Royalisme vs. Ségophobie
Article de " LOONE" sur "le post" le 14/12/2008
Que ce soit au Post, au travail, sur les marchés, dans les sections du PS,
le débat associé au congrès s'est finalement polarisé sur deux
positions politiques tranchées, en apparence irréconciliables, je les
nomme Ségophobie et Royalisme. L'objet de ce post est de définir et de
donner mon opinion, et donc de vous influencer dans vos jugements à ce sujet, il s'agit donc d'un post militant: ouvert car tranché.
Si le Congrès de Reims n'est pas le début de la Ségophobie, il marque
le début du Royalisme. Le mot a commencé à exister dans ce sens, de
pudiques guillemets l'entourant encore souvent: la même réserve existe
à l'oral. En effet, cela n'a échappé à personne: le mot était pris.
Mais de façon subliminale car le terme politique
pour décrire les partisans d'une "royauté" est "monarchiste", seuls les
partisans d'un Roi se sont appelés "royalistes", et souvent pendant des
périodes de tensions graves où la monarchie elle-même vacillait. Cette
existence, encore précaire, d'un mouvement s'appelant Royaliste sans
roi est en soi une victoire symbolique pour tous ceux qui jusque là
"soutenaient Ségolène". Ce mouvement est incarné en tant que force
politique par les élu-e-s au titre de la motion E : "Espoir, fierté
d'être socialistes", motion arrivée en tête le 6 novembre 2008 avec
un petit tiers des voix. Cette victoire relative fonde le Royalisme sur
le terrain, principalement sur la façade Atlantique et le couloir
Rhodanien. Le Congrès de Reims marque donc la naissance du Royalisme.
"Foutaises !" s'écrit une personne dans la salle. Et un autre petit tiers de la salle acquiesce.
Cette opposition a l'existence même d'un Royalisme s'appelle la
Ségophobie. Pour un Ségophobe, toute cette histoire n'a rien de
politique, il fulmine ! Il s'agit d'une construction médiatique, une
baudruche, un ballon, que dis-je ! une Bulle ! Le vent l'emportera.
L'homme qui s'est levé pourrait avoir les traits de Lionel Jospin,
en tout cas, il utilise dans cet acte toute son autorité morale : il
nous prévient. Ségolène Royal a de noirs désirs. Désir de plaire, désir
d'être adulée, désir de renier la foi. Oui, en vérité je vous le dis :
cette femme est un faux prophète. Bulle pour bulle, quand tu le
secoues, il mousse, il écume, il fout la frousse : le vrai Lionel
Jospin est allé jusqu'à agiter le spectre de la collaboration au soir
du 20 Novembre 2008. Ce discours est partout, dans les posts et sur les
étals, sur les tréteaux et les tables, autour des urnes. La Ségophobie
a une telle réalité politique qu'elle cimente l'actuelle direction du
PS, regroupant toutes les chapelles du Parti contre une seule. Le
résultat final, indécis au lieu d'être écrasant, aurait pu faire
réfléchir, mais l'infaillibilité est autiste et pourtant elle tourne.
Car Ségolène Royal a une doctrine. J'en exposerais quatre points qui me
paraissent centraux, puis je montrerai comment la Ségophobie,
prisonnière de son incapacité à accepter la réalité de la doctrine
Royaliste s'enferme dans une impasse.
Un fondement de cette doctrine est démocratique : "la parole au
peuple". Alors évidemment, si c'était simple, cela ferait longtemps que
ce serait fait, c'est donc complexe de donner la parole au peuple. Mais
il s'agit d'une volonté politique forte, impérieuse, essentielle, un
retour assumé aux idéaux de la révolution de 1789, renouvelés à la
lumière des progrès de la technique, en particulier télématiques. Enfin
l'exigence de participation est une attente populaire, le peuple est
souverain, à nous de trouver les moyens de cette expression. C'est à ce
préalable que nous ramènerons des proportions significatives de
citoyens à l'exercice de leur devoir : participer à la vie politique.
