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3 avril 2017

Qu’avons-nous fait de nos banlieues ? par Gérard Luçon . 4 mars 2017

Né en 1951, j’ai passé mon enfance dans des immeubles, au gré des chantiers où travaillait mon père, à l’époque où on trouvait facilement du travail.

J’ai ainsi vécu Cité La Madeleine à Orléans (45), Tours Fin de Sel (Berlioz) à Pontarlier (25), HLM 415 à Muret (31), Le 81 à Manosque (04), dans un barre d’immeuble à Marseille Veyre (13), Cité Rivierre-Casalis à Orléans (45), dans une barre d’immeuble à Viroflay Rive Gauche (78), Cité Termier/Jonchère ( ?) à Lyon (69), bref j’ai connu de l’intérieur les bandes, les bagarres, les rivalités entre quartiers et immeubles, les immigrés italiens, espagnols, portugais, les pieds-noirs, les harkis ; mes copains s’appelaient Franco Parola, Alexandre Ramos, Jean Berkani, Guy Villanova, certains d’entre eux ont fait des carrières exceptionnelles, d’autres on vécu une vie simple, celle des enfants d’immigrés devenus français.

Quand on était de la même cité on était solidaires entre nous contre l’autre cité ! Les rivalités entre ceux des tours Fin de sel et ceux de la cité des Castors, les matches de foot qui souvent étaient associés de quelques coups légèrement vicieux entre ceux du 81 et ceux de La Luquèce. Je vivais dehors, avec mes copains, nous faisions les poubelles des américains à Orléans, nous partions en vélo visiter les environs (Muret, Manosque), ou bien en forêt (Pontarlier), bref une vie de gamin « bien remplie ». On ne restait pas dans les halls d’entrée, on ne cassait pas les boites postales, on ne « visitait » pas les caves, on ne mettait pas de graffitis sur les murs, on ne pissait pas sur les paillassons des gens… on regardait les jolies filles avec envie, mais pas touche ! Bien entendu il y avait des exactions, de la délinquance, des blousons noirs, mais les gens vivaient encore dehors, la télé n’était pas aussi répandue, les voisins se connaissaient et se parlaient, même si c’était, pour les mères de famille, les fameuses réunions « Tupperware ».

J’ai continué mon cursus scolaire, 3 ans d’Université après le Lycée puis entrée dans la fonction publique, ministère de la justice, éducation surveillée, en 1973, juste avant le 1er « choc pétrolier ». J’ai alors commencé à accompagner des jeunes vivant eux aussi dans ces immeubles, pas forcément ceux que j’avais connus, encore qu’ayant travaillé à Orléans, Versailles et Marseille j’étais parfois en terrain connu, voire avais été en relation avec des proches ou des parents de jeunes que je devais « suivre ».

C’est dans ces années ’70 que tout est parti de travers, avec deux vecteurs : le chômage et le crédit !

En imposant que les salaires soient versés sur des comptes bancaires, le gouvernement a donné un pouvoir immense aux banques, celui de vérifier, suivre, et contrôler ; en corollaire il a donné aux banques le pouvoir de prêter de l’argent aux particuliers sans quasiment aucun risque, les salaires rentrant sur les comptes bancaires de ces particuliers, et donc étant « réquisitionnables à souhait » en cas de problème financier pour l’emprunteur !

Dans ces mêmes années 70 existait encore ce que l’on appelait « la ceinture rouge », Paris était cernée par des banlieues communistes, mais une dynamique était lancée : le crédit pour que chacun ait sa maison (pour mémoire le fameux slogan de Coluche « maison Merlin, cage à lapin »). Le rêve de toute une vie apporté de concert par les banques et la télé : un lopin de terre, un pavillon, une voiture, une clôture, la réussite quoi !!!

Il m’est difficile d’affirmer que cela était organisé de concert entre le pouvoir et les banques, mais le résultat a été éloquent :

-les ouvriers, les employés et les petits cadres se sont endettés sur 25 à 30 années et ont déserté les immeubles ;

-le chômage est arrivé par vagues, par contre l’immigration a continué au même rythme, 200.000 à 300.000 nouveaux venus chaque année, sur une amplitude de 40 années cela fait 8 à 12 millions de personnes (entre 13 et 20% de la population pour des détails voir ce lien https://fr.wikipedia.org/wiki/Donn%C3%A9es_statistiques_sur_l%27immigration_en_France ) ; Sur cette même amplitude de temps le chômage qui était proche de 0% est passé à 10% ;

-tout naturellement les appartements laissés vides par les ouvriers et employés ont été proposés à ces immigrants, mais ce n’était plus la même immigration que celle que notre pays avait connue de 1920 à 1970 ; finis les ritals, les russkofs, les polacks, les pingouins, les portos, fuyant leur pays pour cause de dictature, de bolchévisme, en majorité des blancs, catholiques ou chrétien orthodoxes ; finis les pieds-noirs en majorité catholiques et juifs séfarades, qui étaient en 1985 environ 1,5 million en « métropole » ; désormais le gros des immigrants venait de nos ancienne colonies, les descendants de ceux-là même dont nous avions eu besoin lors de la 1ère et de la seconde guerre mondiale, en majorité des musulmans et un nombre conséquent de gens de couleur.

