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15 février 2017

Crapulerie européiste - par Jacques SAPIR

 

Sur le site quasiment officiel de l’Union européenne, Euractiv.fr[1], M. Emmanuel Grynszpan me met en cause dans un article consacré à la soi-disant campagne des autorités russes contre Emmanuel Macron[2]. Signalons que ce site a pour but de « compléter la « perspective bruxelloise » sur les affaires européennes en ajoutant un point de vue national et en adaptant le contenu aux besoins de l’opinion publique locale ». Le titre du papier est déjà tout un programme (à la différence de Macron qui n’en a point) : « Les médias pro-Russes s’engouffrent dans le tout sauf Macron ». Ainsi donc me voici enrôlé, sans que l’on ait demandé mon avis dans une sorte de croisade.

Regardons ce qui m’est reproché. Selon l’auteur, mon crime serait celui-ci : « Les politologues invités à commenter sa campagne, comme Jacques Sapir, le descendent en flamme : « Monsieur Macron et ses mystérieux soutiens financiers […] Il est le candidat des oligarques, du MEDEF, de ces affairistes qui confondent l’industrie avec un immense jeu de Monopoly », écrit Sapir, qui défend systématiquement la politique du Kremlin sur son blog ».

Relevons ici une imprécision, une erreur, et une volonté évidente de nuire.

 

L’imprécision tout d’abord. Le lecteur ne sait pas ce que j’ai dit et ce que j’ai écrit. M. Grynszpan cultive ici l’ambiguïté comme d’autres leur jardin ou le cannabis. Il se fait que j’ai donné une interview à RT en français[3], mais que j’ai écrit deux (et non pas un) article concernant Monsieur Macron[4], le premier étant motivé par ce qui m’apparaissait comme un profond mépris du personnage pour les habitants du Nord de la France, une région où j’ai enseigné à mon début de carrière. Quand je me suis exprimé sur RT France, l’interview ne portait pas exclusivement sur Emmanuel Macron, loin s’en faut. J’ai aussi parlé de François Fillon, de Marine le Pen, et de bien d’autres choses. Mais ici, par la magie de formules vagues, et somme toute aussi vagues que le programme d’Emmanuel Macron, on laisse à croire que l’interview aurait porté exclusivement sur ce dernier. La phrase citée correspond, en réalité à une note publiée sur mon carnet. Ce dernier aurait pu être cité. Le lecteur aurait, ainsi, pu aller vérifier et il aurait alors constaté que l’argumentaire va au-delà de la question du financement.

L’erreur vient ensuite. Elle consiste à me présenter, moi et les critiques de M. Macron, comme exclusivement focalisé sur ce personnage. Si M. Grynszpan s’était donné la peine de lire ce que mon carnet contient il aurait pu voir qu’attaquer M. Macron n’est pas une de mes priorités. J’attaque aussi M. Fillon, pour la déchéance morale dont il a fait preuve[5], tout comme j’attaque M. Hamon, pour l’escroquerie en bande organisée que représente sa candidature[6]. Tout ceci est aisément vérifiable. Mais il semble bien que M. Grynszpan, que j’ai connu à l’EHESS et en Russie, quand il travaillait pour un journal et me demandait des articles, ait oublié tout ce que mes collègues et moi avions pu lui apprendre en matière de respect des sources, de vérification et d’honnêteté. De fait, son article s’apparente à un cas de « fake news » sur ce point. Mais, il y a une raison. M. Grynszpan n’a retenu de l’enseignement qu’il a reçu que l’idée que le fait de raconter une histoire est plus important que le contenu de la dite histoire. Il nous construit donc un « storytelling » où ce pauvre Emmanuel Macron serait la cible de l’abominable homme du Kremlin, je veux parler de Vladimir Poutine en personne. Comme si nous avions besoin d’attendre ce que pense Vladimir Poutine pour nous poser des questions très sérieuses sur ce qu’est M. Macron, sur ce qu’il représente, sur son bilan. Il y a là un mensonge, certes par omission, mais un mensonge tout de même. Et le but de ce mensonge est clair : discréditer toute critique de M. Macron. On voit bien alors le but de la manœuvre, qui repose sur une série de syllogismes : Poutine soutient Bachar, donc Poutine est le Diable. Tel est le premier syllogisme. Si le Diable attaque quelqu’un, ce dernier ne peut être qu’innocent. Tel est le deuxième syllogisme. Oui, mais voilà, la politique n’est pas réductible, sauf dans les fantasmes des fanatiques comme les islamistes, à une lutte entre le Bien et le Mal. Ici encore, j’ai bien peur qu’il ne reste rien de l’Emmanuel Grynszpan que j’ai pu connaître et qui semble avoir été dévoré tout cru par l’idéologie européiste, au point de perdre toutes ses références et tous ses repères.

