Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 945
Newsletter
7 mai 2018

Vers la conclusion de la transition de phase ?

 

J’évoque le changement de paradigme géopolitique depuis un certain temps déjà. Les événements de ce début d’année marquent une étape décisive quant à l’issue que pourrait revêtir cette transition de phase.

 

Les éléments de l’hégémonie américaine

Succinctement, l’hégémonie américaine sur le monde occidental jusqu’à l’effondrement de l’Union soviétique, puis sur le monde entier depuis, repose sur les trois piliers de la stratégie intégrale : le pilier économique, le pilier militaire et le pilier culturel.

L’hégémonie économique et financière américaine est issue des accords de Bretton Woods organisant le système monétaire mondial autour du dollar, puis de la décision de Richard Nixon, le 15 août 1971, de ne plus assurer la convertibilité du dollar en or. Depuis cette date, les États-Unis fabriquent de la fausse monnaie et achètent ce qu’ils veulent avec, à travers un système de libre échange qu’ils tentent d’imposer au monde, et un réseau de traîtres qui font passer les intérêts américains avant ceux de leur patrie. Cet avantage économique hallucinant sur le reste du monde n’a pu se réaliser concrètement que parce qu’il s’appuyait sur la supériorité militaire américaine, réelle ou ressentie, et sa capacité de rétorsion. Un système maffieux en somme.

Quant à la supériorité militaire américaine, elle s’est érigée sur les fondations d’une supériorité technologique, réelle jusque dans les années 1980, fantasmée depuis les années 2000. Du reste, en passant de la réalité au fantasme, la notion de supériorité est devenue suprématie dans le vocabulaire des apôtres de ce système ; Orwell, quand tu nous tient.

Enfin, grâce à la main-mise des États-Unis sur l’économie mondiale, les produits culturels issus de l’économie américaine se sont répandus sur la planète. Il ne s’agit pas d’une supériorité culturelle à proprement dit mais du volet culturel d’une supériorité économique, ainsi que je l’explique dans certaines conférences.

Colonne vertébrale de tout l’édifice, l’idée d’une supériorité militaire américaine sur le reste du monde vient de s’effondrer sous nos yeux en quelques semaines. Le reste va suivre.

 

Rappels théoriques sur la supériorité militaire

Dans mon essai L’art de la guerre aérienne, je démontre logiquement la séquence suivante :

  • la supériorité aérienne est un préalable aux opérations de surface, sur terre ou sur mer ;

  • la supériorité aérienne ne se partage pas ;

  • la supériorité dans le domaine de l’information, en particulier dans celui de la guerre électronique, est un préalable à la supériorité aérienne.

L’idée centrale de mon raisonnement est assez simple :

  • Certains territoires en deux dimensions posent des contraintes à la manœuvre de surface : passage de la mer à la terre, franchissement d’un cours d’eau, escalade d’une montagne, traversée d’un désert, etc. Le fait d’utiliser la troisième dimension, l’air, supprime les contraintes de ces territoires de surface, puisque l’on passe par-dessus, et permet une manœuvre élargie.

  • Certains territoires en trois dimensions posent des contraintes à la manœuvre aérienne : volume de détection des radars adverses, volume de combat des chasseurs adverses, volume d’engagement des missiles antiaériens adverses, etc. Le fait d’utiliser la quatrième dimension, le temps – et la guerre de l’information qui est la guerre de la quatrième dimension – supprime les contraintes de ces territoires. Brouiller les radars d’un système antiaérien le rend aveugle et supprime le volume d’engagement de ses missiles.

Ainsi, qui maîtrise le spectre électromagnétique maîtrise le champ de bataille, et cette maîtrise ne se partage pas. Elle est totale. Elle est domination.

 

La fin d’un fantasme

En avril 2014, quand deux SU-24 ont survolé l’USS Donald Cook en mer noire, sans être détectés par lui, j’ai compris que l’armée russe était désormais supérieure à l’armée américaine. De la pure logique. Le déploiement furtif et soudain des forces aérospatiales russes en Syrie, puis l’opération qui s’en est suivie, n’ont fait que confirmer mon opinion. Malgré cela, le discours officiel émanant de Washington et des médias occidentaux dominants continuait de véhiculer le fantasme d’une supériorité écrasante de la puissance militaire américaine sur toutes les autres.

Puis vint le discours du 1er mars 2018 de Vladimir Poutine. Dans un premier temps, la révélation des nouveaux systèmes d’armes russes par Poutine fut considérée comme du bluff. Puis vint le baroud d’honneur de l’empire le 13 avril 2018, sous la forme d’une salve de missiles contre la Syrie, et les postures de circonstance qui suivirent : C’est une réussite complète… avant que les Russes ne donnent leurs propres analyses et que le langues se délient : missiles qui n’auraient pas fonctionné, pourquoi ? Brouillage électromagnétique ? Prise de contrôle par virus informatique ?

