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19 janvier 2018

Retour sur l’étrange et persistante désinformation autour de « l’affaire » Julian Assange (le Fake News dans toute sa splendeur)

On ne le répétera jamais assez : pratiquement tout ce que les grands médias répètent à l’envi autour de « l’affaire » Julian Assange est incorrect. Et on a beau l’expliquer aux journalistes - lorsque l’occasion se présente - et ils ont beau hocher de la tête, rien n’y fait : ils persistent et signent, mus par une sorte d’incapacité à accepter le moindre écart d’une narrative pré-établie et apparemment immuable, même lorsqu’elle se révèle fausse. Il suffit pourtant d’un minimum de recherches, pas beaucoup, pour s’en convaincre...

Questions : sont-ils trop lâches pour s’écarter du troupeau de faussaires ? Ce qui signifierait que leur conformisme est plus fort que leur attachement à la vérité (ce qui n’est pas pour nous rassurer, pour cette affaire comme pour d’autres). Ou sont-ils trop conditionnés pour réellement comprendre, et ne hochent de la tête que par politesse (ce qui n’est pas pour nous rassurer, pour cette affaire comme pour d’autres) ?

Alors voici quelques éléments qui étonneront le lecteur non-averti :

  • Non, Julian Assange n’a jamais été accusé de viol.
  • Non, Assange n’a jamais tenté « d’échapper à la justice suédoise ».
  • Non, Julian Assange n’a violé aucune loi (d’une juridiction dont il dépendait).
  • Et, en réponse aux nombreux trolls sur Internet : Julian Assange est Australien, pas « Américain », et ne peut donc être qualifié de « traître » (en admettant très à contre-coeur que ses actions auraient pu être qualifiées de trahison si elles avaient été commises par un citoyen des Etats-Unis)

Retour sur cette affaire, en quelques étapes (et pardon aux lecteurs pour les raccourcis et approximations) :

Etape 1 : Julian Assange se trouve en Suède. Pendant son séjour, il a des rapports intimes avec deux femmes (deux amies, qui l’hébergent à tour de rôle). Pendant un rapport, un préservatif se déchire. La femme s’inquiète d’une éventuelle transmission et demande un dépistage. Julian Assange est lent à la détente. Les deux femmes se rendent à un poste de police pour obliger Assange à se soumettre à un test. La police invoque des « violences sexuelles », terme employé en Suède pour désigner des rapports sexuels non protégés et traduit de façon hasardeuse par « viol » - alors que les deux femmes récusent elles-mêmes le terme et ne déposent aucune plainte en ce sens. La procureure Eva Finne clos le dossier en concluant qu’il n’y a « aucun soupçon de délit ».

Etape 2 : L’affaire close, Julian Assange quitte la Suède (après deux mois de séjour imprévu et avec l’autorisation des autorités suédoises) pour se rendre en Grande-Bretagne.

Etape 3 : Deux jours après le début de la publication par Wikileaks des Cablegates (documents fournis par Chelsea Manning), une autre procureure suédoise, Marianne Ny, rouvre le dossier et lance une « alerte rouge » Interpol (alerte de plus haut niveau, réservée en principe aux grands criminels et terroristes) contre Julian Assange, alors qu’aucune accusation n’est portée contre lui. La procureure Ny expliquera qu’elle veut « interroger » Assange sur l’affaire pré-citée.

Etape 4 : En réponse à l’étrange « alerte rouge », la Grande-Bretagne ordonne l’arrestation de Julian Assange. Julian Assange conteste la validité de son arrestation alors qu’aucune accusation n’est portée contre lui, mais se rend quand même à la police britannique. Il est enfermé en isolement – autre traitement inhabituel - pendant une dizaine de jours (**). Ses avocats obtiennent sa libération et son placement en résidence surveillée.

Ensuite, deux événements cruciaux se produisent :

  • Wikileaks apprend que les Etats-Unis ont préparé (en secret) un Grand-Jury pour examiner l’inculpation de Julian Assange (on ne saura pas sur quelles bases puisque J. Assange n’a violé aucune loi sous juridiction états-unienne)
  • Les avocats de Wikileaks découvrent qu’il existe un accord d’extradition entre la Suède et les Etats qui permet d’extrader des personnes qui n’ont commis ou ne sont accusés d’aucun crime, comme simples « témoins ».

On comprend assez facilement qu’une extradition de Julian Assange vers les Etats-Unis comme simple témoin ne se soldera pas par son retour au foyer, après son « témoignage » devant un grand-jury US, mais plus probablement par un aller-simple pour la base de Guantanamo.

Pour se rendre en Suède, Julian Assange demande l’assurance des autorités suédoises qu’il ne sera pas extradé vers les Etas-Unis (seule condition posée par Assange pour se rendre en Suède et « répondre à des questions »). L’assurance lui est refusée.

