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31 octobre 2007

RECONQUêTE

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Ségolène Royal : Opération reconquête

Dans: Le nouvel Obs

Il y a un an, sa cote était au plus haut. Il y a six mois, elle a subi une lourde défaite. L'ex-star des sondages peut-elle être autre chose qu'un espoir déçu ? Comment imposer son leadership sur le PS et préparer sa revanche en 2012 ? Ségolène Royal s'est confiée à Matthieu Croissandeau

La foule se presse sur le trottoir. On parle on rit, on attend. Il est 22h30 devant la Casa del Popolo Vie Nuove, dans les faubourgs de Florence. Ce 18 octobre, quelque 300 militants sont venus fêter la naissance du Parti démocrate, issu du rapprochement des démocrates chrétiens de la Marguerite et des démocrates de gauche. Ses fondateurs ont convié une invitée de marque pour porter le nouveau mouvement sur les fonts baptismaux. Une portière claque, les flashes crépitent... Ségolène Royal fait son apparition. On croit rêver. C'est comme si tout recommençait. Même sourire, même «Marseillaise» qui résonne dans la salle, même drapeau bleu blanc rouge sur l'estrade, même ovation chaleureuse sur les bancs... Le temps aurait-il suspendu son vol dans le ciel de Toscane ?

Six mois après sa défaite à la présidentielle, Ségolène Royal est ailleurs, mais debout. Depuis la rentrée, elle distille ses apparitions au compte-gouttes, préférant s'offrir de grands bols d'air, hors des frontières étroites de son Poitou-Charentes et de l'ambiance mortifère de Solférino. Après le Québec et la République tchèque en septembre, l'Argentine et le Chili le week-end dernier, elle s'envolera prochainement pour le Brésil, puis Harvard, avant Londres et peut-être l'Inde. A chaque étape, elle fait salle comble. A chaque étape aussi, les mêmes effusions. Au Québec, c'est un car de touristes espagnols qui lui est tombé dans les bras, raconte-t-elle. En Italie, ce sont des jeunes femmes qui se bousculaient pour être prises en photo avec elle. A Paris, les mauvaises langues prétendent qu'elle est désormais plus populaire à l'étranger que dans l'Hexagone, oubliant au passage que, selon les derniers sondages, de nombreux électeurs de gauche comptent encore sur elle.



Il y a un an presque jour pour jour, le pays tombait sous le charme de Ségolène. La candidate fraîchement désignée par un vote massif des militants écrasait tout sur son passage : les sondages, ses rivaux du PS et même le futur président... Mais aujourd'hui que reste-t-il de la madone ? Son sourire ou son programme ? La ferveur des meetings ou les boulettes de la campagne ? La défaite ou les 17 millions de Français qui lui ont apporté leurs suffrages ? L'espoir ou l'indifférence ? Après six mois d'omniprésence médiatique, l'ex-candidate a mis la sourdine, prenant le risque de l'effacement. Les dernières tribunes qu'elle a livrées à la presse sur l'international ou l'économie, pourtant plus charpentées que certains de ses discours de campagne, n'ont guère rencontré d'écho. Samedi dernier, c'est à peine si son absence a été remarquée à la Mutualité, où ses camarades socialistes tenaient un conseil national. Loin des yeux... «Elle prend de la distance, pas du recul, prévient l'adjoint à la culture parisien Christophe Girard, qui a dîné avec elle à Buenos Aires. Elle observe tout.»

N'en déplaise à ses détracteurs, Ségolène Royal ne s'est pas retirée de la vie politique. Au lendemain de la défaite, son caractère trempé et son agenda chargé lui ont évité de sombrer dans la dépression qui marque d'ordinaire les lendemains de déconvenues électorales. «J'ai d'abord tenu pour mon entourage. Je portais le deuil des autres», résume- t-elle aujourd'hui joliment. «Maman Royal» s'est d'abord occupé des siens, de ses enfants, notamment de son fils Thomas, qui s'était beaucoup investi dans la campagne, au risque de s'y brûler les ailes. Un instant seulement elle a hésité à jeter l'éponge, quand ses camarades l'ont invitée à battre l'estrade au Zénith entre les deux tours des législatives. «Je me disais : s'ils sont si malins, qu'ils se débrouillent sans moi, se souvient-elle. J'y suis allée en rampant...» Mais le naturel a vite repris le dessus. Question de survie pour l'ex-candidate : «Si j'avais marqué la moindre hésitation à ce moment-là, aujourd'hui je serais morte.»



