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23 juin 2010

Guillon et Porte licenciés, Bern "désavoué", Hees : "faut pas pousser"

Le jour où France Inter a viré ses bouffons en direct

Guillon et Porte licenciés, Bern "désavoué", Hees : "faut pas pousser"

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La fin du feuilleton a été brutale. Et expéditive. Après des mois d'affrontement et d'escarmouches plus ou moins vives avec Stéphane Guillon et Didier Porte, la direction de France Inter a fait le ménage en une demi-journée. En l'espace de cinq heures ce mercredi 23 juin, les auditeurs de France Inter ont appris qu'à la rentrée, ils ne retrouveraient plus Guillon et Porte à 7h55. Mais aussi que la case d'humour était supprimée de la matinale, et que Didier Porte était viré du Fou du roi, contre l'avis de son animateur et producteur Stéphane Bern.

Les derniers actes du règlement de compte se sont déroulés en pleine   lumière, et à la vitesse grand V. Ce mercredi matin, c'est Stéphane   Guillon qui a ouvert le bal, avec ce qu'il a présenté comme sa dernière   chronique.

Et pour dire "au revoir et merci" à ses auditeurs, il s'est attaqué bille en tête à la grille de rentrée, la  première élaborée par Philippe Val, directeur d'Inter, et Jean-Luc Hees,  le patron de Radio France : "Tout doit disparaître avec le grand  lifting de la rentrée : émissions emblématiques à la trappe,  journalistes sur la touche, rédacteurs en chef remplacés, mais surtout,  mesdames et messieurs, liquidation totale des humoristes, j'ai bien dit  totale !"

Résumé vachard : "France Inter, une radio de gauche qui  licencie comme la pire entreprise de droite"picto

Lorsqu'il parle de "liquidation totale", Guillon sait sans doute déjà ce qui va être annoncé quelques minutes plus tard sur le site du Monde.fr. Dans une interview au quotidien diffusée à 9 heures, Hees annonce la suppression de la case humoristique de la matinale. Et les mots frappent fort : "L'humour ne doit pas être confisqué par de petits tyrans. Je prends cette décision non pas sur une quelconque pression politique mais en m'appuyant sur des valeurs minimales d'éducation et de service public. Je considère que cette tranche d'humour est un échec. Elle a montré une grande misère intellectuelle, dont je ne m'accommode pas. Il n'y aura pas de changement d'horaire ni de remplaçants. Ce qui ne fait pas rire à 7h55 ne me fera pas plus rire à 3 heures du matin."

Le message adressé à Guillon est on ne peut plus clair : "Si l'humour se résume à l'insulte, je ne peux le tolérer pour les autres mais aussi pour moi. Quel patron d'une grande entreprise accepterait de se faire insulter par un de ses salariés sans le sanctionner ? J'ai un certain sens de l'honneur ; je ne peux accepter que l'on me crache dessus en direct."


Question de gros sous ou différend politique ?

En quelques phrases, et en motivant sans fausse pudeur sa décision par les avanies personnelles qu'il a subies, Hees clôt un feuilleton qui a agité le landernau médiatique pendant plusieurs mois. En février 2009, l'humoriste avait dépeint Dominique Strauss-Kahn en obsédé sexuel, puis, le lendemain, décrit Martine Aubry comme “un petit pot à tabac". En mars dernier, il avait fait scandale en qualifiant Eric Besson de "taupe du FN", aux "yeux de fouine", ce qui avait poussé Hees à s'excuser auprès du ministre de l'Immigration. Excuses que n'avait pas appréciées Guillon, lancé depuis le début de l'année dans une guérilla contre Val et Hees, nommés, rappelait-il à longueur de chroniques, par Nicolas Sarkozy. Le 11 janvier, après que Val avait déclaré que "l'actionnaire" n'était "pas très bien traité" sur France Inter, Guillon s'était déchaîné, pour ne plus s'arrêter, jusqu'au coup de sifflet final.

