Ségolène Royal et le grand chambardement
Ségolène
Royal peut compter avec un paysage en total décomposition qui ouvre des
espaces entièrement nouveaux au lendemain d'élections régionales qui
vont symboliser un système politique à bout de souffle.
Le
discours sur la crise a engendré une crise du discours politique.
La crise a envahi le discours politique. La crise explique tout,
justifie tout et son contraire. Régulièrement, sur l'air du "c'est la
faute à la crise", tous les hommes politiques, à gauche comme à droite,
se retrouvent pour justifier leur impuissance ou leur impopularité.
Cette abondance a dénaturé le mot crise. Il est devenu un non-événement
suscitant ni émotion ni réflexion. Tout est en crise : l'économie, les
moyens de la fonction publique, la surveillance pénitentiaire, la
sécurité scolaire ... pas un secteur n'échappe à la crise.
Ecran ou excuse, la référence à la crise dissimule l'échec ou les choix
d'une politique.
A force de parler ainsi de la crise, le discours politique est entré en
crise.
L'histoire nous apprend que le discours de crise acquiert sa propre
identité.
Il existe une veine du discours politique de crise populaire et
démagogique qui porte en lui l'affrontement. Ce discours là fait appel à
des termes spécifiques. A grand renfort de caricatures et de formules
vengeresses, il fait parler souvent la plus mauvaise part de l'homme et
du citoyen. Ce qui gêne le plus dans ce genre de discours, c'est qu'il a
la prétention de "dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas".
Ce type de langage, avec de qu'il a d'excessif et d'inquiétant, trouve
une certaine audience parce qu'il tranche résolument sur les autres. Il
laisse en route les nuances. Il "parle" directement.
Il fut un temps où les politiciens (comme on disait alors) s'exprimaient
dans un style lyrique et fleuri. C'est le créneau de Frêche.
Pour d'autres, le discours politique sous l'effet de la crise est
toujours contraint de perdre de son abstraction et de s'ouvrir aux
réalités concrètes. C'est cette évolution incontournable que le système
politique actuel est en train de rater.
Sur le plan national, la campagne des régionales tombe de plus en plus
bas.
Elle se déroule à côté des véritables questions liées à la crise.
Aujourd'hui, le JDD indique que 63 % des Français sont mécontents de la
politique conduite. Y a-t-il seulement un responsable de cette politique
qui cherche à expliquer, à donner des raisons, à fournir des
explications. Non, la méthode est toute trouvée : "sondage n'est pas
vote". Ainsi, les Français diraient non dans les sondages mais oui dans
les isoloirs : belle considération pour les citoyens Français ...
Le Médiateur de la République exprime officiellement ses inquiétudes sur
le fait que 15 millions de Français sont matériellement à bout de
souffle, incapables souvent de savoir comment la fin de mois sera
assurée. Qui en parle ? Qui propose des solutions concrètes, précises ?
Personne. Il est question du surendettement auprès d'organismes qui
pratiquent des taux très élevés. Si des personnes contractent, c'est
qu'elles ont besoin de cet argent. Ce "malendettement" cache une réalité
matérielle que les pouvoirs ne veulent pas voir.
Et pendant ce temps, les candidats s'invectivent, montant à la tribune
pour livrer les "belles formules" toutes prêtes, souvent très
réchauffées car utilisées depuis tellement de campagnes.
Des ministres sont envoyés en mission pour porter la bonne parole. Et
ils reprennent le discours type en adaptant quelques formules. Parfois
cette adaptation déraille. En Bourgogne, Estrosi appelle de "tout son
coeur" à voter pour le Président sortant qui est ... socialiste (voir
vidéo ci-dessous).
Cette élection fait aujourd'hui 48 % d'abstention. Et dire que les
régions devaient être les collectivités d'avenir de la France !
Les régionales montrent un système de pouvoir politique à bout de
souffle, entièrement tourné sur lui-même, faisant appel à des recettes
d'une autre époque, devant des militants toujours moins nombreux.
Les régionales vont être le marqueur d'une défaite plus globale : un
système politique à bout de souffle.
Dans ce contexte, il y a toujours un espace pour un fort tempérament qui
ait envie de se mettre en danger pour exposer des changements radicaux.
Ségolène Royal est probablement celle qui a le profil le plus
prometteur pour livrer un tel défi.
Par ailleurs a-t-elle vraiement le choix ? Peut-elle rester dans la
course présidentielle sans "changer la donne classique" ?
Les régionales vont peut-être marquer le début d'un grand chambardement ?