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9 novembre 2016

Trump et Poutine sont-ils faits pour s’entendre ?

sur LCDR

« Poutine dirige son pays, au moins, c’est un vrai leader – pas comme chez nous »

 

Traduit par publié mercredi 9 novembre 2016

 

Alexandre Gorbatchev, expert pour la fondation Carnegie, à Moscou, explique ce qui unit le président russe Vladimir Poutine et son futur homologue américain Donald Trump.

Donald TrumpDonald Trump lors de son discours à l’occasion de sa victoire, le 9 novembre. Crédits : AP Photo/John Locher

Le 1er mai 2016, sur les ondes d’une radio de l’État de l’Indiana, Donald Trump a déclaré qu’à la place de Barack Obama, il aurait abattu les avions russes volant près des côtes américaines. « Vous savez, si cet imbécile continue de nous chercher, à un moment ou à un autre, nous devrons tirer », a-t-il dit. Toutes les agences d’information en ont parlé. Pourtant, personne n’a précisé que Trump n’avait proposé d’abattre les avions russes qu’en dernier recours, seulement si la diplomatie s’avérait impuissante. Car la première chose que le président américain aurait dû faire dans cette situation, selon Donald Trump, aurait été de téléphoner à Vladimir Poutine pour lui demander ce qui se passait. Ainsi, Trump reprochait principalement à Obama non de ne pas tirer sur les avions russes, mais de ne pas appeler Poutine. Aujourd’hui, il y a toutes les raisons de supposer que si le nouveau président américain Donald Trump téléphone à Vladimir Poutine, celui-ci décrochera.

Donald Trump a indubitablement de la sympathie pour Poutine. « [Poutine] dirige son pays, au moins, c’est un vrai leader – pas comme chez nous », a-t-il déclaré un jour, en réponse au compliment du président russe, qui l’avait qualifié d’homme « brillant et talentueux ».

En d’autres occasions, Trump n’a cessé d’assurer qu’il ne voulait pas se quereller avec la Russie, mais, au contraire, qu’il chercherait à faire baisser la tension entre les deux pays. Trump salue l’opération militaire de Poutine en Syrie (« qu’ils combattent l’État islamique eux-mêmes, nous ne nous en porterons que mieux »), et pense, à propos des journalistes et politiciens assassinés en Russie, que « oui, bon, mais en Amérique aussi, beaucoup de gens sont tués… et puis, l’implication de Poutine dans ces événements malheureux n’a pas été prouvée ».

 

Le nouveau Berlusconi

Le constat saute aux yeux : Trump et Poutine ont beaucoup de choses en commun. En termes de comportement et de mode de vie, parmi tous les chefs d’État mondiaux, c’est à Silvio Berlusconi – un des amis étrangers les plus intimes du président russe – que Trump, loustic souriant et bon vivant, ressemble le plus.

En vantant en permanence son génie de l’entrepreneuriat, Trump considère la gestion d’un État comme une mission de business-management – une représentation que Poutine comprendra certainement, lui qui s’efforce inlassablement de bâtir la corporation publique « Fédération de Russie » en écartant efficacement – et en n’étant pas particulièrement guidé par des considérations de morale politique – toutes les menaces qui surgissent.

Dans le lexique de Trump, une place de taille est dévolue à la notion de « respect » : c’est ce désir de se faire respecter qui a poussé le businessman vers la politique, et l’un de ses principaux reproches à l’égard d’Obama consistait précisément à dire que le précédent président américain n’était pas respecté dans le monde. Une position que Poutine comprendra certainement, lui qui exige le respect et un traitement égalitaire de la part de ses collègues occidentaux.

Même la façon de s’exprimer de Trump, qui gratifie ses adversaires de surnoms péjoratifs (« le petit Marco Rubio », « Ted Cruz le menteur », « Hillary Clinton l’affairiste »), a quelque chose de comparable aux manières de Poutine, qui livre régulièrement aux médias de nouveaux aphorismes. Ni Poutine ni Trump n’ont beaucoup d’estime pour les journalistes (qui le leur rendent bien) ; ni l’un ni l’autre n’apprécient que l’on se mêle de leur vie privée. Le visage rond de Trump, sa familiarité, la façon dont il impose sans réserve sa vérité – et plus souvent ses mensonges – sont bien plus proches du président Poutine que de l’éducation d’Harvard d’Obama, de sa manière littéraire d’exposer ses pensées et de ses sarcasmes condescendants. On s’imagine aisément Poutine et Trump ensemble à la chasse ou sur un terrain de golf.

 

Le chouchou des politiques russes

Enfin, les positions de Trump en politique étrangère soulèvent chez les fonctionnaires russes sinon de l’enthousiasme, du moins, dans tous les cas, de l’approbation.

Certes, Trump veut que l’Amérique agisse de façon moins prévisible et que les combats contre les ennemis extérieurs soient menés sans déclarations ni explications politiques superflues ; et certes, une telle stratégie pourrait sembler dangereuse aux partenaires étrangers des États-Unis. Mais Vladimir Poutine, lui aussi, aime l’imprévisibilité dans la façon de résoudre les questions de politique intérieure autant qu’extérieure, tout comme il préfère, lui aussi, l’efficacité à la transparence.

Pour le reste, Trump a tout d’un véritable cadeau fait au pouvoir russe, qui affirme jusqu’à s’enrouer que les États-Unis prennent trop de place. C’est vrai, confirme Donald Trump, et surtout, ils donnent beaucoup trop. L’Amérique paie déjà trop cher le maintien de l’ordre mondial – et pour y gagner quoi ? Il vaudrait mieux commencer par améliorer l’infrastructure et réparer les routes chez soi, plutôt que d’entretenir des bases militaires extrêmement coûteuses au Japon et en Corée du Sud, pour lesquelles les partenaires locaux ne dépensent pas grand-chose : qu’ils se protègent eux-mêmes de Kim Jong-un, puisqu’ils sont si intelligents. L’Ukraine ? Les Allemands et autres Européens n’ont qu’à s’en occuper – c’est eux qui ont la guerre à leur flanc, pas les États-Unis. La Syrie ? Pour réduire les pertes, il faut collaborer avec la Russie, et, en fait, avec tous ceux qui aideront à bombarder ce satané État islamique. L’ONU ? Une perte de temps et d’argent – de toute façon, l’organisation ne résout rien. L’OTAN ? Une organisation moralement fatiguée, créée pour lutter contre l’Union soviétique et pas contre le terrorisme – et aussi affreusement chère.

Trump estime que si l’Amérique continue à remplir les fonctions de gendarme du monde, elle doit recevoir pour cela une compensation adéquate. Sinon – elle doit arrêter. Il n’est pas étonnant qu’il soit assez rapidement devenu le candidat favori des fonctionnaires russes : on fait l’éloge du personnage sur le plateau de la chaîne Russia Today. Jusqu’à sa proposition d’abattre les avions russes, que les députés de la Douma ont attribuée aux règles du jeu commun, sur le thème : oui, bon, Trump devait critiquer la Russie pour gagner les élections, mais nous savons, au fond, que c’est un type bien.

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