Un deuxième fondement est la "lucidité radicale", et je ne saurais trop vous conseiller de (re)lire Le Capital
pour vous faire une idée sur cette question. Lorsque les dogmes sont
invalidés par les faits, il faut changer les dogmes, pas changer les
faits. Marx est vivant : voila un fait. Aujourd'hui, pour être lucide
il faut comprendre que les problèmes du prochain siècle sont l'eau, le
pétrole et le climat, ensuite comprendre que si le peuple ne reprend
pas la main sur les processus industriels, on lui vendra avec des
profits indus de l'eau, du pétrole et enfin, de l'air. Il est temps de
se réveiller avant d'étouffer en cas de défaillance de paiement !
Un troisième fondement est la "dignité du travail et dans le travail",
de la nécessité pour l'homme de donner un sens à son existence par la
transformation de ce qui l'entoure, que cette transformation soit
matérielle ou non. Il s'agit d'un droit constitutionnel inscrit dans le
préambule de la Constitution de notre République. Ensuite, la dignité
dans le travail s'oppose au "nouveau productivisme" et à son cortège de
vexations étouffées qui touchent désormais toutes les classes sociales,
à l'exception de ceux protégés par le bouclier fiscal, autant dire une
infime minorité. Cette revendication renouvellée de dignité permet de
résoudre une contradiction rhétorique de la gauche, cause cardinale de
la défaite de 2007: comment ne pas faire apparaître la défense des
intérêts de travailleurs comme une perspective conservatrice.
Le dernier fondement développé ici, c'est "penser globalement, agir
localement", cette forme distribuée d'action politique,
consubstantielle au développement durable, implique une refonte de
notre pensée politique verticale hérité du Léninisme. Recyclé par
l'écologie politique dans les années 70, ce décentralisme radical
emprunte à des courants marginalisés de la Gauche souvent regroupés de
façon simpliste dans l'anarchisme. Cela suppose aussi une transparence,
un effort de formation capable de susciter une capacité d'entraînement
positive sur le corps social. L'actuelle configuration du Royalisme,
minorité dynamique, privée de représentation à la tête mais implanté
localement sera un terrain d'expérimentation idéal de cet aspect de
notre doctrine politique. Sa validation ou sa réfutation en découlera,
elle sera décisive en 2011.
En 1993, lorsque Ségolène Royal est ministre de l'Environnement et
accouche de son dernier enfant. Selon ses déclarations "pour montrer
qu'une femme accédant à des responsabilités pouvait concilier
maternité, vie affective et métier", elle autorise des photographes à
la montrer au travail dans sa chambre médicalisée, elle y pose aussi
avec sa fille. L'irruption de ces clichés provoque une polémique : La
Ségophobie est née.
En 1997, elle revendique le perchoir mais s'efface devant Fabius, cette
outrecuidance inouïe achève de la représenter pour une arriviste
forcenée pour les cercles dirigeants du PS. Elle est nommée secrétaire
d'Etat du bras droit de M. Jospin d'alors : M. Allègre. Par sa prise de
position contre l'institution et pour les victimes lors des affaires de
pédophilie, elle s'aliène une bonne partie des enseignants par la loi
de juin 1998. Les enseignants sont une colonne vertébrale du Parti :
dès lors pour beaucoup grillée, elle est politiquement insignifiante et
la Ségophobie s'enkyste dans une sourde détestation. Les années passent.
