Mélenchon a mis Aphatie K.O. sur les retraites
Régis Soubrouillard - Marianne | Mardi 13 Avril
2010
Invité de RTL, le patron du parti de gauche s'est démarqué du discours ambiant sur la question des retraites, refusant de relayer l'affolement de circonstances, assénant moult chiffres à l'appui de sa démonstration à un Jean-Michel Aphatie qui n'en demandait pas tant.
De façon argumentée, Jean-Luc
Mélenchon s’est fait fort ce matin au micro de RTL de
dépassionner la question des retraites, bien décidé à ne « pas se
laisser clouer le bec par des pseudo-évidences qui ne sont que des
préjugés ». Suivez mon regard...
Aphatie démarre avec une
première affirmation : « on peut évoquer un problème de financement
pour les retraites, on évoque un déficit d’environ 15 milliards d’euros
d’ici 5 ans ».
Minute, papillon ! S’appuyant sur les
chiffres du Conseil d’Orientation sur les Retraites, Mélenchon
rectifie : « le COR évoquait 5 milliards en année hors crise et 10
milliards pour 2010-2011. Les 15 milliards je demande à voir où ils
sont ». Il y a moins de
10 jours, sur son blog, Jean-Michel Aphatie parlait lui aussi d’un
coût de 5 milliards.
Aphatie évoquait une valse des
milliards. Il n'avait pas fini de l'étonner puisque cet après-midi, se
fondant sans doute sur des confidences des membres du COR, Le Monde
indiquait que le coût de la retraite s'établirait à ... 30 milliards en
2010. Il faut vite acheter car à ce rythme, on dépassera les 100
milliards par an dès janvier 2011.
Taxer les revenus du travail et l'intéressement
Soucieux de ne pas affoler les Français, Mélenchon précise que 5
milliards c’est « 2,5% du budget total des retraites. Si vous avez
1000 euros de revenus, il y a des gens qui rêveraient de finir le mois
avec seulement 25 euros de découvert ». Disons qu'à trente
milliards, ce serait un découvert de 15%, plus conforme à la réalité des
comptes bancaires des Français...
Côté solutions, l'ancien sénateur
reprend les recommandations de la Cour des Comptes qui consisteraient
tant à taxer les stock options au même niveau que sont taxés les revenus
du travail : « ça vous donne 3 milliards. Si vous taxez
l’intéressement, ça vous fait 2 milliards et on a eu besoin de toucher à
rien sinon qu’établir une justice que tout revenu doit contribuer à la
retraite ».
Dans son style, Mélenchon pointera également
le clergé des « yaka » : « quelques beaux esprits disent y’a qu’à
allonger la date de départ à la retraite, 61 ou 62 ans. Ils ne se
soucient pas de savoir ce que ça va rapporter. Fort peu d’après le COR, à
peine 9% de ce qui est nécessaire dans les années 2050 ».
Le président du parti de gauche estime pourtant qu’il y a des réformes à
faire : « notre intérêt est que les gens partent à 60 ans dans de
bonnes conditions, que leurs retraites soient calculées sur les 10
dernières et représentent 75% de leurs salaires. C’est autant de
consommation parce que ce sont souvent de petits salaires. Plus les gens
partiront à temps, plus cela libèrera des postes pour des jeunes,
contrairement à ce qu’a dit Alain Duhamel dans sa chronique (NDLR :
« Moins on bouge, mieux c'est pour les plus âgés et plus mauvais
pour les jeunes » selon Duhamel
) ».
Des économies qui ont un coût
Quelque peu désarçonné par l’avalanche de chiffres et
l’argumentation de Mélenchon, qui refuse de faire de la question des
retraites un « problème », Aphatie tente une attaque par la
droite…libérale : « si on vous écoute, on se dit heureusement qu’il y
a des riches en France puisque c’est eux qu’il faut taxer ».
-« Non, c’est dommage qu’ils se soient à ce point accaparés la
richesse. Ils ne sont pas utiles en tant que riches. Le pays produisait
1000 milliards d’euros en 1980, il en produit 1950 aujourd’hui.
Dans les
années 90, la France gagnait 20 à 50 milliards de plus par an,
maintenant c’est jusqu’à 100 milliards et le déséquilibre est de plus en
plus grand entre ceux qui captent tout et ceux qui ont de moins en
moins. Il faut déplacer le curseur de 10 points, ça fait 195 milliards
de ressources en plus par an . Avec moi, les riches payeront. C’est
clair ».
Le dernier échange est un grand moment de
radio : tout à ses obsessions, Aphatie interroge Mélenchon sur l’alignement du
calcul des retraites des fonctionnaires sur celles des salariés du
privé. Avec déjà un genou à terre, la réponse de Mélenchon est le
coup de trop : « c’est impossible. Et vous savez pourquoi ? Parce
que rien n’a été saisi informatiquement. Comme c’était la règle des six
mois, personne n’a pensé à le faire. Il n’est pas possible de revenir
sur les 25 dernières années des fonctionnaires. Les travailleurs du
service public sont sauvés par le manque d’équipements informatiques des
services publics et j’ai pas fini de rigoler ». Eh oui, le comble
des économies, c’est qu’elles ont un coût…