Royal, Villepin et les nouveaux Français
L'année
2009 se présente comme une année charnière. Des structurations
nouvelles de l'opinion ont vu le jour. Elles portent en elles des
changements politiques probables par la naissance de hors jeux
culturels qui sélectionnent les "bons candidats" de demain.
2009 peut être à la présidentielle 2012 ce qu'avait été 2005. En 2005, la présidentielle 2007 a trouvé son nouveau contexte.
Les Français avaient tourné la page politique de Jacques Chirac. Ils
ouvraient une nouvelle page où l'énergie devait donner un nouveau
rythme à l'action, casser des codes perçus comme artificiels. L'année
2005 est la fin d'une génération de politiques y compris à gauche avec
les retours impossibles de Jospin, Fabius et la naissance au premier
plan de Ségolène Royal.
A nos yeux, 2009 a vu apparaître 9 nouvelles tendances.
1) La fin d'Hollywoodland. C'est la fin de la frime, du clinquant, de
la démesure. La crise d'octobre 2008 est passée par là. Surtout, la
crise d'octobre 2008 est toujours là en décembre 2009. Elle ne concerne
donc plus les banquiers et les "crises sytémiques" de la "haute
finance" mais chacun dans son quotidien. Dans ce contexte, la démesure
n'est plus la vraie vie. Au pire, elle devient même une insulte à la
vraie vie.
2) La haine de l'autre est en passe de laisser la place au réflexe de
la main tendue à l'autre. La confrontation permanente a montré ses
limites et surtout ses dangers. Elle ne solutionne rien. Elle aggrave.
Or l'opinion a besoin de solutions parce que seules les solutions
apportent des améliorations concrètes. Cette évolution annonce un
nouveau discours plus apaisé, plus tolérant.
3) La conscience de la dette publique s'annonce. Pour la première fois
à ce point, l'opinion découvre la réalité de l'ampleur de la dette et
des conséquences à terme. Cette évolution annonce la mode des économes
et non plus des "grands investisseurs".
4) La fin de la mode des militants pour devenir un citoyen respecté.
Les adhésions dans les partis chutent. Le militantisme est perçu comme
une discipline excessive qui va à l'encontre de la liberté de la
citoyenneté. Cette évolution annonce l'évolution suivante relative aux
partis politiques.
5) Les partis politiques deviennent out. La mode est aux clubs, aux
réseaux. Etre dans un parti, c'est être fan. Etre dans un club ou dans
un réseau c'est rester soi. Etre dans un parti c'est obéir. Etre dans
un réseau c'est le faire vivre.
6) La grille de lecture est celle d'être et non plus de promettre. La
parole d'élection est moins crédible que jamais. Par conséquent,
l'opinion veut aller au-delà des mots pour sonder les coeurs et les
âmes.
7) Ce d'autant plus que l'opinion ne veut plus être dirigée mais
comprise. Une étape nouvelle est née dans la démocratie d'opinion. Le
leader moderne écoute et comprend pour traduire dans les faits. Il
n'impose plus.
8) La mode des voisins s'annonce donc la mode de la proximité. Hier la
planète était belle et le voisinage était insupportable. Aujourd'hui,
la planète devient ingérable et le voisinage peut être la survie. C'est
la mode des petites villes, des pays, des terroirs et non plus des
"grandes dimensions".
9) Le besoin de neuf comme facteur d'un rêve possible. Le neuf est gage
d'authenticité tandis que l'usé devient recyclé. Le neuf c'est la
possibilité de nouveau départ tandis que l'ancien peut être l'illusion
de plus, l'illusion de trop.
Ces 9 tendances voient le jour. Elles créent des hors jeux culturels.
De façon très étonnante à ce point, le pouvoir présidentiel incarne de
nombreux hors jeux, depuis la conception trop hiérarchisée de l'UMP en
passant par l'obstination dans l'adoption de lois, dans l'usage d'un
vocabulaire qui exclut ; voire même dans le choix d'enjeux collectifs.
L'identité nationale porte la confrontation et l'exclusion tandis que
le "modèle Français" ou le "nouveau rêve français" aurait porté
l'intégration, l'union, le positif ... Tous ces facteurs expliquent
l'actuel divorce entre la majorité présidentielle et l'opinion. Il est
à craindre qu'il ne s'amplifie.
Ces tendances ouvrent de nouveaux espaces. Il y en a deux qui nous
semblent mériter l'attention dans leurs démarches : Ségolène Royal et
Dominique de Villepin.
Ségolène Royal est probablement, volontairement ou pas, celle qui vit
le mieux ces tendances parce qu'elles les a occupées pour partie dès
2006. Le retour impossible aux commandes d'un parti politique est
peut-être le meilleur service rendu. Elle est la rebelle contre le
système installé. ce système qui ne veut pas d'elle, qui tente de la
casser. A terme, cette attitude rebelle est un excellent label puisque
l'opinion veut condamner ce système qui ne règle pas les problèmes du
quotidien. Si ce système ne veut pas de Ségolène Royal c'est qu'elle ne
lui ressemble pas. La "logique systèmique" crée la valeur ajoutée de
Ségolène Royal.
Il y a un volet qui mérite l'attention c'est aussi le sentiment que
2012 sera sa véritable première campagne parce que 2007 a été une
"campagne volée" par le PS qui ne lui a pas donné les moyens d'un vrai
combat loyal. C'est une donnée qui est passée dans l'opinion.
Pour Dominique de Villepin, l'année 2009 est la naissance par un cri
lors du procès Clearstream "je suis là par la volonté d'un homme".
Chaque naissance passe par un cri. Sa première naissance avait été le
cri à "la tribune de l'ONU". Il était alors le rempart contre le
gendarme du monde qui voulait se tromper et emporter les autres dans
son erreur volontaire donc dans son mensonge. Villepin incarnait le
courage contre le mensonge. Il incarnait un courage d'antant plus grand
que l'opinion savait la cause perdue.
En octobre 2008, il est devenu la "victime" d'un système qui incarne
alors le pouvoir absolu donc l'instrumentalisation. Ce procès n'est pas
un affaire de fric. C'est une affaire de pouvoir. L'opinion sait que
les allées du pouvoir ne sont pas innoncentes. Elle perçoit que ce
procès n'est que la face apparente de tellement d'autres manoeuvres
éventuelles qui lui sont cachées. Il n'y a plus recherche de justice
mais utilisation de la justice pour d'autres fins. Tout devient
différent. Partager cette cause serait partager cette
instrumentalisation et alors pouquoi lui, pourquoi lui et pas tant
d'autres ...?
Dans ce contexte très particulier, vivre sa première campagne sera une
chance. Ne pas avoir de parti politique devient un atout. Etre victime
assure le sens des épreuves. Il lui reste encore la proximité à traiter.
Ce sont aujourd'hui les deux tempéraments qui ont pris la "vague", volontairement ou pas.
Le prochain rendez-vous sera celui du printemps 2010 quand
l'après-régionales marquera le lancement effectif de la présidentielle
2012. Les actes à cette époque vont consolider ou fragiliser les
actuels espoirs.