Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 950
Newsletter
29 avril 2018

Plan BORLOO «Le plan banlieue, c'est déshabiller la France périphérique pour habiller celle qui vit de l'autre côté du périph'»

Par  Alexandre Devecchio Publié le 27/04/2018 à 18:37
sur le Figaro

FIGAROVOX/ENTRETIEN - Guillaume Bigot regrette que le plan Borloo, faute de diagnostiquer le problème culturel et sécuritaire que posent les banlieues, ne consiste selon lui qu'à «aligner des milliards». Au détriment de la France rurale, moins bruyante mais tout aussi souffrante.

 


Membre des Orwelliens, chroniqueur sur France Libre TV et sur BFMbusiness, Guillaume Bigot est essayiste. Il a notamment coécrit avec Stéphane Berthomet Le Jour où la France Tremblera. Terrorisme islamique: les vrais risques pour l'Heaxgone (Ramsay, 2006).


Le plan Borloo a-t-il vraiment tout faux?

Cet inventaire à la Prévert qui reflète la bonne volonté, le volontarisme mais aussi l'imagination brouillonne de son auteur est une énumération de contre-sens à la mode: aider les femmes (alors que ce sont les jeunes adultes masculins qui échouent et versent parfois dans la délinquance), investir dans le numérique (alors que les banlieues sont bien reliées aux réseaux haut débit, contrairement au reste du territoire), encourager les grands-frères (alors qu'ils sont soit impuissants, soit complices d'une minorité agissante), encourager les banlieusards à aller vers l'autre… D'abord le pays, dans toutes ses composantes, y compris nos concitoyens qui habitent dans les fameux quartiers, ne supporte plus que l'on opère des différences et que l'on exalte la diversité. L'époque n'est plus à Touche pas à mon pote, elle serait plutôt à Touche pas à mon peuple! Ce dont ont envie les habitants des cités, c'est de sentir qu'ils font partie intégrante de la nation et non pas, une fois de plus, d'être pointés du doigt, même si c'est pour reconnaître leurs difficultés. Il faut mentionner aussi d'ailleurs ce gadget délirant mais hautement révélateur qu'est cette «académie des leaders». Pourquoi créer une grande école réservée aux banlieusards, alors qu'il faudrait aider les jeunes issus de tous les milieux défavorisés à intégrer les grandes écoles de la République? N'est-ce pas le meilleur moyen de tomber dans la stigmatisation que l'on dénonce par ailleurs?

Bref, ce n'est pas en versant 48 milliards de plus dans le tonneau des danaïdes des cités que l'on va résoudre le malaise bien réel de ces territoires.

En fait, Borloo commence par rappeler que Borloo a échoué mais qu'il serait scandaleux de ne pas continuer à faire du Borloo.

Le plan d'urgence pour les banlieues proposé par le maire de Valenciennes serait donc intégralement à jeter aux orties?

De quel plan banlieue voulez-vous parler? Du dernier, ou des innombrables qui se sont succédé depuis les années 80 et dont l'un d'eux portait déjà la signature de Jean-Louis Borloo? Pour expliquer que cette politique dite de la ville a échoué, on souligne que des dizaines de milliards ont déjà été dépensés depuis quarante ans. Erreur de calcul. Si l'on fait l'addition des sommes déversés dans les diverses politiques de rénovation urbaine ciblant les banlieues, on avoisine les cent milliards. Or le rapport Borloo lui-même commence par dresser un bilan des plus sévères concernant les effets de telles mesures: pauvreté, chômage de masse, échec scolaire, insécurité et communautarisme. En fait, Borloo commence par rappeler que Borloo a échoué mais qu'il serait scandaleux de ne pas continuer à faire du Borloo: on rêve!

Alors que les politiques de tout bord se piquent de vouloir contrôler l'efficacité des dépenses publiques, ces aides pourtant si onéreuses à destination des quartiers sensibles, personne n'a jusqu'ici songé à mesurer leur performance. Sans doute car l'inefficacité de telles politiques se vérifie à l'œil nu.

Les plans d'aide aux banlieues n'auraient donc eu aucun effet?

Il est toujours utile de développer et d'entretenir les infrastructures publiques, de maintenir et de moderniser les services publics et d'investir dans l'éducation par exemple mais ce n'est pas cet effort louable qui cassera les ghettos. De plus, et c'est là où le bât blesse avec le plan Borloo, ce n'est pas dans les banlieues que ces investissements sont le plus indispensables.

De l'aveu même de l'ancien ministre de la ville, 6 millions de Français sont visés, donc moins de 10 % de la population. Il y a mille et une zones en France dans lesquelles l'exclusion objective mais aussi l'assignation territoriale à résidence sont bien plus fortes qu'en banlieue (mesurée par une moindre mobilité sociale, une plus forte autocensure, un plus fort taux de chômage et une moins bonne couverture réseau, numérique ou de transport). Ce sont ces zones qui forment le véritable angle mort des politiques publiques. Or, elles ne pèsent pas 10 % mais 60 % de la population! Le plan d'aide spécifique à la France périphérique que le gouvernement projette d'actionner injectera un peu plus d'un milliard dans 222 centres-villes en voie de paupérisation. Un milliard pour 60 % des Français contre dix milliards pour 10 %, la comparaison est cruelle.

