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16 février 2017

Marine Le Pen, bientôt le jour de gloire?

 

 

Marine Le Pen, bientôt le jour de gloire?

 

Favorite du premier tour de la présidentielle, la candidate du Front national a longtemps été donnée battue au second tour. Le caractère imprévisible de cette campagne ainsi que les problèmes de François Fillon lui permettent de rêver d’un destin élyséen

8 minutes de lecture

Publié mardi 14 février 2017 à 20:59.

sur LE TEMPS.CH

 

Marine Le Pen peut remercier François Fillon. Depuis que le candidat de la droite française est enlisé dans le «Penelopegate», la présidente du FN est portée par des vents favorables. Ceux qui la croyaient condamnée à échouer parce que trop extrémiste, et discréditée par sa promesse d’abandon de l’euro (lire ci-dessous), sont beaucoup moins catégoriques. Raison? Plusieurs sondages la donnent aujourd’hui loin devant au premier tour de la présidentielle, le 23 avril, avec 28%. Soit le même score que celui de son parti aux régionales de décembre 2015. Son record historique, après le 24% des européennes de 2014, et le 25% des municipales.

Conséquence? Les analystes estiment désormais possible l’impensable: à savoir sa victoire en finale. «Marine Le Pen peut gagner. Mettez-vous bien cela en tête. Son socle électoral se solidifie quand celui des autres repose sur du sable» argumente l’éditorialiste d’Europe 1 Antonin André, coauteur de «Conversations avec le président» (Ed. Albin Michel) sur ses échanges avec François Hollande. Idem pour Jérôme Fourquet, de l’IFOP: «Elle peut encore amplifier sa dynamique» répète celui-ci, repris en écho par l’ancien député socialiste Julien Dray.

Marine Le Pen peut gagner: Mettez-vous bien cela en tête

Explications: le populisme de la candidate FN, en phase avec la colère des Français, correspond aux attentes d’une bonne partie des classes populaires et moyennes, séduites par son discours anti-système, protectionniste et étatiste. A preuve: sa prestation du 9 février dans «L’Emission Politique» sur France 2 a convaincu 41% des téléspectateurs. A preuve aussi: sa main tendue aux candidats souverainistes Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France) et Henri Guaino (l’ancienne plume de Sarkozy), toujours à la recherche de leurs 500 parrainages d’élus pour se présenter. «La donne est simple poursuivait hier un député sarkozyste au sortir d’une réunion avec François Fillon, qui a rejeté toute alternative à sa candidature. «La droite doute, la gauche reste divisée (entre Hamon et Mélenchon) et le centre est un marécage.». Pas sûr, donc, que la route soit si dégagée pour Emmanuel Macron (donné gagnant contre Marine). A fortiori si le centriste François Bayrou se lance dans la bataille…

Lire aussi: David Rachline, le jeune directeur de campagne de Marine Le Pen

 

Le mur Fillon fissuré

Tout repose en fait sur l’équation Fillon. Par son profil conservateur, catholique et partisan d’un gouvernement à poigne, ce dernier incarnait jusque-là ce que la candidate FN pouvait le plus redouter: une alternative convaincante pour les partisans d’un net virage à droite. L’ancien premier ministre misait aussi, face à l’eurodéputé Marine Le Pen, sur son expérience du pouvoir. «Le souverainisme libéral de François Fillon est, pour Marine le Pen, un adversaire très difficile sur les questions régaliennes» jugeait récemment Frédéric Dabi, de l’IFOP.

Lire aussi: François Fillon «ne reviendra pas sur sa candidature»

En riposte, la présidente du Front a déroulé un thème principal: la défense des acquis sociaux (allocations chômage, retraite), dénonçant le prochain démantèlement de la sécurité sociale, et la brutalité du programme filloniste de réduction des dépenses publiques. Or depuis, le mur Fillon s’est fissuré. «Je l’attends au tournant, lui qui s’est octroyé des augmentations de salaire via sa femme, lorsqu’il contestera nos mesures économiques» plastronnait à Lyon, lors des «Assises présidentielles» du FN, le coordinateur du programme du parti d’extrême droite, Jean Messiha.

Cet ancien haut fonctionnaire, né en Egypte et naturalisé français, a supervisé l’accouchement de 144 mesures parmi lesquelles, entre autres, la promesse d’une réduction d’impôts pour les ménages modestes, l’augmentation du budget de la défense (jusqu’à 3% du PIB), la construction de 40 000 places de prison (5 milliards d’euros), la nationalisation des sociétés d’autoroute (15 milliards d’euros selon le FN) et une prime mensuelle au pouvoir d’achat de 80 euros par mois. Irréaliste pour une future présidente? «Oui si le débat politique en France était logique reconnaît un membre de la cellule programme du FN. Mais regardez: tout est imprévisible. Les policiers sont en colère. Les banlieues explosent. La crise grecque repart. Si Marine Le Pen devient le repère, elle peut gagner.»

 

La digue anti-Front à l’épreuve

Au siège du Front national, rue des Suisses à Nanterre, l’heure n’est pourtant pas à l’euphorie. Les vétérans du parti d’extrême droite savent combien le scrutin présidentiel français à deux tours est redoutable. Ils se souviennent aussi qu’aux régionales, le report des voix de la gauche a empêché le FN, malgré 40% au premier tour, de gagner dans le Nord et en Provence-Alpes-Côte d’Azur. La digue anti-Front reste a priori solide. Sauf qu’à sept semaines du scrutin de tous les dangers, personne ne peut prédire l’effet, dans l’hexagone, de la vague post-Trump et post-Brexit. Surtout si les brèches ouvertes par le «Pénélopegate» ne sont pas colmatées d’ici là.

