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29 janvier 2009

Le 29: Ce n'est qu'un début !

Le nouvel Observateur
J Julliard

Ce n'est qu'un début !
Une grève revendicative ? Non. Une révolte contre un monde devenu fou et cupide, indécent et irresponsable

Désormais, quand il y a une grève en France, personne ne s'en aperçoit», avait fanfaronné Nicolas Sarkozy le 6 juillet dernier devant le conseil national de l'UMP. Encore une idée que le président va devoir réviser. L'appel de toutes les organisations syndicales, de la plus radicale à la plus modérée, à la mobilisation interprofessionnelle de masse du 29 janvier, avec l'appui de 69% des Français, a une signification majeure qui dépasse le cadre des revendications particulières. C'est la colère du monde du travail devant une crise dont il est le dernier à porter la responsabilité mais le premier à supporter les conséquences. Cette crise n'a pas éclaté inopinément un beau jour dans un ciel serein. Depuis longtemps, les plus lucides attiraient l'attention sur le financement de l'expansion par une fuite en avant vertigineuse dans l'endettement, sur fond de profits non moins vertigineux. Cette crise a des responsables.
«Qui est responsable ? Les banques, évidemment, qui ont oublié que le coeur de leur métier était d'évaluer les risques, et qui, pis encore, les ont transférés à d'autres. Mais les pouvoirs publics également : ils ont conduit des politiques à courte vue, et, surtout, ils ont été des régulateurs déficients.
«Qui est coupable ? En arrière-fond, c'est un modèle idéologique, libéral et anglo-saxon qui a failli. On ne peut impunément se préoccuper exclusivement du profit à court terme.» Voilà ce qu'écrivent Matthieu Pigasse et Gilles Finchelstein (1). L'un est vice-président de la banque Lazard, l'autre directeur de la Fondation Jean-Jaurès. Ce sont des hommes pondérés. Le diagnostic est implacable. Ils rejoignent la déclaration commune des syndicats qui demandent la réglementation de la sphère financière pour mettre un terme à la spéculation, aux paradis fiscaux, aux mouvements erratiques de capitaux. La grève de jeudi n'est pas, ou pas seulement, une grève revendicative; elle n'est pas, ou pas seulement, une grève contre le gouvernement; la globalisation était inévitable. C'est une grève contre le capitalisme libéral. Contre un monde devenu fou et cupide, indécent et irresponsable.


Qu'il ait fallu, la semaine précédente, déployer des trésors de diplomatie et une pointe d'intimidation pour faire lâcher prise aux banquiers, accrochés à leurs bonus comme des huîtres à leur rocher, voilà qui dépasse l'imagination. L'Etat aurait prêté à fonds perdus à des banques pour leur permettre, entre autres, de rémunérer grasse ment dirigeants et actionnaires coupables d'imprudences, de mauvaise gestion, de spéculation aveugle ! Outre un salaire fixe, respectivement de 1,25 million d'euros et 750 000 euros, MM. Daniel Bouton et Philippe Citerne ont perçu, au titre de 2007, 2 millions d'euros de bonus... Il me semble qu'au titre de 2008 ils mériteraient un malus d'une somme au moins équivalente, compte tenu de leur gestion de la Société générale. Mais, fort heureusement, le malus n'existe pas pour les banquiers. Il est réservé aux petits salaires.
L'affaire du Collier de la reine ne suffit pas à elle seule à déclencher la Révolution française. Mais elle apparut comme le symptôme d'une fracture irrémédiable dans la société d'Ancien Régime. Eh bien, nous en sommes au collier de la reine ! La moindre des choses, beaucoup de banquiers en conviennent en privé, serait de nationaliser le système bancaire, afin de contrôler l'argent public qui leur a été prêté. Ce serait un moindre mal.
Car on ne saurait considérer ce qui est en train de se passer comme un accident, une parenthèse à refermer au plus vite, ainsi qu'on nous le susurre benoîtement. Tiens donc ! A l'image des staliniens qui n'ont jamais pensé que le «culte de la personnalité» exigeait une révision d'ensemble du système communiste, nos libéraux, une fois refermé le cycle du chômage, de l'appauvrissement, des faillites, ne songent qu'à une chose : recommencer comme avant. Voilà pourquoi, avant qu'il ne fût trop tard, il était temps que le mouvement social se remette en route. Ce n'est qu'un début.

(1)«Le Monde d'après. Une aise sans précèdent», Pion.

 

Jacques Julliard
Le Nouvel Observateur

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