Mais alors, qui veut-on aider en injectant 48 milliards d'euros en 5 ans dans les quartiers sensibles?

D'abord les familles qui bénéficient du regroupement familial (100 000 / an) et les clandestins (de 100 000 à 350 000 / an d'après le Ministère de l'Intérieur) qui remplacent les banlieusards d'hier dans les cités-dortoirs. Bien sûr, il existe une fierté légitime à venir de ces quartiers populaires, mais cessons d'être tartuffe: j'y ai moi-même grandi et j'aime les cités mais je n'ai aucune envie d'y élever mes enfants. Or, comme l'a impeccablement démontré le géographe Jean-Christophe Guilly dans ses travaux, les banlieues ne sont pas des ghettos mais des sas, des points de passage. Les émeutiers des années 80 ont plus de soixante ans aujourd'hui et la majeure partie d'entre eux n'habite plus dans les «quartiers».

Les émeutiers des années 80 ont plus de soixante ans aujourd'hui et la majeure partie d'entre eux n'habite plus dans les « quartiers ».

Le plan Borloo est d'abord une aide aux primo-arrivants mais aussi, et c'est là le plus grave, cette aide est envisagée parce que ma «cité va craquer» comme dirait l'autre. À l'insécurité qui règne dans les zones dites sensibles et dont on ne rappellera jamais assez qu'elle vise d'abord ses propres habitants, s'ajoutent épisodiquement des émeutes. Tout cela fait désordre, alors on injecte quelques dizaines de milliards pour éteindre l'incendie.

Si l'on vous suit, le plan Borloo viendrait donc récompenser la délinquance qui sévit dans les quartiers sensibles?

En tout cas, alors que ce gouvernement est favorable une politique macro-économique restrictive, qu'il n'y a plus d'argent pour la police ou pour les hôpitaux, que l'on ferme les bureaux de poste et les lignes de train, on trouve 48 milliards pour les banlieues, quelle justice sociale!

Ironie de l'histoire et de l'étymologie, la banlieue est justement le lieu du ban, l'endroit où le seigneur moyenâgeux rendait la justice. Mais les temps ont bien changé depuis l'époque où Saint-Denis formait le barycentre symbolique et spirituel du pouvoir français.

Le problème de la banlieue est double et n'est pas d'abord économique ou social. Le plan Borloo passe totalement à côté des racines du mal. Le premier problème, et de loin le plus grave, est la criminalité qui gangrène ces territoires. Celle-ci est structurée autour du trafic de drogue qui fait vivre, au-delà des dealers, les familles et le voisinage, en soutenant l'économie locale. Ce business est certes entre les mains d'une minorité de caïds mais il a pris une ampleur énorme. On n'en finira pas avec le malaise des banlieues sans démanteler cette économie parallèle. Et ceux qui espèrent que le périph' nous protégera de cette insécurité galopante en seront pour leurs frais. Le second problème découle du premier, c'est la mentalité sécessionniste qui sévit chez certains jeunes hommes (des jeunes adultes mais aussi des adolescents et des enfants). Cette mentalité n'est, fort heureusement, nullement partagée par la grande majorité des habitants des banlieues qui subissent de plein fouet l'incivilité, l'insécurité au quotidien.

En quoi consiste cette mentalité sécessionniste qui anime certains jeunes qui campent aux pieds des barres d'immeuble?

Cette mentalité, je la connais bien. C'est un cocktail très dangereux voire explosif composé de trois ingrédients: un tiers de mentalité «Scarface», un tiers de revendication islamiste (type Tariq Ramadan au mieux et Daech au pire) et un tiers de ressentiment «indigéniste» pour reprendre le très paradoxal label dont les militants du racisme anti-blanc se sont affublés. Le côté Scarface, no limit et «tout, tout de suite» est la version gangstérisée de l'idéal du capitaliste néo-soixante-huitard décomplexé: jouir sans entrave avec du fric, des grosses cylindrées et des «putes». Et ceux qui se mettent en travers de ma route, je les bute. . Enfin, au nom des crimes commis par la France coloniale, les enfants et petits-enfants de l'empire détiendraient une créance à faire valoir contre les descendants des esclavagistes et des colonisateurs. La richesse de la métropole aurait été accumulée sur le dos des dominés. En parlant d'apartheid, Borloo joue avec le feu car il accrédite cette thèse mensongère et inique suivant laquelle les banlieues seraient peuplées de victimes détestées et rejetées par le reste de la population. C'est pourtant l'inverse que l'on observe au sein d'une minorité radicale qui ne veut pas faire peuple avec les Français.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité