UPPC sur "Ségolène Royal et de la nécessité de jeter un pont sur la Méditerranée"
Par RichardTrois le 01/12/2009
Ségolène Royal ouvre l'Université populaire et participative sur l'Euro-Méditerranée - © RichardTrois
Ségolène Royal a décidemment le sens du moment qu'elle met au service d'une vision de l'avenir. Elle le démontrait encore hier, lundi.
Alors qu'Eric Besson, Nicolas Sarkozy et l'UMP instrumentalisent le débat sur l'Identité Nationale
et le vote suisse sur les minarets en jouant sur les peurs, Ségolène
Royal ouvrait hier une nouvelle université populaire et participative, animée par Najat Vallaud-Belkacem et consacrée à l'Euro-Méditerranée et ce que Ségolène Royal a appelé cette « utopie réalisable d'une union de la Méditerranée ».
Plus de 750 personnes sont venues au Théatre Dejazet questionner notre avenir forcément méditerranéen et écouter Antoine Sfeir, Directeur des Cahiers de l'Orient et professeur en relations internationales au CELSA, Pascal Boniface, geopolitologue, fondateur et dirigeant de l'Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS), Hakim El Karroui, essayiste, fondateur du Club XXIème siècle, Jean-François Coustillière, Contre-Amiral et fondateur du cabinet JFC Conseil et Sihem Belkhodja, directrice des rencontres chorégraphiques de Carthage et initiatrice du Printemps de la danse en Tunisie.
Tous ont dit la somme de défis, de fractures et de dangers accumulés au fil des ans. Ce qu'Antoine Sfeir a résumé ainsi :
« Pour
ajouter à cette complexité nous ne pouvons ignorer le métissage naturel
ou cette capacité de la 'Mare Nostrum' à engendrer des rencontres et
des échanges, créant à force de brassage des valeurs collectives, des
synthèses de pratiques, de coutumes des synthèses décodées. De tous
temps la Méditerranée a été une source de mixité socio-culturelle
aujourd'hui encore. Si l'arabe est différent de l'européen, cette
différence demeure la plus proche, que nous le voulions ou non.
Mais les ruptures s'articulent aussi autour de fractures qui
s'aggravent ses dernières années. Fracture démographique (...).
Fracture économique (...) Fracture constitutionnelle (...) et Fracture
mentale. Si au Nord on cherche à se rassembler, le Sud est caractérisé
par l'éclatement (...). A la fracture Nord-Sud, vient s'ajouter la
Fracture Orient-Occident. Certains n'hésitent à comparer dans leur
discours ce rapport Orient-Occident à l'ancien affrontement Est-Ouest.
En effet, le 11 septembre 2001 est passé par là (...). Les fractures
mentales entraînent la fragmentation de l'espace, des perceptions
erronées, des représentations approximatives. Mixité, proximité,
métissage réussiront-ils à aller à l'encontre de la peur de l'autre, du
rejet de l'Etranger? »
Mais comme l'ont rappelé très justement les invités notamment en
conclusion de ces 2 heures 30 de débats, ces défis peuvent être
relevés. Ils sont et seront une source de richesses économiques comme
culturelle pour les 2 rives de la Méditerranée.
Ainsi lors de la conclusion des débats, Pascal Boniface expliquait ainsi :
« Il
est central que nous développions une coopération à multi-niveaux,
entre populations, entre dirigeants, entre intellectuels, entre
artistes, parce que c'est notre avenir qui est en jeu.
Et effectivement, je ne veux pas dire par là que les relations avec le
Sud, cela doit être le monopole des français d'origine maghrébine. Mais
il est certain qu'il y a une sous-utilisation des énergies et des
compétences dans ce pays qui est un drame parce que cela pourrait être
un potentiel énorme. Puisque que l'on parle d'identité nationale parlons plutôt de rayonnement de la France.
Et on s'auto-limite dans notre rayonnement, en se privant de talents,
en ne mettant pas assez en avant ces énergies. Et là c'est une perte
sèche pour le pays, c'est dramatique. (...).
Et dernière chose. Souvent on dit « ces gens n'ont pas les mêmes valeurs, etc... » alors que nous avons les même valeurs. Mais ce qui nous est reproché, ce n'est pas nos valeurs mais l'application sélective que nous en avons.
Les doubles discours. Les « faites ce que je dis pas ce que je fais ».
Donc si on est cohérent sur nos valeurs, si on les applique nous-mêmes,
on aura nettement moins de difficultés.
Je me rappelle très bien en Tunisie. A propos d'un colloque, j'ai
discuté avec la présidente des Femmes Tunisiennes, qui est en même
temps professeur de médecine à l'Université et qui m'a dit que le
lendemain des frappes américaines sur l'Irak, elle a vu arriver des
étudiantes voilées. Elle leur dit « mais qu'est ce qui se passe, c'est
interdit ». Elles lui ont répondu « c'est une question d'identité ».
Donc il ne faut pas seulement réfléchir aux effets, il faut aussi réfléchir aux causes. »
Au
cours de cette université, il est apparu que l'une des barrières à un
développement utile et harmonieux de la Méditerranée est l'asymétrie
dans la connaissance de l'autre, une asymétrie soulignée notamment au
travers de l'intervention de Sihem Belkhodja.
Ségolène Royal y est revenue lors de sa conclusion des débats :
« Dans
cette utopie réalisable d'une union de la Méditerranée, d'une alliance
entre le Nord et le Sud, de ce bassin de civilisation (...), nous avons
eu des discours très pessimistes et en même temps des lueurs
d'optimisme.
Et à Désirs d'Avenir
puisque nous construisons l'avenir, nous voulons nous appuyer sur des
points positifs pour pouvoir imaginer un avenir meilleur. A nous de
nous en saisir, de continuer ces débats pour que nous puissions évoluer
ensemble dans notre connaissance du monde.
Je retiens surtout cette asymétrie qui a été mise en avant ce soir :
c'est-à-dire le Sud qui connaît d'avantage le Nord que l'inverse. Je crois que nous payons très chèrement et très douloureusement cette asymétrie.
Je crois que c'est cela qu'il faut rattraper très rapidement sur tous
les plans. Que ce soit dans le domaine culturel, que ce soit dans le
domaine de la sécurité, que ce soit dans le domaine économique, que ce
soit dans le domaine écologique. Ces enjeux là sont absolument
essentiels. Mais je suis persuadée que notre avenir commun dépend de
cette capacité que nous aurons à nous comprendre et à rattraper cette
asymétrie, ce retard que nous avons accumulé au cours des années
passées dans nos connaissances réciproques. »
Voici l'extrait vidéo de cette conclusion des débats :
Et voici le témoignage de Sihem Belkhodja,
directrice des rencontres chorégraphiques de Carthage, qui a expliqué
cette asymétrique ainsi le développement du port du voile depuis
quelques années et à mesure que s'agrandissent les fractures décrites
par Antoine Sfeir :
Retrouvez mardi après-midi l'ensemble des interventions notamment celles d'Hakim El Karroui, l'Amiral Jean-François Coustillière et Pascal Boniface sur le site de Désirs d'Avenir. Je vous conseille aussi sur le site de Désirs d'Avenir la fiche de lecture de l'ouvrage d'Hakim El Karroui : "L'avenir d'une exception, pourquoi le monde a encore besoin des Français"
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