Julian Assange propose d’être interrogé sur place, ou via une communication (Skype ou autre) – deux pratiques habituelles dans ce genre d’affaire de « non-plainte », et déjà effectuées par des procureurs suédois dans d’autres affaires - la procureure Ny refuse et s’obstine à exiger la présence physique de Julian Assange sur le sol suédois.

Etape 5 : Julian Assange, craignant une extradition vers la Suède, avant une extradition finale vers les Etats-Unis, échappe aux surveillances et se réfugie à l’ambassade d’Equateur qui lui accorde l’asile politique.

Probablement devant le ridicule de la situation, la procureure Ny accepte finalement, après plusieurs années de refus, d’« interroger » Assange à l’ambassade. La « nouvelle affaire » sera finalement close par la justice suédoise (apparemment plus par inertie de la procédure que par une décision claire de la procureure elle-même). Toujours est-il qu’il n’y a plus d’affaire en Suède (en admettant qu’il y en ait eue...), et que « l’alerte rouge » d’Interpol n’est plus d’actualité.

Alors, tout est bien qui finit bien ? Pas vraiment. Les autorités britanniques, qui ont dépensé £10000 (*) par jour en surveillance de l’ambassade (et qui ont même tenté une intrusion dans les locaux – du jamais vu) maintiennent que Assange a violé les conditions de sa libération sous caution, lorsqu’il se trouvait en résidence surveillée. Assange risque donc quelques mois de prison pour avoir violé les conditions d’une résidence surveillée pour une « affaire » qui n’en a jamais été une. On pourrait penser qu’Assange aurait à présent intérêt à accomplir ces quelques mois, avant de retrouver sa liberté définitive. Mais voilà : les autorités britanniques refusent, à leur tour, de garantir sa « non-extradition » vers les Etats-Unis.

Aux dernières nouvelles : l’Equateur vient d’accorder la citoyenneté à Julian Assange et le statut de diplomate, ce qui lui assurerait une immunité. Mais les autorités britanniques ont déjà refusé de lui reconnaître ce statut.

En conclusion

Alors que la « grande presse » s’est empiffrée un temps avec les révélations de Wikileaks (ah, ce petit frisson lorsqu’on joue dans la cour des grands), il ne lui aura fallu que peu de temps pour retourner les vestes et adopter une ligne plus conciliante à l’égard de la politique de Washington. Faut-il s’en étonner ? Tentant depuis de redorer un blason sérieusement terni, cette presse nous aura servi quelques « enquêtes » annoncées avec fracas. D’abord, les « Panama Papers » , où leur dextérité s’est résumée à l’examen d’une clé USB déposée anonymement. Ensuite, les « Paradise Papers » où, de leur propre aveu, certes, mais discret quand même, ils n’ont fait qu’examiner des transactions « légales ». Question prise de risques, on a vu pire. Wikileaks, par exemple.

L’organisation a connu des trahisons, des lâchages, les unes après les autres, de la part des « grandes plumes » de la « grande presse ». La dernière en date est celle de l’organisation spécialement créée pour lui assurer un certain financement par des dons anonymes (la désormais mal-nommée Freedom of the Press Foundation). Des alternatives existent : https://shop.wikileaks.org/donate et https://www.iamwikileaks.org/donate/

En écrivant ces lignes, j’apprends la mort (par « suicide ») de James Dolan, 36 ans, créateur du site de dépôts et communications anonymes « SecureDrop » (https://securedrop.org/) destiné aux lanceurs d’alerte et inspiré par Wikileaks. Après celle du co-créateur du même site, Aaron Swartz, « suicidé » en 2013 à l’age de 26 ans.

La Vérité, comme la Démocratie, ne nous sera pas offerte en cadeau. Non, la Vérité, comme la Démocratie, il va falloir la leur arracher. Et quelque chose me dit qu’ils n’ont pas l’intention de se laisser faire.

Viktor Dedaj
qui n’a apparemment rien de mieux à faire un dimanche après-midi.

(*) Selon les sources, il s’agirait plutôt entre £6000/j et £10000/j (et non de £60000 comme indiqué précédemment). Les sommes varient probablement selon le niveau de surveillance. En tous cas, ça fait beaucoup depuis Juin 2012.

(**) Et non plusieurs mois comme indiqué précédemment (merci aux lecteurs attentifs) : http://www.independent.co.uk/news/uk/home-news/julian-assange-arrest-l...

Mise à jour du 15/1/2018 : J’ai lu quelque part que l’article "manquait de sources". C’est vrai. C’est toujours compliqué d’apporter la preuve de l’absence. Cela dit, c’est généralement à l’accusation d’apporter les preuves. Quelque chose me dit que ceux qui font cette remarque n’ont jamais demandé leurs "sources" aux grands médias et que s’ils l’avaient fait, ils auraient été bien surpris.

URL de cet article 32830
https://www.legrandsoir.info/retour-sur-l-etrange-et-persistante-desinformation-autour-de-l-affaire-julian-assange-le-fake-news-dans-toute-sa-splendeur.html
  
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