Vive la Nation !
Le gouvernement a décidé de lancer un nouveau débat sur l'identité
nationale. Il le fait avec ses gros sabots électoraux (et comment ne
pas s'interroger pour l'occasion sur le fait de confier un débat sur
l'identité de la France à quelqu'un dont l'identité politique est-elle
même problématique ?).
Mais
passons! Au risque de déplaire à certains, je ne suis pas de ceux qui
contestent la notion. Je me méfie en revanche de l'usage qui peut en
être fait.
Comment nier que la France ait une identité, forgée
à travers son Histoire, ses réussites et ses malheurs, ses moments
d'enthousiasme ou de deuil, ses succès et ses défaites ? Il y a pour
quiconque vit dans ce pays une part qui remonte, par la culture ou par
le sang, à Henri IV ou à François Ier, à Bouvines ou à Marengo, au
moulin de Valmy ou à la Commune, à Ferry ou à De Gaulle...
L'identité,
c'est ce qui, sans qu'on puisse le définir précisément, fait référence,
pour tous ceux qui sur ce sol vivent ensemble.
Il faut se garder
en revanche de deux dangers. Il n'y a pas de vérité de la mémoire, et
cette histoire, si elle nous est commune, peut se prêter à des
interprétations contradictoires. Elle inclut tout aussi bien, ce dont
on peut être fier (l'abolition de l'esclavage, le code civil, la
Déclaration des Droits de l'Homme, etc.) et ce qui suscite le malaise
(par exemple la colonisation). Cette identité est un tout et ce tout ne
s'accommode pas d'une appréciation morale simplement d'un esprit
critique qui ne doit jamais nous abandonner. La seconde erreur serait
de considérer cette identité comme donnée une fois pour toutes. Elle ne
cesse au contraire de s'enrichir. Et l'arrivée, tout au long du siècle
écoulé, de millions d'immigrés en a évidemment profondément modifié les
caractères. Notre identité est faite aujourd'hui d'une part de leur
histoire, de celle qu'ils ont amené avec eux, de celle que nous avons
partagé. Il serait temps d'en tirer les conséquences en intégrant dans
nos commémorations une référence explicite à cette histoire*.
Le
plus important enfin, est de ne pas faire de cette identité la source
d'une nostalgie, un virage vers le passé. Elle doit au contraire nous
accompagner et nous aider à relever les défis que l'avenir ne cesse de
nous lancer. N'est pas ce que fit le général De Gaulle en substituant à
l'Empire colonial, au début des années soixante, le rêve d'un nouveau
destin, européen cette fois, et d'une nouvelle puissance, technologique
et nucléaire? C'est d'ailleurs la crise dans laquelle est entrée cette
identité qui explique, bien mieux que celle de l'intégration, le
désarroi dans lequel notre pays est indiscutablement plongé.
* Il existe bien un musée de l'immigration, pourquoi pas une fête ou une journée de l'immigration ?