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9 octobre 2016

SYRIE – Quand l’US Air Force bombarde l’armée syrienne…

Mon dernier article sur pour la revue de Pierre Piccinin da Prata : "Le courrier du Maghreb et de l'Orient"

 

 

Le 17 septembre 2016, des avions de la coalition emmenée par les États-Unis ont bombardé des positions de l’armée régulière syrienne au sud de l’aérodrome de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, sur les rives orientales de l’Euphrate, en violation de la trêve qui venait d’être signée peu de temps auparavant.

Le bombardement, qui a duré plus d’une heure (67 minutes selon la presse russe), avait été précédé d’une mission de reconnaissance effectuée par un drone. Dans la foulée, les djihadistes de l’État islamique ont lancé une attaque contre les positions des forces gouvernementales syrienne…

Les Américains se sont excusés officiellement auprès de la Syrie et ont plaidé l’erreur de ciblage.

Du côté de la Syrie et de la Russie, on ne croit pas à l’erreur de ciblage, mais on pense que cette action était volontaire. Le président syrien Bachar al-Assad a déclaré lui-même : « Vous ne pouvez pas bombarder pendant une heure, puis dire que c’était une erreur. »

Que croire ? Depuis Schrödinger et Heisenberg, nous savons que nous vivons dans un univers probabiliste. Il convient donc d’évaluer les probabilités de chaque scénario….

L’erreur de ciblage est possible

On a beau disposer de moyens de renseignement de très haute technologie, l’analyse finale repose toujours sur de l’intelligence humaine, et il se peut que certains en manquent parfois… Après tout, souvenons-nous que les Américains avaient bombardé par erreur l’ambassade de Chine à Belgrade au cours de la campagne aérienne contre Milosevic… Non ?

L’acte intentionnel est également possible

La coordination entre l’aviation de la coalition occidentale et les forces terrestres rebelles peut le laisser penser. Le lieu de l’attaque peut aussi le laisser penser. En effet, l’aérodrome de Deir ez-Zor se situe à l’est de l’Euphrate et la stratégie des faucons américains vise à faire de l’Euphrate une ligne rouge pour le régime de Bachar al-Assad, en vue de créer un état sunnite entre l’Irak chiite et la Syrie.

Compte tenu de l’attitude récurrente des Occidentaux, qui profitent de chaque trêve pour réarmer certains groupes rebelles, et de la ligne de Vladimir Poutine, qui soutient inconditionnellement le régime de Damas, on peut supposer, dans ce contexte de néo-Guerre froide, que la probabilité d’une manœuvre délibérée est bien supérieure à la probabilité d’une erreur de ciblage.

Quelles conséquences ?

D’après les sites d’information russes, le 20 septembre 2016, 3 missiles Calibre tirés par la flotte russe sur un centre de commandement du Front al-Nosra dans la région d’Alep ont tué une trentaine d’officiers… israéliens, britanniques, turcs, quataris et saoudis. Ces officiers auraient dirigé les opérations des islamistes dans la région. En outre, les médias russes rappellent que, de tous les pays présents en Syrie, seuls la Russie et l’Iran le sont légalement, à la demande du président Bachar al-Assad.

La conséquence de cette attaque, qu’elle fut préméditée ou commise par erreur, c’est le changement des règles d’ouverture du feu pour l’armée syrienne et ses supports étrangers, russes en particulier. La Russie, en effet, a déclaré que « tout avion qui menacerait l’armée syrienne serait désormais abattu ».

La signification est très lourde.

En effet, les règles d’ouverture du feu sont des règles de droit qui dessinent les limites posées par le pouvoir politique à l’emploi de la force. Elles expriment donc la quintessence politique d’une opération militaire. Elles se déclinent ensuite en procédures, en processus, qui dépendent des moyens dont on dispose.

Dans le cas d’actions aériennes menées par plusieurs donneurs d’ordres dans le même espace aérien, comme c’est la cas en Syrie (puisqu’il y a deux centres d’opérations sur le théâtre, l’un occidental et l’autre russo-syrien), les procédures de « déconfliction » sont forcément complexes et doivent faire l’objet de négociations et de coordination entre les deux parties. Et même si la Russie possède les moyens techniques de la maîtrise de l’espace aérien syrien, elle entretenait un échange d’informations avec le centre d’opérations occidental.

En durcissant les règles d’ouverture du feu, la Russie et la Syrie assument une démarche vers la prise de contrôle sans partage de l’espace aérien syrien, et peut-être à terme l’exclusion des avions occidentaux du ciel syrien.

La sanctuarisation de l’espace aérien syrien n’est pas encore décrétée formellement, mais les événements en cours y mènent lentement et sûrement.

En conclusion, cet épisode marque une évolution très importante des rapports de confiance et des rapports de forces dans la région. La Russie procède, pas à pas, à la sanctuarisation du territoire syrien et au déploiement d’une présence militaire consistante et durable en Syrie.

Le président russe, Vladimir Poutine, a poussé en avant une pièce maîtresse sur le grand échiquier de la Guerre froide.

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