Déprimée non, mais désorientée sans aucun doute. Au PS, personne n'a oublié la «semaine sanglante», selon l'expression de Pierre Mauroy, qui depuis a pris ses distances avec sa candidate favorite. En quelques jours, fin juin, Ségolène Royal annonce coup sur coup sa rupture avec François Hollande, confirme ses ambitions pour le poste de premier secrétaire et la candidature en 2012, tout en expliquant qu'elle n'a pas cru à deux mesures phares de sa campagne, les 35 heures et le smic à 1 500 euros. Et puis ? Et puis rien, justement. Après avoir beaucoup parlé, Ségolène Royal a fini par taire ses ambitions. La femme pressée s'est résolue à accepter le calendrier dilatoire de la rénovation que lui proposait son ex-compagnon. «Pour la première fois elle a joué à front renversé, analyse aujourd'hui un de ses soutiens, qui regrette amèrement qu'elle ait loupé le coche. Elle a choisi de ne rien faire alors que sa principale force, aux yeux de tous, c'était précisément le mouvement.»

Faute d'avoir su ou pu forcer son destin pour prendre le PS, la cheftaine naturelle est aujourd'hui redevenue une prétendante parmi d'autres. Dans la grande tradition mitterrandienne, Ségolène Royal assure vouloir donner «du temps au temps» et feint d'entretenir le suspense sur ses ambitions. Par prudence : «Personne ne peut dire ce qui va se passer dans un an, ça ne sert à rien, les choses se méritent», explique-t-elle. Par égoïsme aussi : «J'ai passé ma vie à porter les autres. Aujourd'hui mes enfants ont grandi, je suis une femme libre, la campagne est terminée. J'ai besoin de me reconstruire une épaisseur intérieure.»

Du temps, Ségolène Royal s'en accorde pour consulter, travailler, «densifier son discours», résume un proche. Comme elle le faisait quand elle était au ministère de la Famille entre 2000 et 2002, elle rencontre les experts qu'elle avait vus parfois en coup de vent pendant la campagne. Fini le temps où elle avalait cinquante notes par jour à tort et à travers. Royal a ressorti son petit cahier, approfondi ses connaissances économiques avec Thomas Piketty ou Philippe Aghion, travaillé sur les questions internationales avec un groupe de jeunes diplomates, multiplié les voyages à l'étranger.

Et puis il y a ce livre auquel elle met la dernière main, avec sa plus proche conseillère, Sophie Bouchet-Petersen. Sans doute l'exercice le plus dur qu'elle se soit imposé depuis sa défaite. «Parce qu'il a fallu déconstruire ce qui s'était passé, le reformuler et donc le revivre, confie Ségolène Royal. Parce que dans ces cas là ce qui n'a pas marché vous saute aux yeux comme sous une loupe grossissante.» Donner sa version des faits, renvoyer dans leurs cordes tous ses contradicteurs, qui «refont le match sans le moindre respect dû à la combattante», écrire pour ses partisans et ses électeurs aussi, qui ont vécu cette histoire autant qu'elle... L'introspection prend du temps, au grand dam de son conseiller-éditeur Bernard-Henri Lévy, qui s'arrache les cheveux de la voir parcourir le globe au lieu d'écrire. Mais qu'importe. Des ouvrages que prépare l'ex- (future ?) candidate, celui-là est le plus important : il doit permettre de solder la folle aventure de 2007 tout en posant les fondations de la prochaine.

