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18 septembre 2009

PS : le rapport qui déjà disait tout... (JP Mignard)

Dans:  Le Nouvel Observateur N° 2341


Au lendemain de l'élection d'Aubry, Jean-Pierre Mignard, avait pointé dans un mémoire, tous les dysfonctionnements du scrutin. Neuf mois après, alors qu'un livre choc relance la polémique, il raconte au «Nouvel Obs» ses soupçons, ses colères... et même ses espoirs ! 

 

«Comment j'ai découvert un véritable chaos électoral»
Ca a commencé dès le soir du vote. Toute la nuit nous sont remontés de multiples témoignages faisant état de dysfonctionnements dans des sections, des fédérations. Ici, on a autorisé à voter quelqu'un qui n'avait pas sa carte, là on a «fait émarger un absent». Ailleurs, les résultats ne correspondent pas au décompte des voix. Bien sûr, toutes ces protestations militent en faveur de Ségolène Royal puisqu'elles proviennent de nos rangs. Mais je ne suis pas binaire. Il y a certainement eu des erreurs ou des irrégularités de notre côté. Il n'y a pas le camp de la lumière face à celui de l'obscurité, ça n'existe pas. Ce qui est certain en revanche, c'est que le PS a organisé une élection avec des moyens et une éthique d'une médiocrité affligeante.
Honnêtement, je ne peux pas dire qu'il y ait eu, chez les amis de Martine Aubry, une volonté organisée de truquer les résultats. L'addition des défectuosités ici, des négligences là, et des malhonnêtetés enfin ont abouti à un véritable chaos électoral. Le résultat est si serré que n'importe quel juge saisi de cette affaire aurait annulé l'élection. Le vote n'a aucune valeur probante. C'est d'ailleurs le constat auquel nous parvenons au petit matin, lorsque le PS rend public une avance de 42 voix pour Martine Aubry, mais décide de renvoyer la communication du résultat final à une commission de récolement des votes qui se réunit dès le lundi suivant
«Comment les dossiers se sont soudain refermés»
Nous arrivons rue de Solférino le lundi matin. Personne ne sait au juste comment a été composée la commission. Elle est présidée par un ancien ministre de l'Intérieur, Daniel Vaillant, assisté du député Bruno Le Roux et du parlementaire européen Kader Arif. Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'ils ne nous sont pas favorables sur un plan politique : tous trois ont signé la motion de Bertrand Delanoë qui a appelé, quelques jours avant le scrutin, à voter pour notre adversaire ! Il y a là aussi des «fonctionnaires» du PS et enfin nos délégations : trois représentants de Ségolène Royal, trois pour Martine Aubry, un pour Benoît Hamon. Dès le début des débats, nous évoquons les nombreux dysfonctionnements dont nous avons eu connaissance et qui portent sur plusieurs centaines de voix. En face de moi, Christophe Borgel [un mandataire de Martine Aubry, ndlr] a posé lui aussi un dossier sur la table contenant, selon ses dires, de nombreuses irrégularités venant de notre camp. Je saute sur l'occasion et l'invite à nous les communiquer, car ils appuient ma démonstration : ce scrutin est vicié, il faut l'annuler et convoquer une nouvelle élection. Borgel comprend tout de suite qu'il est en train de se piéger lui-même et referme alors son dossier. Il ne le rouvrira plus...
Très vite, je m'aperçois que cette commission tourne à vide. Il manque des documents : 30% des fédérations n'ont toujours pas fait remonter leurs résultats officiels rue de Solférino ! Nous avons des échanges aigres-doux. Il y a des moments polémiques. Des moments sympathiques aussi. Daniel Vaillant souhaite que tout cela ne se termine pas trop tard parce qu'il veut aller au Théâtre des Deux-Anes. Nous parlons un peu du Morvan, dont nous sommes tous deux originaires. A16 heures, tout le monde lève le camp et se donne rendez-vous le lendemain après-midi

