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11 août 2016

Saint-Pétersbourg : L’importance de la rencontre entre Poutine et Erdogan

Rencontre Vladimir Poutine avec Recep Tayyip Erdogan à St. Petersburg le 9 août 2016 – © Sputnik. Alexei Nikolski


Grande Eurasie – La signification de Saint-Pétersbourg et Bakou

Il est difficile de surestimer l’importance de la rencontre de Vladimir Poutine avec Recep Tayyip Erdogan, à Saint-Pétersbourg. Cependant, de mon point de vue, la visite du président russe à Bakou et les entretiens avec les présidents azerbaïdjanais Ilham Aliyev, et iranien Hassan Rouhani, ainsi que leurs angles symboliques et pratiques, n’étaient pas moins, et même étaient beaucoup plus importants.

Commençons par le fait que la Russie entretient actuellement avec l’Iran une relation plus que bonne; ces pays sont des alliés militaires en Syrie. L’Iran a fourni au VKS russe un couloir en droite ligne  à travers son territoire vers l’Irak. Et il est extrêmement important non seulement pour les frappes de l’aviation, mais aussi en raison de la nécessité d’organiser un approvisionnement ininterrompu des troupes russes en Syrie. La route maritime la plus importante à travers les détroits a été menacée lors de la récente forte détérioration des relations avec la Turquie. Compte tenu de l’instabilité générale au Moyen-Orient, la présence d’une autre ligne d’accès augmente considérablement la stabilité de l’ensemble des factions syriennes.

Le président russe pouvait facilement rencontrer son homologue iranien à Téhéran – ne pas voler à Bakou. Mais si les deux dirigeants qui sont activement impliqués dans la politique mondiale, ont jugé nécessaire de se rencontrer à Bakou, c’est qu’il y avait des raisons.

Rivaux traditionnels

Permettez-moi de vous rappeler que l’Azerbaïdjan a toujours mis l’accent sur la Turquie qui n’est pas moins le rival traditionnel de l’Iran dans la lutte d’influence dans l’ensemble du Moyen-Orient, y compris le Caucase.

Même avant l’émergence de la Turquie moderne et de l’Iran, les Parthes et Rome, Byzance et les Sassanides ont tous été en compétition avec un succès variable. Par conséquent, dans les premières étapes du conflit du Haut-Karabakh, l’Iran, contre-balançant l’influence d’Ankara dans la région, a fait beaucoup pour soutenir Erevan. Même maintenant la frontière iranienne est un important corridor pour briser le blocus de l’Arménie, et sous le règne de Saakachvili en Géorgie, c’était le seul lien fiable vers le monde.

Il convient de rappeler que plus de la moitié du territoire de l’Azerbaïdjan historique est sous la souveraineté de l’Iran, ce qui n’est pas favorable à la mise en place de relations entre Téhéran et Bakou.

En général et jusqu’à récemment, l’enchevêtrement complexe des conflits d’intérêts dans la région, du Caucase à Suez,  est apparu en principe inextricable.

Il est également facile de comprendre que si, à la veille d’une réunion cruciale avec Erdogan, le président russe part pour des entretiens exactement dans la direction opposée, ce n’est pas parce qu’il lui était impossible de rencontrer Aliev et Rouhani quelques jours plus tôt, ou semaine plus tard, mais en raison du fait que ce format de la réunion et le moment choisi étaient extrêmement importants: cela permet de déterminer la signification de la réunion de Saint-Pétersbourg, et son contexte global.

Les positions de Moscou et de Téhéran alignées

Au départ, il était clair que pour Erdogan, dont la Russie est restée pratiquement le seul allié potentiel, la réunion de Saint-Pétersbourg devait aider à la stabilisation du régime turc, et que cette stabilisation serait une négociation difficile. Les Turcs réalisent combien un retrait turc de l’influence américaine et sa réorientation vers Moscou est en réalité bénéfique. Ankara comprend aussi que pour la Russie, la menace de déstabilisation ou même de désintégration de la Turquie est une menace importante. Par conséquent, même avec leur faible position de négociation, les arguments en faveur d’un échange important sont là.

Qu’est-ce que la réunion de Bakou signifie pour Erdogan?