-dès lors les immeubles sont devenus, petit à petit, des ghettos d’un tout autre genre ! Remplacés les militants communistes qui partageaient la vie quotidienne des gens, finie la vente de l’Huma Dimanche, les réunions avec le député-maire qui lui aussi vivait en immeuble, bref tout ce « petit monde prolétaire » qui participait activement de la vie sociale et avait une fonction de régulateur a disparu.

En quarante années nous avons vu les médecins se rendre de moins en moins dans ces immeubles, voire même dans des quartiers entiers devenus des zones de non-droit, de même pour les infirmières, les pompiers ! Une désertification sociale (et humaine) s’est installée ; Bien entendu des grands penseurs, dans les années 80, ont cru qu’il suffisait de nommer des « grands frères » issus de ces ghettos pour s’occuper de leurs « petits frères et petites sœurs » ; le résultat a été catastrophique car on a créé des fonctions artificielles pour justifier une prise en charge et une intégration sociale qui relevaient de l’impossible : comment, en effet, mettre en situation de soutien à l’intégration une personne qui elle même n’était pas intégrée et à qui on a créé artificiellement un poste professionnel d’agent d’intégration !!! Dans la même période a été créée une police de proximité, disons « le garde-champêtre » revisité, et comme cela n’a pas bien fonctionné on y a rajouté la BAC (Brigade Anti-Criminalité), cette technique du mille-feuilles était jolie sur le papier, l’éduc, l’A.S., le gentil flic, l’infirmière, le méchant poulet, le pompier, le docteur … tout le monde travaillant bien entendu en complète dysharmonie, n’ayant pas les mêmes chefs, pas les mêmes zones d’intervention, pas les mêmes sources financières … de la navigation à vue dirigée par des aveugles, ou des crétins !!!

Bien entendu ces quartiers ou zones se sont autorégulés, avec les caïds, les petits dealers, les guetteurs, et en 2005 quand l’inénarrable Sarközy a voulu donner du Karcher nous nous sommes réveillés avec une révolte des banlieues. Cette révolte ne s’est terminée que parce que les dealers ont donné l’ordre aux jeunes de rentrer dans leurs rôles initiaux, qui guetteur, qui revendeur ... Brûler les voitures des voisins était une chose, mais stopper l’approvisionnement en cannabis, cocaïne, cela commençait à déranger y compris dans les « beaux quartiers ». D’ailleurs les fameux « Go fast » qui existent depuis une trentaine d’années continuent à exister, malgré les péages, les autoroutes qui fonctionnent comme des entonnoirs, bref ce système d’approvisionnement fait partie de notre société et est combattu « bien légèrement ». Pour ce qui est de l’allusion aux beaux quartiers, un observateur « averti » peut remarquer tel présentateur télé qui sur-réagit nerveusement, tel homme politique qui se frotte régulièrement le dessous du nez, tel autre sujet aux tics nerveux, tel autre les pupilles dilatées, bref des symptômes qu’on apprend à dépister selon la formation qu’on a eue !

Le constat est accablant :

Personnellement je continue parfois à entrer dans ces immeubles, comme j’y ai vécu durant mon enfance je n’y ressens aucune angoisse mais je ne peux que constater la différence et l’ampleur des dégâts que notre pays a commis envers ces immigrants et ressentir un grand dépaysement ; des graffitis partout, l’odeur de pisse, les boites à lettres déglinguées, des groupes de jeunes squattant les halls et ne mettant aucune bonne volonté à se déranger pour laisser passer « l’intrus » ; la télé ne fonctionne plus, on la jette par la fenêtre ! On reçoit un couple d’amis, il faut avertir « à la cantonade » que telle voiture est « bienvenue » ! Quel docteur irait à 11 heures du soir intervenir au 10ème étage d’un immeuble sans ascenseur ?

Le député maire ayant en charge le secteur ne vient en général jamais, ou si rarement ; ses indemnités lui permettent de vivre ailleurs, dans les « beaux quartiers », et sa faconde lui permet de décrire ce qui s’y passe et comment gérer le problème …

Nous avons même des tartuffes qui expliquent le plus sérieusement du monde qu’il faut délocaliser ces familles d’immigrés vers les campagnes pour compenser l’exode rural, chose qui a été tentée au XIXème et au début du XXème siècle avec le slogan « réhabiliter le colon par la terre et la terre par le colon », à l’époque où on appelait colon le jeune délinquant ou cas social et où on avait développé de grandes colonies pénitentiaires (Cadillac, Saint-Jodard, Lamotte-Beuvron, Saint Hilaire, Aniane, Belle-Île, etc ..)… toutes fermées pour cause de trop nombreuses exactions ! (voir ce lien, texte de Prévert … https://www.youtube.com/watch?v=bfDjDpjDSmg )

Quand un individu qui est politicien à vie, gagne entre 10.000 et 15.000 euros par mois, et a casé ses proches au conseil régional ou dans un service municipal, vient expliquer au jeune immigré sénégalais qui ne fréquente pas l’école, et qui n’aura pas de boulot à cause de son nom, de sa couleur, de sa religion, comment il doit apprendre à vivre avec 520 euros par mois

… comme dit une amie, avec de tels représentants « on n’a pas le cul sorti des ronces » !

Pour ma part je ne peux que faire un constat d’échec majeur dont on ne sortira pas sans « du sang et des larmes », ni sans une remise en cause majeure de cette politique de la ville totalement bidon dont nous ont gargarisés tous les politiciens à tour de rôle !

 

en photo : la colonie pénitentiaire de Saint Hilaire ... entre bagne et maison de correction ?

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