 

Venons en à la volonté de nuire. Elle est évidente par les raccourcis auxquels M. Grynszpan a recours, surtout quand on sait à quel point il connaît les positions qui sont les miennes. La dernière phrase du passage cité le montre bien : « …qui défend systématiquement la politique du Kremlin sur son blog ». Tout d’abord, je mets au défi le lecteur de mon carnet de trouver une seule note ou je ferai l’apologie de Vladimir Poutine. Je discute, et souvent de manière critique, la politique économique du gouvernement russe. Je discute, de manière assurément plus favorable, les prises de positions internationales, et j’ai salué en son temps comme un moment intellectuel important le « discours de Munich » que Vladimir Poutine prononça en 2007[7]. Ceci ne faisait nullement de ce livre un ouvrage à la gloire de Vladimir Poutine, et les traductions en coréen ou en polonais de cet ouvrage en témoignent.

L’image que cherche à construire Emmanuel Grynszpan est donc celle d’un « blog » qui serait systématiquement en faveur du Président russe, et qui de ce point de vue n’aurait aucune indépendance intellectuelle. C’est insultant, mais c’est surtout diffamatoire. Ici encore, le jeu auquel se livre Grynszpan n’est que trop évident. Il s’agit de mettre à l’abri de toute critique M. Emmanuel Macron. Et, la meilleure manière pour M. Grynszpan consiste à prétendre que toutes les critiques contre son chouchou ne sont que le produit d’une pensée téléguidée. Mais, le texte qu’Adrien de Tricornot, ancien journaliste au Monde, ancien responsable de la société des Rédacteurs de ce journal, a écrit au sujet d’Emmanuel Macron est dix fois plus dévastateur pour Emmanuel Macron que mes deux notes[8]. Je le recommande d’ailleurs aux lecteurs car il montre à la perfection qui est le véritable M. Macron. Alors, faudra-t-il que M. Grynszpan prétende que M. de Tricornot tient lui aussi un blog pro-Poutine ?

On touche ici à l’absurde. Mais, la haine de la vérité entraîne des comportements absurdes, nous le savons bien. La peur de voir se dévoiler la vacuité du candidat Macron a donc conduit M. Grynszpan à fouler aux pieds tous les principes de déontologie que devrait respecter un journaliste, digne de ce nom. Il s’est transformé en un désinformateur grossier. Le plus grave est qu’il puisse sévir sur un site largement financé par l’Union européenne.

 

[1] http://www.euractiv.fr

[2] http://www.euractiv.fr/section/politique/news/les-medias-pro-russes-sengoufrent-dans-le-tout-sauf-macron/

[3] Que l’on peut retrouver dans la note publiée le 11 février 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5686

[4] Une note le 11 février 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5690 et une note le 15 janvier 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5593

[5] Par exemple le 7 janvier (avant le PenelopeGate) sur son instrumentalisation de la religion catholique https://russeurope.hypotheses.org/5581 et le 2 février 2017 https://russeurope.hypotheses.org/5655 sans oublier l’analyse critique de son programme à la suite de sa victoire à la « primaire » de la droite le 28 novembre 2016 https://russeurope.hypotheses.org/5472

[6] Voir ma note du 29 janvier 2017, https://russeurope.hypotheses.org/5641

[7] Sapir J., Le Nouveau XXIè Siècle, le Seuil, Paris, 2008.

[8] De Tricornot, A., Comment Macron m’a séduit puis trahi http://www.streetpress.com/sujet/1486723160-macron-le-monde

 

 

sur : https://russeurope.hypotheses.org/5706

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