«Comment le PS s'est mis à ressembler au PC bulgare»
Une course contre la montre s'engage. Nous décidons de rédiger dans la nuit un rapport en bonne et due forme. On tape à toute vitesse. Le document liste l'ensemble des reproches que nous pouvons faire au déroulement du scrutin et qui, selon nous, seraient susceptibles de modifier le résultat en faveur de Ségolène Royal. Ce n'est donc pas un travail d'enquête, ni parole d'évangile, mais un recensement, comme on en trouve dans toutes les affaires de contentieux électoral. Il y a des faits, mais aussi des questions qui méritent des vérifications et des explications.
Les travaux reprennent pendant trois petites heures dans une ambiance digne de l'ancien parti communiste bulgare. Personne ne répond point par point à notre protestation. Il y a, ici et là, des modifications de détail. On regarde quelques documents. Mais aucune réponse complète, aucune audition des personnes mises en cause ou des scrutateurs, aucun examen approfondi des procès-verbaux. Et pour cause ! La commission n'en a ni l'envie, ni les moyens, ni le temps... Il aurait fallu au moins deux semaines de travail, et non quelques heures. On aurait suspendu les résultats. François Hollande, qui a brillé par son absence dans cette affaire, serait resté quelques jours de plus dans le fauteuil de premier secrétaire. Mais non... le PS a préféré statuer en urgence pour que le conseil national qui se réunissait le soir même tranche au plus vite.
A la fin, Daniel Vaillant reprend la parole pour expliquer que l'écart qui séparait les candidates ne portait plus sur 42 mais sur 102 voix, par un calcul dont on ignore toujours de quelle manière il s'est fait. Il nous explique surtout que, même s'il subsiste une difficulté d'appréciation numérique, il existe néanmoins une majorité politique pour régler l'affaire : celle qui a isolé Ségolène Royal au congrès de Reims. Fermez le ban !

«Comment Ségolène a fini par céder...»
Porter l'affaire devant les tribunaux ? C'est vrai, nous avons hésité. La compétence du juge était évidente. Et cela n'aurait pas été une trahison de nos principes. Le juge de la République, c'est le juge de tout le monde, y compris des partis républicains ! Nous en avons débattu jusqu'au dernier moment. Ségolène a caressé plusieurs fois cette idée, parce qu'elle considérait que c'était une question de principes. Et puis la décision collective s'est imposée à tous. Aller au tribunal, c'était reconnaître que nous n'étions même plus capables d'accepter le minimum de consensus qui faisait que le PS pouvait continuer à vivre. C'était organiser, de facto, la scission. Nous avons décidé de protester sans rompre.
Aujourd'hui, nous nous sommes tous piégés. La première victime, c'est Ségolène Royal, qui peut non seulement penser qu'on lui a volé sa victoire, mais qui doit aussi faire face à un déni de justice puisque personne n'a répondu à notre protestation. La seconde victime, c'est Martine Aubry, qui doit affronter un procès récurrent en usurpation. La troisième, enfin, c'est le PS, qui voit son crédit moral entamé.

«Comment il faut tuer le vieux parti"
La publication de ce livre (1) n'a rien apporté de plus que mon rapport. Mais il appuie de nouveau là où ça fait très mal. Il nous rappelle qu'on ne peut pas faire litière du passé et qu'il faut se dépêcher de changer notre culture politique. Réfléchissons à une formule qui permette de savoir ce qui s'est passé. Pourquoi un groupe de trois personnalités, connues pour leur autorité morale, leurs compétences professionnelles et leur indépendance, ne ferait-il pas, dans le silence, un travail d'histoire sur cette affaire, à la demande unanime du Bureau national ? Il ne s'agit pas aujourd'hui de revoter, ni de punir qui que ce soit, mais de faire la lumière. Il n'y a pas d'exemples de reconstruction sans vérité. Il faut ensuite aller plus loin et confier à une commission indépendante, composées de personnalités membres ou non du PS, l'organisation de nos futurs scrutins. Comment nos électeurs accepteraient-ils de venir voter à des primaires si on ne leur en garantit pas la sincérité.
Et qu'on ne me dise pas que c'est la mort du Parti socialiste ! Ce sont des coups durs portés au vieux parti, celui qui croyait qu'on pouvait continuer à vivre avec des règles qui datent du début du XXe siècle, celui qui considérait que la justice était bourgeoise et que l'on pouvait régler les problèmes entre nous. La séparation des pouvoirs ne devrait pas nous faire peur. Nous sommes tous aujourd'hui engagés dans la défense de l'indépendance de la justice. C'est le moment ou jamais d'aller jusqu'au bout. Est-ce qu'un parti qui devient plus républicain, plus démocratique cesserait d'être socialiste ? Moi je pense qu'il le serait beaucoup plus.


(1)«Hold-uPS, arnaques et trahisons», par Antonin André et Karim Rissouli, Editions du Moment.

 

Matthieu Croissandeau
Le Nouvel Observateur

 

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Commentaires
P
Très triste tout ça, encore bien plus pour tous les français qui attendaient un changement.
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A
Comment le PS ne comprend-il pas que cela va lui coller à la peau pendant longtemps? <br /> Le gouvernement et la majorité auront beau jeu de leur dire comme Brice Hortefeux à l'assemblée nationale mardi dernier : " éthique ? ce n'est pas le parti qui manque d'éthique dans ses élections qui peut en parler ..."<br /> <br /> la réaction de certains responsables de Solférino est pitoyable.
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