Avant la réunion, Rouhani a déclaré que la Russie et l’Iran peuvent jouer un rôle pour aider la Turquie dans la stabilisation interne et la lutte contre le terrorisme, y compris en Syrie. Cette phrase servait à démontrer au président turc que les positions de Moscou et de Téhéran, sur toutes les questions intéressant Ankara, sont basées sur leur alignement. Si la Turquie pensait qu’elle pourrait les jouer l’un contre l’autre, tenter de négocier avec chacun individuellement et faire pour elle-même la meilleure affaire, cela ne pouvait pas réussir.

En outre, le fait de la réunion à Bakou montre que les dirigeants azerbaïdjanais prennent également en compte le changement d’équilibre des forces au Moyen-Orient, en général, et dans le Caucase, en particulier en faveur de la Russie et de l’Iran.

Ilham Aliyev, bien sûr, ne renoncera pas à ses autres engagements à maintenir des relations étroites avec la Turquie (un partenaire traditionnel et allié stratégique de l’Azerbaïdjan). Très probablement, il a même essayé d’aider Erdogan, en prenant soin de s’assurer avant les derniers pourparlers avec Poutine, qu’il comprend parfaitement les positions russes et iraniennes, en vérifiant leur force et leur cohérence.

Cependant, Ilham Heydar oglu Aliyev est l’un des hommes politiques les plus réalistes de l’espace post-soviétique. Il comprend qu’une alliance avec la Turquie n’est plus en mesure de répondre pleinement aux intérêts de l’Azerbaïdjan. Il est nécessaire d’obtenir l’appui des nouveaux acteurs dominants dans la région. Par conséquent, l’objectif d’Aliyev à Bakou était en fait l’entrée de l’Azerbaïdjan dans le plan russo-iranien  non pas en tant que médiateur dans les négociations avec la Turquie (Erdogan décide de tout directement), mais en qualité d’autre partenaire. La position des Etats-Unis sera affaiblie.

Quel est l’intérêt de l’Azerbaïdjan vis-à-vis de l’alliance russo-iranienne en termes régionaux; n’est-il pas sans rapport avec les intérêts turcs, mais géopolitique ?

Ni plus ni moins, que l’affaiblissement de la position des États-Unis au Moyen-Orient.

L’existence même d’une union informelle de la Russie, la Turquie, l’Iran et l’Azerbaïdjan ferme (pour la génération actuelle de politiciens) la question de la livraison directe de l’énergie du corridor de la Caspienne vers l’Europe comme une alternative à la fourniture de « Gazprom » et  » Rosneft « . Maintenant, si elle est là et elle y sera, c’est seulement dans le cadre du projet conjoint (russo-irano-azerbaïdjanaise-turc), dans lequel les intérêts de toutes les parties prenantes sont pris en compte.

Cela ferme la possibilité des États-Unis de bloquer les lignes russes à la Syrie.

Mais pour Moscou cela n’ouvre pas seulement un étroit goulet, mais tout l’espace des Balkans à la mer Caspienne. 

Cela fait des projets de corridors de transport de l’océan Arctique à l’océan Indien une réalité. Une nouvelle branche sud (iranienne) de la Route de la soie commence également à devenir une réalité ; avec un potentiel de connexion interne et diversifié à la Grande Eurasie (de Lisbonne à Kuala Lumpur) qui sera de plus en plus difficile à couper.

Au Moyen-Orient même, la domination absolue des Etats-Unis s’est réduite aux tentatives de garder le contrôle sur les monarchies arabes du Golfe, ou au moins de les empêcher d’être irrémédiablement balayées, ce qui met ces Etats du Golfe, qui sont dans le sillage de la politique américaine, dans une situation de confrontation avec l’Iran.

Bien sûr, les négociations à Bakou et à Saint-Pétersbourg ont seulement marqué le début de relations à long terme, et  indiqué la direction et la dynamique du processus. Mais dans le monde d’aujourd’hui les changements se produisent très rapidement.

En 2008, en Ossétie du Sud, la Russie a défendu le Caucase du Nord contre les tentatives de «somalisation» de l’OTAN tout en conservant sa crédibilité dans la région. En 2014, la Russie a bloqué une tentative américaine de prendre pied en Crimée, et Kiev a lancé un processus d’auto destruction (même selon les normes américaines et européennes). En 2015, la Russie a défendu la Syrie contre les voyous islamistes pro-américains qui ont presque réussi à plonger la région dans le chaos.

2016 n’est pas encore terminée; mais c’est un fait que  la Russie et ses alliés s’emploient à rétablir l’ordre au Moyen-Orient.

Rostislav Ishchenko | 10 août 2016 | Fort Russ

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