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5 juillet 2009

Le PS va-t-il disparaître?

Par Richard trois sur Le Post

Samedi soir, Europe Ecologie fêtait sa victoire aux élections européennes.

A cette occasion et après son interview à Parlons Net, j'ai eu envie d'interroger Benoît Thieulin sur ce succès et ce qu'il révèle des changements politiques et médiatiques. Benoît Thieulin est le fondateur de l'agence web La Netscouade. C'est lui qui a mené la campagne web de Ségolène Royal en 2006-2007 en créant notamment le site desirsdavenir.org et qui a aidé Europe Ecologie à monter son organisation web, tout en restant au PS, un socialiste écologiste.

Benoît Thieulin :

"Moi de toutes façons, je suis un optimiste. J'en ai marre de cette dépression collective à gauche en France. Je pense qu'il y a des tas de raisons d'espérer d'un renouveau politique.

Les gens ont de plus en plus ont de plus en plus une contestation et une critique naturelle à l'égard de toute autorité. Et cela c'est l'histoire de Ségolène Royal aussi, qu'elle avait très bien sentie et l'une des premières. C'est une tendance ancienne, qui a plus de 40 ans, qui a d'abord touché l'autorité familiale et paternelle, l'autorité professorale et universitaire, l'autorité dans l'entreprise, l'autorité dans la politique, etc. Ce grand mouvement, né en 68, un peu en parallèle d'Internet et maintenant bien établi rencontre Internet fin des années 90 début 2000. Il se passe alors un réaction chimique extrêmement importante. Ces mentalités qui ont changé trouvent avec Internet un support incroyable de déploiement de cette envie de débattre, d'échanger et d'être plus curieux.

Dans l'ancien système politico-médiatique, on était dans un système extrêmement massif et binaire, dans lequel il y a d'un côté des médias de masse, qui déversent une information massive qui a l'avantage d'inonder des gens (un JT c'est 8 millions de personnes). Et ce système là nous a beaucoup donné l'impression, trop, que derrière il n'y avait rien, plus de bouche à oreille, plus de discussions.

De manière illusoire, on a finalement donné beaucoup trop de poids à ce système qui a occulté tout ce qui avait derrière. Et Internet révèle que le débat public ce n'est pas cela : avec le mouvement social qui se construit depuis 30 ans, les gens ont envie de discuter de politique, ils ont envie de rentrer dans le fond des sujets, il ne croient plus les partis politiques sur parole parce que leur histoire personnelle est de voter à gauche toute leur (le socialiste de père en fils, le gaulliste de père en fils, c'est terminé). Les gens veulent se faire leur propre opinion à chaque fois. Et pour se faire leur propre opinion, ils cherchent des informations, ils les confrontent et éventuellement ils en produisent eux-mêmes.

Du coup, les anciens médias, la télé, c'est l'endroit où les gens se tiennent au courant des grands sujets d'actualité, mais ce n'est pas là qu'ils vont pouvoir débattre et ce n'est pas là qu'ils vont avoir l'information la plus intéressante. Dans une émission de télé, dans un talk-show les échanges sont assez limités. Un journal de 20h c'est une page du Monde en contenu. C'est assez sommaire, c'est assez léger. Du coup, c'est là qu'Internet entre en jeu et permet de répondre à la soif d'information, de contre-expertise, de jugement individuel sur une multiplicité de sujets incroyables."

"Cela nous ramène aux européennes, il y a un mouvement ancien qui est rentré dans le champ politique en 2005. C'est la rencontre entre des gens qui veulent se faire leur opinion par eux même et Internet qui permet de livrer de l'information ou simplement s'organiser pour débattre physiquement à un endroit. Cela c'est d'ailleurs toute l'histoire de la campagne d'Obama qui montre qu'Internet n'est plus simplement un outil d'échanges numériques mais aussi un outil d'organisation pour se rencontrer physiquement.

Ce mouvement a commencé en 2005, s'est poursuivi beaucoup en 2006 pendant les primaires socialistes mais a moins existé pendant les présidentielles de 2007 qui ont été très « anciens médias », très télés. Et aux Européennes, cela s'est à nouveau passé sur Internet, montrant que la tendance de fond est là.

Les gens n'écoutent pas forcément les prescripteurs traditionnels. Ceux-ci leur disaient d'ailleurs depuis le début des Européennes que les sujets sociaux allaient dominer à cause de la crise financière, condamnant ceux qui voulaient aborder d'autres sujets comme l'écologie ou l'Europe.

Et c'était la critique forte que l'on faisait à la liste de Daniel Cohn-Bendit. Europe-Ecologie a essayé et réussi à aller chercher un électorat pro-européen qui a envie d'Europe, qui a besoin d'une explication du monde. Alors que l'on est dans un paysage où on a perdu la boussole. On ne sait pas vers quel cap on va. On sent que le système s'effondre mais on ne voit pas vraiment le nouveau se mettre en place. Personne n'est capable de donner un cap. La droite gère la crise de manière classique, sans dessiner de nouveau modèle, en essayant d'adapter le modèle qui s'enfonce. La gauche est trop souvent dans un discours de résistance, de protection mais on ne l'entend pas assez sur la question du nouveau modèle. Et pourtant on sait bien que ce n'est pas le modèle keynésien qui est celui de l'avenir.

RichardTrois : Penses-tu vraiment qu'Internet ait joué un rôle dans cette campagne, notamment quand on voit le taux d'abstention très important des 18-30 ans qui sont les plus exposés à Internet ?

