déjà sur la Toile, chacun y allant de son téléphone portable. Alors que cherchent les enquêteurs ? La maîtrise totale de l’image est impossible aujourd’hui. C’est plus une question de morale publique que de réquisition urgente. Avec un peu de chance l’on pourra au moins éviter de chercher des Pokémons dans la morge de Nice. Quoique ...

Karine Bechet-Golovko
samedi 23 juillet 2016

Russie politics

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