L'offensive de Guillon a-t-elle un sous-texte financier ? Sur le Point.fr, Emmanuel Berretta fait remonter la brouille au mois de juin 2009, où Guillon aurait réclamé, sans l'obtenir, d'être embauché à plein temps sur la station : "Selon Hees, Guillon ne se plaisait plus sur Canal+ en dépit d'un rond de serviette tout à fait appréciable (9.000 euros par semaine chez Thierry Ardisson). En effet, sur la chaîne cryptée, l'émission est enregistrée, ce qui permet à Canal+ d'exercer un contrôle éditorial. (...) L'affaire aurait pu se conclure si Guillon n'avait exigé que Radio France compense son manque à gagner. France Inter ne peut se permettre des cachets aussi élevés..."

Jean-Luc Hees - Le Monde -23/06/10

Le patron de Guillon avait déjà fait passer un premier message dans le Monde, le 1er avril, en se demandant dans une tribune pourquoi il n'aurait "pas le droit de ne pas rire aux injonctions  d'un membre du personnel" et rappelé que nul ne pouvait s'assurer  "un droit inaliénable de propriété d'un bien public", même en  "s'autoproclamant génial et intouchable". Cette fois, le président  de Radio France est passé à l'acte, y compris sans craindre de désavouer Philippe Val, qu'il a lui-même nommé. Val avait en effet  annoncé la semaine précédente dans Télé Loisirs que son intention  n'était pas de se "débarrasser de lui (Guillon, NDR) - mais dans une tranche  matinale vouée à l’information, il n’est pas utile de sortir son nez de  clown".

En clair,  Val songeait à déplacer Guillon dans la grille, mais en lui laissant un  espace. Hees en a décidé autrement, et l'a signifié dans l'interview du Monde, effectuée dans la soirée de mardi, a indiqué à @si son auteur, Daniel Psenny. Et pourquoi avoir attendu que Guillon ait fait sa chronique pour la mettre en ligne ? "Ce n'est pas une demande de Jean-Luc Hees, mais une décision du Monde, assure-t-il. Je ne savais pas ce qu'il y aurait dans la chronique, et j'estime qu'il était normal de laisser l'annonce se faire sur France Inter d'abord."

Au passage dans cette interview, Hees tacle gentiment Val : "Il y a parfois eu des maladresses. Qui n'en commet pas ? Mais, dans un an, M. Val n'agira pas de la même façon. Il a atterri dans une grosse structure. Mon erreur a été de le laisser y aller seul. Depuis quelques semaines, il travaille avec Laurence Bloch, qui connaît parfaitement la maison. Il ne s'agit pas d'un recadrage, mais d'un renforcement."


Estrosi s'est plaint de Porte

Le journaliste du Monde était "concentré sur la matinale de France Inter". Ce qui lui a fait rater une autre annonce importante, et plus étonnante encore. C'est Didier Porte qui en donné la primeur à l'AFP, peu de temps avant d'entrer en studio, pour sa chronique quotidienne du Fou du roi, à 12h05 sur France Inter : il a reçu le matin même une lettre recommandée lui signifiant qu'il était mis fin à sa chronique de la matinale, mais aussi à celle du Fou du roi ! Là encore, Hees a contredit Val : "La semaine dernière, Stéphane Bern, producteur et animateur du Fou du roi, avait rencontré Val, qui lui avait assuré que je serais toujours à l'antenne à la rentrée", rappelle Porte, contacté par @si. "Pour moi, c'est une décision de Jean-Luc Hees, qui veut marquer les esprits, avance-t-il. Mais il devrait mesurer son langage : me virer, ok, mais me dénigrer en me traitant de petit tyran dans le Monde…" Porte annonce son intention d'attaquer France Inter aux prud'hommes : "Ca fait dix ans que je suis dans la maison, ça correspond normalement à un CDI. J'ai un contrat de grille, qui court jusqu'à la fin de la semaine. Le jeudi, je fais normalement ma chronique dans la matinale, en plus celle du Fou du roi, mais il y aura grève. Il devrait m'en rester une, vendredi midi en public à Bordeaux, mais je ne sais pas si je serai au micro."

Pour quelle raison Porte est-il viré ? Hees a répondu en   direct aux questions de Claire Servajean, la présentatrice du journal de   13 heures d'Inter, et n'a pas caché qu'il avait été très choqué par la fameuse chronique dans laquelle le chroniqueur invitait Dominique de Villepin à répéter : "J'encule  Sarkozy", pour  se détendre avant une interview.

picto "Moi ça m'est intolérable, je ne  veux pas avoir honte."