Une analyse: En France, une campagne présidentielle antimédias et antijuges

 

 

Un scénario qui fait trembler l’Europe

Plus la situation politique devient imprévisible, plus les partenaires de la France et les marchés financiers croient à l’avènement du FN

«Il y a un effet Le Pen sur la dette souveraine française. Pour les marchés, la candidate du Front national n’est plus une hypothèse. C’est une hypothèque…» A la sortie du conseil des ministres, dans la cour pavée de l’Elysée, le ministre qui nous parle ainsi a bien en tête la courbe des spreads, le différentiel entre les taux d’intérêt obligataires français et allemands.

Motif: depuis que la campagne de François Fillon a commencé à battre de l’aile, ceux-ci ont connu quelques pics, alimentés par des unes des quotidiens économiques globaux Financial Times et Wall Street Journal sur la progression du vote FN. «L’Europe regarde la France comme la clé de voûte du système communautaire, poursuit notre interlocuteur. Une victoire de Marine Le Pen serait plus qu’un séisme: une sorte d’explosion politique nucléaire.»

Même son de cloche dans une grande ambassade européenne à Paris. Son actuel titulaire, longtemps conseiller diplomatique de son gouvernement, parle en long et en large de la présidente du Front national. Les législatives aux Pays-Bas, le 15 mars prochain, seront, selon lui, le meilleur des indicateurs. Si le Parti de la liberté de Geert Wilders, allié du FN, rafle la mise électorale sans pour autant parvenir à former une coalition, des leçons pourront être tirées pour la France, qui votera un mois plus tard: «Le problème n’est plus de savoir si le FN est le premier parti de France. C’est acquis, poursuit notre interlocuteur. La question est de savoir si une majorité de Français est prête à confier les rênes du pouvoir suprême à un parti extrémiste qui promet, entre autres, d’abandonner l’euro. Après le Brexit et l’élection de Donald Trump aux Etats-Unis, le vote aux Pays-Bas permettra donc de prendre la température.»

En termes d’impact, la principale mesure guettée par les partenaires européens de la France est bien sûr le rétablissement de la souveraineté monétaire promis par le FN. Dans la brochure qui détaille ses 144 propositions économiques, Marine Le Pen ne promet pas, noir sur blanc, d’en finir avec la monnaie unique. Mais elle jure de tenir au plus vite un référendum sur un «Frexit», si d’aventure Angela Merkel et l’Allemagne refuse d’accepter ses conditions.

 

«Présidentiable?»

Alors? «Toutes les questions que nous recevons de nos homologues étrangers portent sur ce sujet et la libre circulation, confirme-t-on au Medef, le patronat. On a même l’impression, parfois, que l’agenda xénophobe de la candidate ne gêne plus. L’ultime barrière est celle de l’argent et de la crédibilité financière de la France.»

La candidate donnera une conférence de presse le 23 février sur les questions internationales. Avec en toile de fond cette interrogation: que se passerait-il dans les urnes si Marine Le Pen décidait, d’ici au second tour du 7 mai, de modérer son propos sur cette question cruciale, en justifiant finalement sa prudence par la nécessité de protéger le bas de laine des épargnants français? Une Marine Le Pen mieux disposée à l’égard de l’euro deviendrait-elle encore plus «présidentiable»?

 

 

 

Une femme face aux Français

Le clip de campagne résume bien la stratégie: tout miser sur le rapport «unique» avec la France et les Français

Un seul objectif: démontrer aux électeurs français qu’elle est la seule à les comprendre, et la seule à partager leur quotidien. Depuis l’ouverture, à la mi-novembre 2016, de son QG de campagne dans la très chic rue Saint-Honoré à Paris (celle de l’Elysée), Marine Le Pen décline de toutes les manières possibles son slogan: «Au nom du peuple». Une devise finalement préférée aux deux autres formules encore utilisées dans ses meetings, pour ratisser le plus large possible: «La France apaisée» et «Remettre la France en ordre».

La démonstration la plus aboutie de cette stratégie est son clip officiel de campagne, dévoilé mardi. En trois minutes, la présidente du FN apparaît tantôt à la barre d’un voilier, tantôt seule sur une plage, tantôt affairée à feuilleter son album de famille, tantôt au contact avec de «vrais» Français dans un café. Le film, bien réalisé et bien léché, est percutant. Son fond musical est celui de la série télévisée à succès américaine House of Cards, qui raconte les turpitudes de la Maison-Blanche. Marine Le Pen insiste, face caméra, sur le fait qu’elle est une femme, donc mieux à même de comprendre les problèmes domestiques et d’éducation des enfants (elle en a trois).

Contrairement à son père, Jean-Marie, qui fit toujours campagne sur son seul nom, assorti de la flamme bleu-blanc-rouge du Front national, la candidate a, cette fois, choisi de cultiver une certaine distance. Son symbole est une rose bleue horizontale, une première.

Le choix de son directeur de campagne, David Rachline, est enfin éloquent: moins abrasif et moins médiatique que le vice-président du FN Florian Philippot – qui a la haute main sur le programme –, le jeune sénateur-maire de Fréjus a une meilleure image auprès de l’électorat populaire et met le plus possible en avant le bilan municipal des élus frontistes. Avec un slogan encore plus simple, mais qui fait mouche dans les meetings: «Essayer le FN, c’est l’adopter!».

Richard Werly
Richard Werly

@LTWerly

Correspondant du Temps à Paris. Avant cela à Tokyo, Bruxelles, Bangkok

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