Puis d’autres informations se mettent à faire surface. Cette fois, c’est le général Thomas, qui assure le commandement des opérations spéciales des forces armées américaines, qui s’exprime, dans le cadre du symposium GEOINT 2018. il admet l’infériorité écrasante des États-Unis face à la Russie dans le domaine de la guerre électronique. Un article de dedefensa.org détaille tout cela. En fait, la situation décrite dans cet article est bien pire pour les États-Unis que ce que j’imaginais. Depuis trente ans, le Pentagone a tout simplement abandonné les recherches et développements en matière de GE offensive, pensant que la technologie de la furtivité allait tout résoudre. Et aujourd’hui, ils ont tout simplement accumulé trente ans de retard sur les Russes en matière de GE offensive. C’est irrattrapable à court et moyen terme.

Il semblerait donc que le Pentagone prenne acte du basculement en cours. Un indice va dans ce sens : c’est encore le site dedefensa.org qui donne l’information, celle-ci émanant du site SouthFront.org. Ce dernier suit l’évolution de la localisation des gros porte-avions d’attaque US en utilisant les informations disponibles en source ouverte. Sur dix groupes aéronavals en mesure d’être projetés, deux sont à la mer, dont un qui fait du cabotage près des côtes américaines. l’autre a franchi le détroit de Gibraltar, en route vers la Syrie, avec plus de deux semaines de retard. Le pacha a certainement emprunté des routes maritimes buissonnières. Aucune présence navale US musclée en océan Indien, dans le Pacifique, près de la mer de Chine ni ailleurs. Cela va avoir d’énormes conséquences sur le positionnement politique des pays d’Asie du sud-est, en particulier l’Indonésie, les Philippines… et Taïwan.

Ce serait la fin des lignes rouges, des « Nous n’admettons pas la politique de ce pays souverain. », des « Ce chef d’État doit s’en aller. », etc. La fin de l’ingérence tous azimuts.

Il semblerait donc, alors que d’aucuns redoutaient une troisième guerre mondiale, possiblement nucléaire, que l’on s’oriente vers une sortie de transition de phase en douceur. En tous cas, les probabilités penchent de plus en plus dans ce sens.

Si, à Washington, on a pris conscience, dans les actes, de la fin de la supériorité militaire américaine, alors le reste devrait suivre, en particulier la nature des relations US-Chine et Russie dans le domaine économique et financier.

 

La transition économique et monétaire

En fait, nombre d’éléments de la transition économique et financière sont déjà en place. Le lent travail de préparation, qui a consisté pour la Chine à mettre les atouts de son côté, de façon à pouvoir porter l’estocade le moment venu, a débuté en novembre 2008, après la chute de Lehman Brothers.

Aujourd’hui, nous pouvons en dresser un tableau, même incomplet :

  • La Chine a créé, en janvier 2016, la Banque Asiatique d’Investissement dans les Infrastructures (BAII), dans le but de concurrencer le FMI et la Banque Mondiale et de financer les nouvelles routes de la Soie chinoises.

  • D’ici peu, les monnaies russe et chinoise seront toutes les deux convertibles en or. D’après cet article, les discussions avancent sur l’établissement d’un étalon-or commun aux deux pays. La banque centrale russe a ouvert son premier bureau à l’étranger à Pékin le 14 mars, à un moment où la Russie va pour la première fois de son histoire lancer un emprunt en yuans chinois. Fin mars, le dragon renvoyait la pareille en ouvrant une banque de compensation à Moscou afin gérer les transactions en yuans et de créer en Russie un pool de liquidités en RMB facilitant le commerce bilatéral en monnaies nationales. Ce centre pourrait devenir un important hub financier dans le cadre de l’Union Économique Eurasienne et les nouvelles routes de la Soie chinoises.

  • La Chine et la Russie se débarrassent progressivement mais régulièrement de leurs bonds du Trésor américain.

  • L’intégration de l’Eurasie suit son cours. L’Union économique eurasienne dirigée par la Russie déploie ses ailes et gagne en force, avec des projets clés, de grands acteurs et de grands travaux en cours selon cet article.

  • Premier importateur de pétrole au monde, la Chine est en passe d’acheter l’or noir avec sa propre devise, se passant ainsi du dollar. Ce sera la fin du pétrodollar.

En résumé, progressivement la Chine comme la Russie mettent en place toutes les structures leur permettant de fonctionner au mieux dans un monde sans dollar.

 

Changement de paradigme : Clap de fin ?

Les deux piliers de la puissance américaine, les portes-avions et le dollar, sont, l’un obsolète, l’autre moribond. Le premier ne peut plus imposer le second. Il va falloir encore un certain temps avant que cette réalité se décante, qu’elle infuse dans l’imaginaire collectif occidental, et surtout dans les cerveaux rabougris et formatés de nos journalistes-propagandistes, qu’elle soit acceptée pour ce qu’elle est. Mais, si l’on observe avec quelle rapidité le Pentagone semble s’adapter à la nouvelle donne, il n’est pas impossible que la fin de la transition de phase, amorcée il y a presque vingt ans, s’accélère.

Ainsi, nous risquons d’assister bientôt à la conclusion de cette transition de phase entre deux paradigmes géopolitiques.

Régis Chamagne

 

Lien : https://www.regischamagne.fr/vers-la-conclusion-de-la-transition-de-phase/

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité