PS: il faut d'abord imposer le mandat unique estime Paul Quilès
Paul Quilès –membre du conseil national du parti socialiste et ancien député– répond à Arnaud Montebourg –en charge de la rénovation au PS– qui lui même avait répondu à la «lettre à ces socialistes qui nous désespèrent» d'Edwy Plenel. Pour revaloriser le travail des élus, il faut d'abord imposer le mandat unique estime Paul Quilès. Nous publions sa lettre.
A Arnaud Montebourg,
Secrétaire national du PS à la rénovation,
Député de Saône et Loire,
Président du Conseil général de la Saône et Loire
Cher camarade,
Tu es chargé au sein de la direction de notre parti de la rénovation. On nous dit que tu présenteras très prochainement des propositions de «rénovation profonde» du PS à ses instances dirigeantes.
J'ai le privilège –que tu partages en partie avec
moi– d'avoir connu, après chaque échec du PS, les longues complaintes
du remords, suivies des promesses de changement (dénommées, suivant les
périodes, «rénovation», «nouvelles pratiques», «refondation», ou même
«big bang», ou encore «révolution culturelle»....). Tu as toi-même
contribué à médiatiser, avec le talent qu'on te connaît, certains de
ces concepts.
Las, les mots finissent par s'user, quand ils
reviennent comme des litanies ou des slogans vides de sens, sans jamais
s'incarner dans des actes à la hauteur des promesses. Et il ne faut pas
oublier ce constat dans la liste des raisons qui éloignent de plus en
plus nos concitoyens à ne plus croire à la politique et à ceux qui
l'incarnent. On retrouve ce thème, parmi d'autres analyses très
pertinentes de l'excellente interpellation d'Edwy Plenel («lettre à ces socialistes qui nous désespèrent»), à laquelle tu as répondu.
Dans ta réponse,
tu admets que «le PS est devenu un parti de professionnels, assis sur
une accumulation d'intérêts personnels». Alors, nul ne comprendrait que
toi qui fus le héraut du non cumul des mandats (avant de dire
étrangement que tu n'étais plus «pratiquant»), tu ne proposes pas
immédiatement au PS la seule mesure susceptible d'éviter son glissement
vers les pratiques mortifères de la SFIO: le mandat unique?
Cette mesure, que je réclame depuis des années, aurait aussi une
conséquence d'une extrême importance sur le fonctionnement de nos
institutions. En effet, comme chacun le sait, la cause principale de
l'affaiblissement du Parlement est le cumul des mandats. Cette
«particularité» française s'est accentuée sous la Ve République: en
1936, environ 33% des députés exerçaient un mandat local; sous la IVe
République, ce chiffre est monté à 40%; il a dépassé aujourd'hui 90%!
Malgré quelques modestes limitations apportées aux plus gros cumuls
depuis une vingtaine d'années, la situation actuelle demeure
difficilement défendable dans une démocratie digne de ce nom.
Deux exemples récents ont démontré de façon éclatante la dérive insupportable de ce système.
Le 14 janvier dernier, le débat sur l'intervention israélienne à Gaza
s'est déroulé à l'Assemblée Nationale en présence d'une quarantaine de
députés! Le monde entier s'inquiétait de ces affrontements sanglants,
que toutes les télévisions nous montraient presqu'en permanence; des
manifestations se déroulaient partout, y compris en France; l'ONU et
les grandes puissances s'efforçaient de trouver une issue à ce terrible
conflit qui embrasait le Proche Orient; on s'inquiétait de la montée
des passions et des risques de "contagion" dans notre pays... et voici
que 500 députés au moins avaient considéré qu'ils avaient plus urgent
et plus important à faire que d'être présents à ce débat!
Plus récemment encore, début avril, le résultat
du vote des députés sur la loi Hadopi –«évènement» qui a fait beaucoup
de bruit par ailleurs– a fait apparaître le nombre ridicule de députés
qui ont participé au vote: 36, soit 6,2 % de la «représentation
nationale». Alors que le thème du piratage sur Internet passionnait
l'opinion publique, qu'il mobilisait les débats dans les médias et sur
le Web... 541 députés avaient préféré vaquer à d'autres occupations,
probablement plus importantes à leurs yeux.
Cet état de fait
nuit gravement à la crédibilité du Parlement et il est regrettable que
l'institution parlementaire s'accommode ainsi de sa propre faiblesse.
Depuis des années, j'ai montré que le Parlement resterait une chambre
d'enregistrement –quelles que soient les mini réformes engagées– tant
qu'une réforme profonde ne serait pas engagée: celle du «mandat
unique», rendant impossible le cumul entre mandat national et mandat
local. Si l'on veut vraiment revaloriser le travail et la fonction des
parlementaires, si l'on veut donner plus de poids au Parlement, pour
contrôler un exécutif envahissant et ses risques de dérive, c'est la
seule voie efficace. Elle mettra fin au discrédit qu'on inflige au
Parlement et, par voie de conséquence, à la démocratie.
Le PS
et la gauche ne peuvent plus se cacher derrière l'attente d'un
hypothétique changement législatif, même si on peut tenter de le faire
adopter par une proposition de loi lors d'une «niche parlementaire». Il
faut commencer à montrer l'exemple immédiatement, en imposant la mise
en place de la règle de non cumul dès les prochaines élections
régionales. Ce n'est qu'un premier pas vers le mandat unique, mais sans
cela, la «rénovation» aura bien du mal à s'imposer et à convaincre.
J'ose espérer que tu partages mon analyse. Merci de me dire quand et
comment cette question essentielle sera soumise à l'approbation des
militants du PS, dont je sais qu'ils sont impatients d'en débattre,
afin qu'elle devienne un engagement solennel de leur parti.
Cordialement.
Paul Quilès
membre du Conseil national du PS, ancien député