Car il y aura bien une prochaine. Ségolène Royal l'a redit à sa manière, inimitable, en inaugurant la semaine dernière avec quelques proches les locaux parisiens que lui loue généreusement Pierre Berge : «Quelque chose s'est levé qui ne s'arrêtera jamais...» Son objectif reste bien d'affirmer son leadership sur le PS pour prendre sa revanche en 2012. Reste à savoir comment. C'est là que le bât blesse. Dans un PS qui a le nez sur les municipales et qui se vide de ses adhérents (voir encadré), Ségolène Royal n'est plus forcément un sujet d'actualité. «Sa cote reste haute», veut croire Jean-Louis Bianco, son ancien directeur de campagne, qui concède toutefois «une interrogation chez certains cadres du parti, qui aimeraient qu'elle structure ses amis». Assommés par la défaite, déboussolés par ses déclarations à l'emporte-pièce, ses partisans ont parfois le sentiment d'être abandonnés. «Il y a une impression de surplace pour les troupes, confirme un de ses premiers soutiens, qui a tiré plusieurs fois, en vain, le signal d'alarme. Pour la constitution des listes aux municipales, on se fait zigouiller de partout. Dans les fédérations tenues par des «anti Royal», les militants ont payé double : non seulement leur championne a perdu, mais en plus ils n'ont pas de réseaux ni de courants pour les défendre ou les protéger.»

Ségolène Royal, qui n'a jamais brillé par son sens de l'organisation collective, s'en tient à quelques réunions hebdomadaires auxquelles participent, entre autres, ses ex directeurs de campagne François Rebsamen et Jean-Louis Bianco, ses vieux copains Jean-Pierre Mignard et Michel Sapin, les députées Aurélie Filippetti et Delphine Batho, ou encore le député européen Vincent Peillon. Mais pas question de s'organiser en courant. Par peur de se faire instrumentaliser ou de se banaliser. «Si je commettais cette faute tactique, je me mettrai au niveau des autres», assure t-elle, convaincue que sa candidature même malheureuse à la présidentielle lui confère un statut hors norme par rapport à ses rivaux.

Au-dessus du parti, mais pas à côté... La présidente de Poitou-Charentes, qui reste persuadée que sa victoire aurait été possible si elle avait bénéficié de l'unité de son camp, a retenu la leçon. Comme le résume une de ses proches : «Nous avons bu le calice de la dysharmonie entre le PS et la candidate jusqu'à la lie. Plus jamais ça. Il faut un parti en ordre de marche, c'est clair et indiscutable.» C'est aussi tout le problème. Car la rénovation Ségoléniste est loin de faire l'unanimité. «La droite a le sens du chef, les socialistes ne l'ont pas, constate Royal. Il va falloir qu'ils l'apprennent !» Pour y parvenir, elle souhaite d'abord transformer le PS en parti de masse, quitte à baisser encore s'il le faut le prix des adhésions; favoriser l'émergence d'une majorité cohérente en supprimant la représentation proportionnelle dans les organes de direction; distinguer enfin les instances qui débattent des idées de celles qui s'occupent de la désignation. L'ex-candidate est convaincue qu'elle ne gagnera pas si la partie se joue dans un PS claquemuré et replié sur lui même. Elle vient de relancer son association Désirs d'Avenir (voir encadré) et plaide désormais pour que le prochain postulant socialiste à l'Elysée soit désigné par des primaires ouvertes aux sympathisants. «Merci de nous avoir donné cette leçon de démocratie, je souhaite que le PS puisse suivre votre exemple», a-t-elle déclaré à ses amis démocrates italiens l'autre jour, lors de sa visite à Florence.

Reste à convaincre ses camarades français et à déjouer les plans de ses rivaux... Bertrand Delanoë ? Elle l'observe. A y regarder de plus près, la présidente de Poitou Charentes ne voit pas grand-chose qui le distingue d'elle sur le fond. Elle s'amuse en experte de la mayonnaise médiatique qui monte autour du maire de Paris. Elle sait trop bien comment ces histoires-là se terminent, pour en avoir elle-même éprouvé le retour de bâton. François Hollande ? Elle n'en parle pas. Ses amis le font pour elle, qui rêvent d'une réconciliation politique au prochain congrès, pour permettre à Ségolène Royal de voir revenir à elle les bataillons militants des grandes fédérations du parti. Les autres ? Ils n'existent pas ou presque. L'ex-candidate ne tarit pas d'éloge sur Pierre Moscovici. Elle voit aussi Manuel Valls. Au delà de leurs compétences respectives, ces deux-là présentent l'immense qualité à ses yeux de s'être montrés «propres» et «corrects» pendant la campagne. Ségolène Royal a beau tenter de tourner la page de la présidentielle, elle n'oublie rien, ni personne...