Mais pour l'humoriste, qui était venu sur notre plateau s'expliquer sur cette chronique, l'argument n'est qu'un prétexte. "Ca vient de beaucoup plus loin, ça fait dix ans que je fais des chroniques engagées et on me le reproche aujourd'hui", répète-t-il. Avant de balancer : "Je sais que Christian Estrosi a récemment écrit à la direction pour se plaindre d'une de mes chroniques, où je me moquais de lui." Le cabinet du ministre de l'Industrie a confirmé à l'AFP avoir bien écrit fin avril à France Inter, mais "simplement" pour demander un droit de réponse et non pour "demander sa tête". Hees, lui, prend soin de répéter à plusieurs reprises, dans le Monde, et sur France Inter, que ses décisions ne sont pas politiques.


"Désaveu personnel" pour Bern, qui en tirera "les conséquences"

Politique ou pas, il y en a un qui n'a pas du tout apprécié la décision de son patron, c'est Stéphane Bern. "C'est moi qui lui ai appris, avant l'émission", raconte Porte. Or, Bern avait publiquement pris sa défense, notamment dans un commentaire laissé sur le site des Inrockuptibles, où il assurait que "les polémiques concernant la chronique de Didier Porte à la Matinale de France Inter n'auront aucune incidence sur sa participation présente et future au Fou du Roi (…) Didier Porte n'ayant insulté personne dans "le Fou du Roi" et y exerçant avec talent son travail de chroniqueur, il conserve mon soutien."

Cette fois, c'est en direct que l'animateur a fait connaître son mécontentement, juste après que Porte a annoncé son licenciement à la fin de sa chronique. Bern lui réitère son soutien, sous les applaudissements du public –quelques "Val, démission !" fusent même. Mais surtout, il déclare vivre ce licenciement comme "un désaveu personnel", dont il saura tirer "les conséquences".

Moment très rare… picto

Interrogé par @si peu après cette sortie, Bern se déclare simplement "furieux" et réitère encore son "soutien" à son chroniqueur. Et quid des "conséquences" ? "J'essaie d'obtenir une réunion avec la direction pour en parler, je fais le pied de grue", répond l'animateur. A Voici.fr, il a expliqué pourquoi il va devoir négocier : "Ce que j’ai appris, c’est qu’il y a des subtilités juridiques qui m’échappaient. Didier Porte a un contrat de grille avec France Inter, contrairement aux autres du Fou du roi qui dépendent directement de moi. Cela veut dire que si Monsieur Hees veut se séparer de Porte, il en a le droit.. Je trouve cela très violent." Et sur le site de Jean-Marc Morandini, il indique ne pas être certain de rempiler pour la prochaine saison : "Si je continue, il faut que je m'assure que je ne serai pas un pantin, et que je continuerai à choisir les personnes avec qui je travaille, sans qu'on me les impose."

Et que répond Jean-Luc Hees à l'animateur, visiblement blessé ?

 

picto "Ca  coûte pas cher de se déclarer solidaire 30 secondes"…

Devant cette réaction très détachée, certains s'offusquent. "Politique de la terre brûlée, irrespect des auditeurs, entreprise d'autodestruction... jusqu'où cette direction veut-elle aller ?, s'interroge le SNJ de Radio France. Martine Aubry, le "petit pot à tabac" elle-même, défend "le droit à la moquerie et même à l'outrance". Les humoristes Guy Bedos et Guy Carlier ont, eux, estimé que Jean-Luc Hees, avait "changé" depuis sa nomination par Nicolas Sarkozy.

Pourtant, il faut reconnaître à Hees une certaine constance. En avril 2009, lors de son audition par le CSA, il s'était déjà exprimé sur la place qu'il réservait à l'humour. Comme nous l'avions relevé, il avait notamment déclaré d'un ton badin : "L'impertinence, j'ai toujours eu un petit souci avec ça."

ce contenu se trouve aussi dans le(s) dossier(s) : Hees : l'Elysée s'offre Radio France



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