L'élection de Donald Trump à la présidence susciterait un regain de volatilité sur le marché des changes à la mesure des incertitudes et des risques de son programme économique. Pas encore à la Maison Blanche, le milliardaire est déjà parvenu à influer sur le cours du peso mexicain par ses déclarations fracassantes (Mur).

Les devises qui devraient souffrir à court terme sont les monnaies de deux pays voisins (Canada et Mexique) qui ont conclu un accord de libre-échange avec les Etats-Unis en 1994. Un accord qui ne satisfait pas du tout le candidat républicain. Un regain d'isolationnisme et de protectionnisme pénaliserait aussi les devises de pays qui exportent beaucoup vers les Etats-Unis comme Israël, la Colombie, le Pérou et la Corée du Sud.

 

« Make dollar great again »

La guerre commerciale que Donald Trump entend mener impose d'entrer dans la « guerre des changes », la recherche d'une devise compétitive pour conquérir des parts de marché. D'ailleurs, il a tourné le dos à la doctrine officielle américaine du « dollar fort », en appelant de ses voeux une correction du billet vert, source de compétitivité. « Cela sonne bien de déclarer « Nous avons un dollar fort », mais c'est à peu près tout. J'ai beaucoup d'amis en Chine et je peux vous dire qu'ils ne regardent qu'une chose, le dollar, et sont contents quand il monte », a-t-il estimé en pointant les nombreux inconvénients d'une appréciation trop forte du billet pour les entreprises américaines.

J'ai beaucoup d'amis en Chine et je peux vous dire qu'ils ne regardent qu'une chose, le dollar, et sont contents quand il monte

« La victoire de Trump accroîtrait les risques de dépréciation du renminbi compte tenu de sa volonté d'imposer des taxes sur les importations chinoises et de qualifier officiellement la Chine de « pays manipulateur » de sa devise », explique Bilal Hafeez responsable de la stratégie sur les changes chez Nomura. Le candidat veut ainsi faire du dollar une arme de dissuasion massive dans le cadre de sa guerre contre les manipulateurs des changes, comme la Chine.

 

Relations compliquées avec la Fed

L'élection de Donald trump entraînerait-elle une un risque pour l'indépendance de la Réserve Fédérale (Fed ) ? Il a en tout cas déclaré en mai « qu'il remplacerait vraisemblablement » Janet Yellen à la fin de son premier mandat (février 2018) à tête de la Fed. « Elle n'est pas républicaine », a-t-il justifié tout en reconnaissant que sa politique monétaire actuelle -statu quo- est la bonne. Il n'était pas de cet avis à l'automne dernier. Il suggérait alors que la Fed était aux ordres de la Maison Blanche : maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau accroît les chances d'élection de sa rivale démocrate, Hillary Clinton.

Historiquement, les hommes politiques américains ont été plutôt discrets dans leurs commentaires sur la politique monétaire lors de la présidence Greenspan, dont la forte personnalité et la réputation étaient des garants d'indépendance supplémentaires. Mais décider d'intervenir sur le marché des changes pour vendre, par exemple, des dollars est une prérogative, rarement utilisée, du secrétaire au Trésor. Seulement, la Fed, simple exécutante, n'est pas du tout convaincue de l'efficacité de ce type d'action sur les devises, à la différence de la Banque du Japon. Si cette dernière venait à vendre des yens comme elle l'a déjà fait, le locataire de la Maison Blanche ne devrait pas rester longtemps inaudible. La parité dollar-yen, déjà très « sensible » commercialement pour de nombreux secteurs, devrait se politiser encore davantage sous une présidence Trump. La « guerre des changes » a trouvé un de ses meilleurs avocats outre-Atlantique.

@NessimAitKacimi