Mardi et mercredi, les deux premiers jours de la grève perlée contre le projet de réforme de la SNCF, qui pourrait courir jusqu’à la fin du mois de juin, ont donné une idée de la détermination des syndicats à s’opposer aux ambitions du gouvernement. Le mouvement a été très suivi (33,9% des salariés mardi, 29,7% mercredi) et les perturbations, comme prévu, ont été fortes.
Dans ce contexte, une question majeure revient en toile de fond : celle de la dette abyssale de l’entreprise, qui se chiffre en dizaines de milliards d’euros. Ce jeudi après-midi, le gouvernement et les syndicats doivent évoquer le sujet lors d’une table ronde. Décryptage des enjeux.
Le montant précis de la dette de la SNCF est difficile à déterminer, celle-ci évoluant en permanence. Mais selon les derniers chiffres, les deux branches de l’entreprise auraient accumulé un passif de 55 milliards d’euros. Le gestionnaire des infrastructures ferroviaires françaises, autrefois connu sous le nom de RFF et rebaptisé SNCF Réseau en 2015, aurait accumulé l’essentiel de cette dette, soit 47 milliards d’euros.
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À cette somme, il convient d’ajouter les huit milliards d’endettement de SNCF Mobilités, entité du groupe public chargée de la circulation des trains. De plus, la charge de la dette, c’est-à-dire son remboursement et les intérêts annuels, avoisine un milliard d’euros par an.
D’où vient cette dette ?
Cette dette abyssale se creuse en raison de trois postes majeurs de dépenses, assure France 2. Selon la chaîne publique, environ un quart de cette somme est englouti dans le maintien de petites lignes pas assez fréquentées, donc pas assez rentables. 25% de cette somme viennent ensuite du manque de productivité de la société. Enfin, la moitié de cette dette serait générée par le développement du TGV. Sous pression de l’État, plusieurs lignes à grande vitesse ont été construites, souvent pour des coûts très élevés (7,8 milliards d’euros pour Tours-Bordeaux).
Pourquoi l’État veut-il réformer rapidement ?
L’ouverture à la concurrence du secteur ferroviaire, et la fin annoncée du monopole de la SNCF, approche à grand pas. Dès décembre 2019, le trafic des trains régionaux (TER, Intercités, Teoz, Corail) pourra être mis en concurrence par les régions qui le souhaitent, rappelle Le Monde. Puis, en décembre 2021, ce sera au tour des TGV. Cette perspective explique l’urgence, aux yeux du gouvernement, de réformer l’entreprise afin de la rendre concurrentielle, mais aussi d’assainir ses finances.
L’État va-t-il reprendre la dette ?
Dans le rapport Spinetta, qui sert de base au projet de réforme actuellement conduit par le gouvernement, la prise en charge de la dette n’a pas été évoquée. Un "flou" critiqué par l’opposition. Interrogée mardi par BFMTV, la ministre des Transports Élisabeth Borne s’est contenté de déclarer que "l’État prendra sa part sur cette dette (…) dans le quinquennat".
Ce jeudi, Édouard Philippe a enfoncé le clou, se disant "ouvert" à une reprise d’une partie de cette dette mais en conditionnant cette hypothèse à une "contrepartie" prenant la forme "d’engagements extrêmement clairs, extrêmement fermes, et qui transforment le fonctionnement opérationnel de l’entreprise". En substance, l’État ne mettra la main au portefeuille que s’il obtient des concessions, notamment en ce qui concerne la suppression du régime spécial des cheminots pour les futurs embauchés.
Selon plusieurs sources, l’une des pistes envisagées serait que l’État reprenne entre 30 et 35 milliards de la dette de l’opérateur ferroviaire. Une décision qui ne serait pas sans conséquence car elle alourdirait la dette de la France, qui atteint déjà 97% du PIB. Pour éviter cela, Europe 1 croit savoir que l’État envisage une "manipulation comptable" : il s’agirait, dans un premier temps, de transférer une partie de la dette dans une structure indépendante de SNCF Réseau mais gérée par l’entreprise. Puis l’État prendrait cette somme à son compte dans un second temps, avant la fin du quinquennat.
Comment ont fait nos voisins européens ?
En France comme dans la plupart des pays européens, le secteur ferroviaire, qui rend un service d’utilité publique, bénéficie de subventions conséquentes. Selon Libération, la SNCF reçoit chaque année 13 milliards d’euros d’argent public. Le reste du financement est assuré par les voyageurs à travers leurs achats de billets et de cartes d’abonnement.
La France, évidemment, n’est pas le seul pays où le réseau ferroviaire n’est pas rentable. Ainsi, France 2 souligne qu’à l’échelle européenne, les subventions au rail atteignent "en moyenne 40% du coût total". La dette française n’est d’ailleurs pas très éloignée de celle observée en Grande-Bretagne (50 milliards d’euros). En Allemagne, lors de la réforme du rail, il y a déjà 25 ans, le gouvernement avait pris à son compte une partie de la dette de la Deutsch Bahn, soit 35 milliards. Un exemple que les syndicats de la SNCF aimeraient voir suivi par le gouvernement français.
Lien : http://www.sudouest.fr/2018/04/05/cinq-choses-a-savoir-sur-la-dette-de-la-sncf-4346046-5458.php?utm_source=newsletter&utm_medium=email&utm_campaign=MaNewsletter&utm_term=20180406