Il a beau être le frère de Mohamed et Abdelkader Merah, il est aussi leur antithèse. Engagé contre l'islam radical, il est cité comme témoin dans le procès de l'affaire Merah.

Abdelghani Merah, frère de Mohamed et Abdelkader Merah
Abdelghani Merah, frère de Mohamed et Abdelkader Merah © Radio France

Comment appréhendez-vous le procès qui s'ouvre ce lundi ?

Je l'appréhende presque normalement, mais j'ai quand même une boule au ventre. J'ai pas le choix, il va falloir que j'y aille. Ça fait cinq ans que je l'attends, ce procès, pour que la justice soit faite, que la famille Merah dise la vérité une bonne fois pour toutes.

J'ai pas peur de témoigner face à Abdelkader [le frère de Mohamed et Abdelghani, et l'un des deux coaccusés du procès, NDLR] mais le fait de passer devant un tribunal, aux assises, c'est impressionnant et ça fait peur... Mais de toute façon la justice, ça m'a toujours fait peur.

Vous allez vous-même témoigner lors de ce procès, est-ce que vous avez réfléchi à ce que vous allez dire ?

Je répondrai aux questions des juges et des avocats. J'appréhenderai pas à pas et au fur et à mesure. Mais je n'ai pas besoin de me préparer, parce que j'ai dit ce qu'il fallait dire et je resterai toujours sur la même position.

Moi le message que je veux porter, c'est de dire qu'aujourd'hui, on est plus en danger. Que cet islam sectaire, cet islam politique, veut la mort de la France, la mort de la laïcité et du vivre ensemble. Surtout, j'ai envie de dire à cette cour d'assises que l'injustice est un pas vers le djihadisme, vers cette doctrine. Surtout l'injustice raciale : à Nice, je l'ai vécue, j'ai vécu les insultes, la violence. Si j'ai entamé ma marche, c'est parce que je suis presque tombé dans cette haine de l'autre, de l'être humain, parce que j'ai vécu l'injustice. J'ai pas voulu tomber dans ce piège.

Quel a été le rôle de son frère Abdelkader Merah, jugé à partir d'aujourd'hui ?

Dans la famille Merah, il y avait un terreau fertile à la haine. Nos parents ont essayé de nous éduquer à travers le traumatisme post-colonial entre la France et l'Algérie, la haine du juif, par rapport aux idées du complotisme ou au conflit israélo-palestinien... Mohamed Merah, il a baigné dans tout ça. Il était une bombe et les salafistes ont été le détonateur.

Le parcours de Mohamed Merah a été assez chaotique. Il a complètement abandonné l'école. Il était abandonné aussi de ses parents, il était livré à lui-même. Il a subi des violences d'Abdelkader Merah, c'était son souffre-douleur.

Mohamed Merah a été instrumentalisé par tout un groupe, en particulier Olivier Corel, "l'Émir Blanc", Sabri Essid, Abdelkader Merah... Ils l'ont travaillé, pas à pas, petit à petit ils lui ont bouffé son cerveau, il ne pensait plus par lui-même. Ils ont envoyé Mohamed Merah faire ce qu'ils n'avaient pas envie de faire, car ils savent qu'à partir du moment où l'on tue au nom de cette doctrine, le bout du chemin c'est la mort. Il a été téléguidé, tel une marionnette.

L'attaque contre l'école Ozar Hatorah à Toulouse, c'est quelque chose que vous n'arrivez toujours pas à comprendre aujourd'hui ?

J'ai envie de préciser que Mohamed Merah aimait énormément les enfants, c'était un enfant lui-même. La mort des enfants, c'est un truc qui m'a détruit. Je me mets à la place des parents, c'est horrible. Je n'arrive pas à imaginer qu'il ait pu faire ça, c'est ce qui me fait dire qu'ils lui ont lavé le cerveau pour qu'il puisse le faire. Il a touché l'intouchable.

Quand ma mère, ma génitrice, dit que c'est la police qui a tué son fils, je veux lui dire : non maman, la police l'a neutralisé. C'était un chien enragé, ils ont rendu service à la société. Si aujourd'hui ton fils est mort, c'est la faute d'Olivier Corel, de Fabien Clain, de Sabri Essid, de Souad Merah et d'Abdelkader Merah. Il a été élevé dans la haine de l'autre, la haine du juif, la haine de la France.

Comment vous sentez-vous par rapport aux familles des victimes de Mohamed Merah ?

Il a sali l'islam, il a donné une sale image de l'islam. Il a aussi réveillé une guerre en France, il a réveillé la folie de certaines personnes. Tristement, je me rends compte de plus en plus que dans certains quartiers dits populaires, Ben Laden passe aux oubliettes, il est remplacé par Mohamed Merah. À ces jeunes, je leur rappelle que Mohamed Merah a tué des enfants, qu'il a assassiné des militaires... Je leur rappelle que la dernière fois qu'on a tué des enfants juifs sur le sol français, c'était pendant l'époque des nazis.

J'ai presque vu en direct la mort de Mohamed Merah, c'est un jour que je n'oublierai jamais. J'ai beaucoup de peine pour les familles, ils auront toujours mon respect. Ils peuvent me déjuger, voire m'insulter, je serai humble face à eux. Leur présenter des excuses, je ne peux pas : ce qu'a fait Mohamed Merah, c'est inexcusable.