L’heure de vérité
C’est officiel, en échange du plan de sauvegarde concocté à
Bruxelles, les Etats européens sont invités à renoncer à toute politique
économico-financière autonome. Attachez vos ceintures : chaud débat en
vue !
*
En attendant, permettez-moi de faire remarquer que les
consultants de ce blog ne pourront pas se plaindre de n’avoir pas été
prévenus (non, non, inutile de me remercier, je n’ai fait que mon
devoir !!!).
1- La croissance de notre économie au premier semestre
2010 aura été quasiment nulle (+ 0,1 %) et, surtout, contrairement à ce
que tambourine un certain discours propagandiste, plus faible que la
moyenne de la croissance européenne : + 0,2 %. Même l’Italie et
l’Espagne ont fait beaucoup mieux.
D’une façon générale, nous ne
sommes nullement les meilleurs, nous faisons partie des plus mauvais,
mais nous sommes les moins mauvais des plus mauvais. Ou, plus
exactement, nous ne sommes les pires en aucun domaine, mais à la
différence de nos partenaires, nous sommes assez mauvais en tout.
2-
Le faramineux plan de sauvegarde concocté à Bruxelles se heurte à un
scepticisme généralisé, comme le prouve la flambée de l’or qui redevient
une valeur-refuge et la remontée des taux d’intérêt exigés de la Grèce.
Gageons que, bientôt, même Frédéric Lefebvre ne clamera plus que c’est
Sarkozy tout seul, comme un grand, qui en a eu l’idée.
En fait, c’est
Barack Obama qui a exigé cette mobilisation virtuelle de 750 milliards
de dollars pour éviter une dégringolade de l’euro, ce qui aurait dopé
excessivement le dollar et cassé le début de reprise américaine.
3-
Sarkozy s’est prononcé en faveur d’un gouvernement économique au niveau
de la zone euro. Théoriquement, il n’a pas tort. Or, la Commission
européenne, faisant du zèle, vient de proposer que les budgets des pays
membres de l’Union, même si ceux-ci n’ont pas adopté l’euro, puissent
lui être soumis préalablement pour examen. Ce qui revient à contrôler
leur politique économico-financière pour les empêcher de programmer des
déficits excessifs.
Or, qui a été le premier à dénoncer cette
proposition ? Luc Chatel au nom de la France. Et, théoriquement
toujours, il a raison. Mais, alors, en dehors de l’incantation,
qu’est-ce qu’une gouvernance économique européenne ?
4- Ne
tournons pas autour du pot : notre croissance en 2009 et au premier
trimestre 2010 ayant été beaucoup plus faible qu’annoncée, notre dette a
d’ores et déjà augmenté de 1 % (en part de PIB). Et, il se confirme, en
outre, que la reprise économique pour 2010 et 2011 sera, au mieux, deux
fois moins dynamique que prévue : moins de 1 % en 2010.
Ajoutons
que les mesures lourdes d’austérité prises dans plusieurs pays, qui sont
nos partenaires et clients, et la réduction de nos propres dépenses (au
mieux de 10 % en trois ans) risquent même de rendre plus grises encore
ces prévisions. Donc, mécaniquement, les suppléments de recettes
attendus vont faire défaut. En conséquence, pour réduire les déficits,
ne serait-ce que de 3 %, si on ne veut pas s’attaquer au système fiscal,
ce sont à des coupes budgétaires d’une extrême brutalité qu’il va
falloir procéder. Lesquelles auront à leur tour un effet récessionniste.
Le reste est camouflage et poudre aux yeux.
5- Des mesures
de rigueur acceptables et efficaces, on pourrait en décliner
quelques-unes : si on récupérait les 15 milliards qu’a coûté la loi
TEPA, défiscalisation des heures supplémentaires comprise ; les 23
milliards correspondant aux niches fiscales les plus iniques, telle la
fameuse niche Copé qui exonèrent les plus-values générées par les ventes
de filiales de grandes société ; les 20 milliards que représentent ce
que nous dépensons de plus que l’Allemagne et la Grande-Bretagne en
matière militaire ; les 20 milliards qui correspondent à la partie la
plus obsolète des réductions de charges sociales accordées aux grandes
entreprises pour faire passer les 35 heures ; les 3 milliards de baisse
de TVA sur l’hôtellerie et la restauration qui n’ont quasiment pas créé
d’emplois ; les milliards de trop que coûte le train de vie de l’Etat,
présidence de la République en tête (le plus dispendieux, et de loin, de
toute l’Europe en frais de personnel, d’apparat, de protection, de
transport, de communication, etc.) ; et quelques autres milliards qui
servent à subventionner des associations bidons ou amies, voire des
clientèles… si, donc, on réinjectait dans le budget ces quelques 90
milliards que représentent, soit des dépenses abusives, soit des
moindres recette aberrantes, on réduirait considérablement le déficit
des comptes publics.
Mais, il est évident qu’on ne fera pas ces
choix-là. On préférera, entre autres, couper dans les dépenses sociales.
*
Pour terminer en se bidonnant, signalons ce gros titre de une
du Figaro « rigueur budgétaire : un piège pour le PS ! ». Même à l’Huma,
dans les années 50, ils n’auraient pas osé.
Mercredi 12 Mai 2010