Benoît Thieulin : "Le problème de l'analyse des chiffres de l'abstention c'est que la classe d'âge ne suffit pas pour donner une idée éclairante. On est obliger de croiser classe d'âge et niveau social, CSP. Si on regarde l'électorat qui a plutôt voté Cohn-Bendit, c'est plutôt un électorat jeune et pourtant il y a eu beaucoup d'abstention mais cela dépend de la catégorie socioprofessionnelle. Mais c'est clair que les plus urbains, un peu plus CSP+, qui sont des électorats de centre gauche, cette tranche là, elle est allé voté et est pour partie dans le succès d'Europe Ecologie.

C'est assez difficile de répondre à la question d'autant plus qu'il y a eu des couples qui se sont formés avec une compétition Bayrou-Cohn-Bendit, NPA-Front de Gauche et dans ce qui restait entre PS et UMP. Et c'est dans ces dualités que l'on peut voir quel est le succès de l'un.

En plus, on ne sait toujours pas et on n'a aucun moyen de savoir quel est la réalité de l'impact d'Internet. Et on n'a pas non plus de connaissance très claire de l'impact de la télévision, de la presse et des prescripteurs.

Cela étant dit, il y a eu une étude très intéressante de l'IFOP parue juste après l'élection européenne qui pour la première fois montre qu'une majorité de citoyens s'était fait leur opinion de vote sur Internet. Bon c'est un sondage... Mais je pense que l'on est train de trouver un équilibre entre anciens et nouveaux médias. La télé va pas disparaître..."

RichardTrois : Justement, c'est le parallèle que je voulais aborder. On voit que faute de s'adapter des journaux disparaissent ou arrêtent le print. On voit que fondamentalement la manière de faire de la presse comme celle de faire de la politique change du tout au tout. Est-ce que les partis qui ne vont pas savoir s'adapter vont disparaître comme des journaux sont en train de disparaître?

Benoît Thieulin : "Si. C'est une question que l'on ne peut pas ne pas se poser."

RichardTrois : Donc par exemple, est-ce que le PS ne va pas disparaître?

Benoît Thieulin : "Non, je ne pense pas.

Mais l'inadaptation des vieilles structures et leur lenteur à s'adapter aux nouveaux phénomènes politiques sont patentes. Donc on est tenté de se poser la question. La presse est un sujet un peu particulier parce qu'il y a un problème de support. Même si la télé décline un peu, je pense qu'il y a une vraie complémentarité entre ces anciens mass média et Internet, qui n'est pas un mass média. Internet est un média asynchrone dans lequel les gens vont chercher l'information à la carte.

Je crois de plus en plus dans un système dans lequel l'agenda médiatico-politique est dicté par les anciens médias qui permettent de diffuser des informations simples sommaires, frustrantes mais qui dictent des thématiques. Cela c'est assez durable. En revanche le débat a lieu ailleurs. La contre-expertise, l'idée que je me fais et qui va ensuite diriger et conduire mon vote, ce n'est pas à la télé. Cela va être dans les échanges que je vais avoir dans la vie réelle et dont certains auront été impactés par des échanges sur Internet. Par exemple, dans un échange, tu vas me donner des arguments très convaincants que toi tu auras trouvés sur un site. C'est ainsi qu'Internet ré-irrigue l'ensemble des espaces de débat public en nourrissant des personnes qui elles-mêmes ré-irriguent leur entourage.

Ensuite est-ce que les partis politiques se sont bien adaptés au monde dans lequel on est ? La réponse est clairement non. Ils sont en train de s'adapter. Si on regarde ces dernières années, il y a des progrès qui ont été fait. Je crois qu'il y a des phénomènes de rattrapage et des choses qui se préparent. La question plus structurelle est de savoir si durablement une structure pérenne, lourde comme un parti politique est faîte pour incarner la politique de demain. Là je renvoie à cette phrase de Daniel Cohn-Bendit dans son interview de Libé. On lui demande est-ce que vous voulez créer un parti. Il dit un truc très intéressant, quand on est dans un parti politique, on est happé par des tas de phénomènes de structure bureaucratique, des réunions de sections, des A.G, des débats. C'est tellement chronophage, que cela engendre 2 phénomènes. Un, on devient militant professionnel, on le fait à plein temps et deux on se déconnecte de la société. Le problème de la politique aujourd'hui c'est quelle doit être connectée à la société. Donc, est-ce que les partis politiques traditionnels ne sont pas devenus des machines à déconnecter de la société. Ce qui les rend inaudibles par la société.

Mon avis : je pense que les partis devraient être des machines à organiser des élections, des campagnes. Parce que cela requière des moyens financiers et c'est par ailleurs des symboles, une histoire, une marque, un lieu d'appel qui fait que les gens se tournent vers eux de manière naturelle pour peu qu'il y ait des idées et des personnes qui donnent envie d'y aller. Donc je n'ai pas l'impression que les partis vont disparaître. Mais en revanche, ils ne seront plus le lieu de maturation des idées. D'où la multiplication des Think Tanks, des clubs autour des partis qui sont des connecteurs à la société et à des espaces où se produisent les idées.

Donc les partis vont se concentrer sur les questions d'organisation et d'infrastructure qui permettent de quadriller le territoire, diffuser de l'information et mobiliser, cela c'est l'histoire d'Obama."

 

L'ordinateur portable de Benoît Thieulin, le vendredi 3 Juillet 2009 - cc RichardTrois

Nous avons ensuite échangé avec Benoît Thieulin sur la situation politique, le besoin d'un profond renouvellement intellectuel et culturel et toujours PS.

A suivre, dans un autre post !


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