L'ami Mignard

Pour Désirs d'Avenir, c'était elle. Demain, ce sera lui ! Ségolène Royal a choisi de relancer l'association qu'elle avait créée il y a un an et demi et d'en confier les rênes à son vieux complice Jean-Pierre Mignard. La nomination de l'avocat parisien devrait être ratifiée avant la fin décembre lors d'une assemblée générale qui réunira les comités locaux. L'occasion d'un nouveau départ : «Plus que jamais j'ai besoin de vous», a écrit Ségolène Royale la semaine dernière, à ses adhérents. Combien sont-ils aujourd'hui ? Une dizaine de milliers, selon Mignard, qui rappelle qu'à Désirs d'Avenir deux militants sur trois ont leur carte du PS. Une estimation qui laisse dubitatifs nombre de socialistes. «On ne les voit pas beaucoup en sections», commente un premier secrétaire fédéral. Plus qu'une écurie ou un courant, Mignard conçoit «son» mouvement comme un laboratoire d'idées : «Notre objectif reste quand même d'aider le PS», explique-t-il.  Cet ancien partisan de Jacques Delors et des transcourants se verrait bien en aiguillon de la rénovation au service d'un parti réduit au rôle de «grand synthétiseur». «Notre vocation n'est pas de prendre le pouvoir en interne», insiste-t-il. S'il le dit...

PS, la grande hémorragie

T'as payé 20 euros ? T'as 20 secondes...» On a connu plus avenant comme invitation à prendre la parole... «Le militant s'était présenté comme un adhérent à 20 euros, une manière de s'ostraciser lui-même», se défend l'auteur de ce trait d'humour, Jean-Jacques Urvoas, premier secrétaire du Finistère. L'an dernier, sa fédération a vu, comme beaucoup d'autres au PS, ses effectifs gonfler de près de 50% pour la désignation du candidat socialiste à la présidentielle. «Et puis la plupart ont disparu dès le lendemain du vote, poursuit le premier fédéral. On ne les a pas vus de la campagne.»

Où sont passés les nouveaux adhérents ? Il y a un an, ils faisaient la fierté d'un parti revigoré et moderne. Aujourd'hui, ils illustrent sa déliquescence et son recroquevillement. D'une fédération à l'autre les situations varient, mais partout le même sentiment domine : c'est l'hémorragie. Dans le Nord, 4 000 sur 12 000 ont jeté l'éponge. A Paris, on parle de 10 000 disparitions, soit près de la moitié des effectifs...  Les chiffres ne sont pas définitifs, le PS offrant la possibilité de reprendre sa carte à tout moment. Mais certains indices parlent d'eux-mêmes. Dans le 18e arrondissement de Paris, où une âpre bataille opposait un secrétaire de section au maire sortant Daniel Vaillant pour conduire la liste aux municipales, moins d'un adhérent sur trois a fait le déplacement pour aller voter, alors même que les deux prétendants avaient mobilisé le ban et l'arrière-ban de leurs soutiens.

Selon les premières estimations, 40 000 militants ont déjà disparu de la circulation sur un total de 250 000. Mal accueillis parfois, peu impliqués souvent, beaucoup de petits nouveaux ne se sont jamais faits aux règles surannées de la vie des sections. La plupart étaient venus pour «décider», comme les y invitait à l'époque la Rue de Solférino. Pas pour assister impuissants au spectacle de la défaite et de la division. A Paris dans le 20e arrondissement, 150 militants ont été sondés récemment par téléphone. «Plus de la moitié nous ont répondu qu'ils ne voulaient plus entendre parler du PS pour le moment, qu'ils attendaient que cela change...», résume le sénateur David Assouline. A qui profite la fuite ? Le départ de ces «supporters», comme les surnomment leurs détracteurs, réjouit les tenants d'un parti à l'ancienne. «C'est oublier un peu vite que les départs concernent aussi de «vieux» militants», confie Olivier Falorni, premier secrétaire de la fédération charentaise, qui a vu ses effectifs fondre de 50%.

Matthieu Croissandeau
Le Nouvel Observateur

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Commentaire:  ...«Plus de la moitié nous ont répondu qu'ils ne voulaient plus entendre parler du PS pour le moment, qu'ils attendaient que cela change.... (D Assouline)

CHICHE!

... ET ALORS, ON VA ARRIVER,

EN FOULE, ENCORE UNE FOIS !!!

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