Et si la Présidentielle se jouait sur les retraites ?
Avec le style inimitable qui est le sien, Nicolas Sarkozy vient de
relancer le débat sur les retraites. Préférant instrumentaliser les
angoisses plutôt que faire la pédagogie d'une reforme, jouant l'urgence
sur un dossier pourtant bien connu, il n'en a pas moins soulevé une
question incontournable et dont la solution, c’est vrai, se fait sans
doute trop attendre !
On
reprochera d'abord à la Droite de nous avoir fait croire, à deux
reprises en 2003 et en 2008, que le problème était enfin réglé : il
n'en est rien et le besoin de financement reste massif (25 milliards
d'ici 2025 ; 50 d'ici 2050).
On reprochera ensuite à la Gauche
de n'avoir rien su proposer, engluée dans ses contradictions et ses
frilosités. L'heure de vérité serait elle enfin arrivée ? A en croire
les annonces officielles, 2010 serait LE moment d'une vraie reforme !
Compte
tenu des enjeux financiers et sociaux de cette affaire, on peut penser
alors que c'est sur ce dossier que se jouera la présidentielle. Si
Nicolas Sarkozy parvient à ses fins sans susciter une mobilisation
sociale massive, il aura gagné la bataille des réformes, démontré sa
capacité à conduire le changement et du même coup remobilisé son camp à
quelques encablures de la présidentielle.
A l'inverse il aura
définitivement compromis son quinquennat ! Mais la Gauche joue une
partie tout aussi serrée. Si elle prend le risque de s'enfermer dans le
refus ou une fois de plus dans les incantations, elle laissera dans ce
débat ce qui lui reste de crédibilité gouvernementale ! Aussi ne
peut-on que l'encourager à se saisir des ambiguïtés du calendrier
sarkozien pour reprendre la main. Le Président de la République ne
s'est en effet pas donné les moyens de son ambition affichée : à savoir
dégager un consensus national dont il n'a en réalité nul envie. Il ne
tient guère en effet à partager le bénéfice d'un éventuel succès dont
il a tant besoin pour la poursuite de sa stratégie.
Aussi le
PS devrait-il proposer avec insistance et fermeté la convocation d'une
grande conférence sur les retraites destinée à fixer les paramètres de
la réforme. Il devrait le faire aussi au nom de sa culture de
gouvernement et en affichant sa détermination à ne consentir qu'à une
réforme qui protégerait les plus modestes : prise en compte de la
pénibilité (enfin); minimum garanti de pensions pour enrayer
l'appauvrissement des retraites ; situation particulière des femmes
pour ne prendre que les exemples les plus saillants. Une telle
initiative bousculerait la stratégie du pouvoir, démontrerait notre
capacité à assumer les défis sociaux et à proposer des solutions et
nous permettrait à tout le moins de partager le bénéfice d'un éventuel
succès. Le Ps est il capable d'un tel choix ?
Ma conviction
est qu'en le refusant, il prendrait le risque de se disqualifier pour
la présidentielle : le mécontentement des Français ne s'accommode plus
d'une absence de projet alternatif ! Mais, me dira-t-on, si chaque camp
doit se partager la récompense d'une réforme, qu'est-ce qui fera
pencher la balance d'un coté ou de l'autre ? A cette légitime
interpellation, je répondrais : la retraite a 60 ans. Avec
l'allongement de la durée de cotisation elle n'est plus qu'un symbole.
Mais si puissant : Sarkozy ne s'y est pas trompé, qui veut faire de sa
remise en cause le marqueur (de droite) de sa reforme.
Il
serait inconcevable que la Gauche lui prête la main sur ce terrain
....comme certaines déclarations maladroites ont pu le laisser
craindre. Là se trouve la frontière à ne pas franchir… sauf à avoir
obtenu de puissantes avancées sur le reste du dossier. Mais il ne
pourrait s'agir que d'une carte à abattre pour la fin des discussions
et au vu de leur bilan...
Gaëtan GORCE