Le traumatisme de 2002 fige l'ensemble du Parti dans une attitude de
déni, d'absence de remise en question de fond, en particulier de la
façon dont on a traité en supplétif nos alliés de la Gauche Plurielle,
véritable cause du désastre : favoriser le nucléaire avec les Verts,
privatiser comme jamais avec les Communistes... En 2004, Ségolène Royal
prend la Région Poitou-Charentes à J-P.Raffarin et se présente en 2006
aux primaires qu'elle remporte et échoue dans la foulée au deuxième
tour de l'élection de 2007 avec 47,3% des suffrages, soit a peu de
choses près le score de Lionel Jospin au début de sa séquence, avortée
en 2002. Et la Ségophobie, intacte, outre son rôle indéniable pendant
la campagne présidentielle, resurgit pour bannir la perdante : la
Ségolâtrie est une impasse. Tout est tenté pour l'écarter, avec le
succès que l'on sait : la Ségophobie règne rue de Solférino.
La Ségophobie nie toute pertinence politique à Ségolène Royal, elle la
présente comme une arriviste incompétente, uniquement intéressée par
son avenir personnel comme en témoigne sa candidature insensée au
perchoir en 1997. Enfin démagogique, elle flatte indûment le peuple en
se positionnant comme victime, d'ailleurs n'a-t-elle pas pris fait et
cause pour les victimes en 1998 contre nos loyaux électeurs enseignants
?
Bien sûr Ségolène Royal est ambitieuse, mais trouver un leader capable
de gagner une présidentielle qui n'ait pas d'ambition, autant chercher
une carpe qui chasse des lapins ! Enfin pour ceux qui acceptent de
reconnaître la validité de son projet politique, il faut lui
reconnaître quelques qualités finalement peu répandues : la franchise
et la fiabilité. Suivre Ségolène Royal ne vous fait pas l'otage de
compromissions permanentes, nous avons une doctrine en constante
amélioration, nous avons un leader sûre de sa force et qui n'a pas
besoin d'arrangements byzantins pour conquérir le pouvoir. Que demande
le peuple ?
Mais les Ségophobes ne sont pas préoccupés de ce demande le peuple, ils
sont préoccupés de ce qu'il faut au peuple pour son bonheur. La
démocratie participative leur apparaît une tartufferie puisque le
programme de 2007 était fixé par le Parti dans un texte admirable --
sans relief et bon enfant -- édité avant les primaires. Plus grave,
disent les Ségophobes, les manifestations festives où la politique
partage la scène avec des artistes sont une évidente manifestation de
culte de la personnalité. Enfin, faire scander "Fraternité" par une
foule forme une dérive sectaire. Tout ceci relève d'une méprise dont
les racines sont chrétiennes, la pensée chrétienne est structurée
autour de l'opposition entre la religion, descendante et révélée, et la
foi, ascendante et vécue. Permettre l'ascendant du peuple citoyen sur
le collège des experts apparaît comme une réhabilitation de la foi.
Oui, le Royalisme est fondé sur un socle de croyances positives, et
nous revendiquons le droit à l'utopie active, ici et ailleurs. Mais
cette croyance n'est pas en une personne, mais en une synthèse
politique nouvelle incarnée dans une personne. Cette incarnation est
d'ailleurs paradoxale, par exemple elle offre un contraste saisissant
avec Barack Obama, orateur flamboyant à la peau noire, démocrate et
conservateur. Le Royalisme, une pensée de gauche du prochain siècle,
s'est incarnée dans un corps de "petite fille sage", oratrice parfois
fragile, à la peau blanche, démocrate et idéaliste.
La Ségophobie est lourdement tributaire de son incapacité à admettre
publiquement l'existence de la doctrine Royaliste. Même sa réfutation
poserait des problèmes rhétoriques puisqu'elle est sensée ne pas
exister. La Ségophobie en est donc réduit à faire ce qu'elle dénonce :
personnaliser le débat, ritualiser son opposition sur des totems,
tenter des ralliements. Il n'est pas viable de fonder son action
politique sur une méprise qui vous mène à faire constamment ce que vous
prétendez rejeter. Le phénomène de le Ségophobie s'apparente à une
bulle, toute la Ségophobie rassemblée est prisonnière à présent de
cette bulle et si elle ne la brise pas, le vent l'emportera.
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