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8 juin 2018

La diplomatie se lève à l’est - Régis CHAMAGNE

 

Quelques événements récents nous indiquent que le changement de paradigme géopolitique s’accélère. Tandis que le bloc occidental s’effondre, le centre de gravité du monde se déplace vers l’Orient, et cela se mesure à travers la façon dont les uns et les autres conçoivent les relations internationales. La diplomatie, la vraie, est désormais l’apanage des pays de l’est du continent eurasiatique. Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos : le cas de la Turquie et celui de la Corée du nord.

 

 

La trajectoire turque

Le positionnement de la Turquie sur l’échiquier géopolitique mondial semble se dessiner de façon plus précise. Après bien des décisions et des postures contradictoires du président Erdogan, après bien des atermoiements, le chemin turc pour le XXIe siècle, erratique un temps, semble s’orienter.de manière plus logique.

De façon assez synthétique, on peut dire qu’après avoir cherché à obtenir le beurre et l’argent du beurre, le président Erdogan s’est rangé progressivement à une ligne plus cohérente, sous la pression des événements.

Au début de la guerre menée par les pays occidentaux pour détruire la Syrie, Erdogan avait dû miser sur un succès de l’opération et s’était peut-être mis en tête de récupérer sa part du gâteau. C’était l’époque où certains pensaient qu’il avait le fantasme de recréer une partie de l’empire ottoman. En parallèle, en 2012, la Turquie faisait son entrée dans le troisième cercle de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS), celui des États partenaires de discussion. Pour moi, cela signifiait à l’époque le passage dans le deuxième cercle, celui des pays observateurs, deux à trois ans plus tard, et une intégration à l’OCS, en tant que pays membre, à l’horizon 2016-2017. J’avais logiquement pronostiqué une sortie de la Turquie de l’OTAN à terme.

Puis, début 2015, vint le soutien logistique de la Turquie à l’intervention saoudienne au Yémen, qui s’explique en partie par les relations particulières qu’entretenaient les deux pays depuis l’époque de l’empire ottoman. Cette posture entrait en contradiction flagrante avec la logique d’une intégration dans l’OCS. Du reste, depuis cette époque, la Turquie est restée cantonnée au troisième cercle.

Le point de basculement eut lieu finalement à la mi-2016, quand une partie de l’armée turque, que le gouvernement turc accusa d’être liée à Fethullah Gülen, avec probablement la CIA derrière, fit une tentative de coup d’État. Erdogan, qui, à ce moment-là, était dans la résidence d’été des présidents, fut exfiltré par les forces spéciales russes. Depuis cette tentative avortée, la trajectoire turque a pris une orientation qui la mène à un éloignement de la mouvance euro-atlantique.

Enfin, début 2018, la Turquie annonce qu’elle va se doter de systèmes de défense antiaérienne russes S-400. Cela signifie clairement une sortie de l’OTAN à terme. Comment en effet intégrer ces systèmes extrêmement performants, donc extrêmement stratégiques, à une chaîne de commandement sous contrôle américain ? Et que font les Américains en retour ? Des menaces, des sanctions. En particulier la menace de ne pas livrer de F-35 à la Turquie. Ce que les néocons psychopathes de Washington, pétris de la certitude religieuse de leur supériorité absolue, globale et éternelle, dans le domaine de la technologie militaire, considèrent comme une sanction, est en fait une aubaine pour l’armée turque. Elle n’aura pas à payer très cher un avion qui ne marche pas.

Du coup, des rumeurs se font jour, de plus en plus consistantes, selon lesquelles la Turquie pourrait se doter de l’avion de cinquième génération russe, qui lui, tient ses promesses, le SU-57.

En parallèle, il se pourrait désormais que l’intégration de la Turquie à l’OCS s’accélère. Elle pourrait entrer dans le deuxième cercle en 2018 et devenir membre de l’OCS en 2019. L’avenir proche nous le dira. En tout état de cause, la Turquie, qui contrôle l’accès à la mer noire, qui est située en vis-à-vis de la Russie sur son flan sud, qui possède une position stratégique évidente, a pris le chemin de la porte de sortie de l’OTAN.

 

La Corée du nord

Ma grille de lecture sur la Corée du nord et son chef d’État diffère assez sensiblement de celles que l’on lire ici et là. Du reste, je l’ai exposée dans cet article. Sachant que Kim Jong-un a passé quatre ans de scolarité en Suisse, en collège et lycée, j’y écris ceci : « Si la CIA n’a pas tenté de retourner Kim Jong-un pendant ces quatre années, alors elle n’a pas fait son travail, alors elle a failli à sa mission, et tous les correspondants stationnés en Suisse à cette époque auront dû être virés ! »

il me semble donc évident, depuis l’arrivée de Kim Jong-un au pouvoir, que la trajectoire de la Corée du nord l’amènera à normaliser ses relations diplomatiques avec les autres pays du monde. Et cela avait peut-être même été voulu par son père, Kim Jong-il, qui avait envoyé ses deux fils étudier en Suisse.

Cela aurait probablement dû se faire sous la houlette des États-Unis qui a les cartes en main pour cela. Mais finalement, ce n’est pas si simple que cela. En effet, les États-Unis disposent d’un contingent de près de 40 000 soldats en Corée du sud, et cette présence est hautement stratégique pour eux, face à la Chine. De plus, la Corée du nord est l’ennemi idéal, le parfait méchant, un chiffon rouge qu’ils peuvent agiter quand bon leur semble, en particulier pour détourner l’attention des questions intérieures. En somme, la Corée du nord est, pour les États-Unis, une variable d’ajustement de leur politique intérieure et extérieure. Ils peuvent jouer les durs, menacer, intimer, sanctionner, bref jouer de tout leur arsenal diplomatique. Il serait dommage de s’en passer.

Alors, si les États-Unis, pour des raisons de confort personnel, renoncent finalement à être le tuteur du retour de la Corée du nord dans le concert des nations, d’autres qu’eux pourraient s’en charger. l’OCS par exemple. Un article récent, dont je ne partage d’ailleurs pas toutes les analyses, paru sur le site dedefense.org, nous indique que Kim Jong-un pourrait se rendre au prochain sommet de l’OCS, organisé par la Chine à Qingdao, le 9 juin 2018. les sources, un média taïwanais, précisent qu’il y aurait une rencontre à huis-clos entre les chefs d’État coréen, russe et chinois. Si cela s’avère, cette rencontre aura précédé celle entre Kim Jong-un et Donald Trump, prévue le 12 juin à Singapour.

Dans ce cas, on aurait un bon exemple du déplacement du centre de gravité de la diplomatie dans le monde. Une belle leçon en vérité.

 

Conclusion

Les pays occidentaux, avec les États-Unis à leur tête, semblent avoir oublié ce qu’est la diplomatie, la vraie, celle qui consiste à se mettre autour d’une table, à écouter, à discuter, à faire des concessions raisonnables au regard des concessions faites par ses partenaires. Leurs relations internationales se résument à des injonctions, à des menaces, à des sanctions. Ce n’est pas de la diplomatie, c’est de la logique de guerre. À l’inverse, les pays de l’est du continent eurasiatique, avec l’OCS comme organisation politique pour outil, réaffirment que la diplomatie sera au cœur des relations internationales au XXIe siècle. L’avenir est à l’est.

Régis Chamagne

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