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29 août 2010

Royal : le sarkozysme détruit le pacte républicain

 

 

Ségolène Royal - Carte Blanche | Vendredi 27 Août 2010

 

Selon Ségolène Royal, présidente PS de la région Poitou-Charentes, le clan qui est à la tête du pays confond intérêts privés et publics, et, face à lui, l’opposition manque de réactivité.


 

(wikimedia commons - Guillaume Paumier)

(wikimedia commons - Guillaume Paumier)

 

 

Marianne : Depuis quelques semaines, vous dénoncez le climat épouvantable créé par l’annonce des mesures destinées à lutter contre l’insécurité…

Ségolène Royal : Quels sont les faits ? Depuis trois ans, le président de la République n’a pas obtenu les résultats qu’il escomptait dans la lutte contre l’insécurité. Cet échec se voit désormais à un tel point qu’il a organisé en catastrophe ces mises en scène indignes sur les migrations de la misère. Mais le paradoxe n’en est pas moins évident : dénoncer la « politique sécuritaire » demeure parfaitement contre-productif. Car, dans « sécuritaire », il y a « sécurité ».

Je ressens une véritable aspiration à la sécurité dans les catégories populaires. La preuve ? En présence d’une offre unique, celle de Nicolas Sarkozy, les citoyens adhèrent mesure par mesure. Il faut sortir de l’aveuglement théorique de l’élite politique – y compris d’une certaine élite politique de gauche. Il est grand temps de comprendre que l’insécurité est un problème global, indissociable de la question sociale en général, cette précarité au quotidien que vivent des millions de familles hantées par la peur de l’avenir pour leurs enfants.


Que penser, alors, du silence assourdissant de certains de vos amis du PS dès lors que l’on évoque l’insécurité ?

S.R. : Ce silence est à double tranchant. Il a un aspect positif : la droite attendait que la gauche tombe dans le piège tendu, qu’elle s’excite, qu’elle vitupère. Sarkozy, qui cherchait à occulter les affaires de corruption et à faire oublier la grave remise en cause du droit à la retraite, aurait alors eu gain de cause. Mais des Français interprètent différemment cette retenue : les socialistes ne seraient pas tous sur la même ligne. Ils ont bonne mémoire, ils se souviennent des polémiques consécutives à mes projets fermes et volontaristes en matière de sécurité.


Le PS n’aurait donc rien « inventé » sur la sécurité depuis vos propositions de campagne, en 2007 ?

S.R. : Sincèrement, pas grand-chose, excepté la dénonciation de la suppression de la police de proximité, et celle de la suppression de nombreux postes de policiers. Mais les choses vont avancer, j’ose l’espérer…


Pourquoi cette difficulté persistante des socialistes et de la gauche dès qu’il s’agit de sécurité ?

S.R. : Parce que certains, à gauche, continuent à dire que seule la question sociale est centrale. Moi, je pense que le défi est à la fois social et sécuritaire. Je dis que la question de la sécurité est une question sociale. Dans le nouveau contexte global d’insécurité sociale et morale, les Français issus des catégories populaires et de la classe moyenne se sentent menacés par le « descenseur » social.


Mais convenez tout de même que le PS est désormais moins « laxiste »…

S.R. : Bien sûr, mais quel dommage que cette évolution n’ait pas pu commencer dès l’élection présidentielle de 2007. A cette époque, certains me raillaient : l’« ordre juste », c’est « juste l’ordre »… Aujourd’hui, il faut montrer aux Français qu’il n’y a pas de fatalité à ce que nos sociétés deviennent de plus en plus violentes. Mais, quand la délinquance financière se donne libre cours au sommet de l’Etat, il est très compliqué de demander aux jeunes de respecter la loi. Ce point-là n’est jamais évoqué…

Je trouve immoral que Nicolas Sarkozy puisse donner des leçons de sécurité alors que ses amis et lui-même sont l’incarnation même de la fraude financière et du trafic d’influence présumés. J’espère que la justice pourra aller jusqu’au bout et mettre au jour les mécanismes d’un système corrompu.


Dominique de Villepin est encore plus sévère que vous envers Nicolas Sarkozy…

S.R. : Il a du souffle, ses mots sont forts et pesés. Ils conviennent à la gravité de la situation.


Faut-il, sur la question de la sécurité, rassembler, comme le suggère Villepin, un « arc républicain » ? Et comment ?

S.R. : J’ai toujours pensé que les affaires d’immigration et de sécurité devaient être dépolitisées et permettre de rassembler les républicains. Quand on transforme ces enjeux en clivages, c’est anxiogène. Or, ce sont des sujets difficiles qui demandent un véritable sens des responsabilités.


L’« arc républicain », c’est la bonne stratégie pour contrer Nicolas Sarkozy ?

S.R. : Après avoir rassemblé la gauche et les écologistes, c’est à un tel rassemblement qu’il faudra travailler. C’est d’ailleurs ce que j’ai réalisé dès le premier tour des élections régionales avec un arc allant des syndicalistes jusqu’aux centristes humanistes et ce, malgré l’hostilité des appareils politiques. Aujourd’hui, comme en témoigne la virulence de la presse internationale, tous nos amis à l’étranger sont décontenancés face à ce qui se passe en France. Cela signifie que la France de Nicolas Sarkozy ne correspond plus à son message de civilisation. C’est donc une certaine idée de la grandeur de la France – et de l’exemple qu’elle a vocation à diffuser dans le monde entier – qui peut et doit animer une convergence républicaine. Si on veut que la France reste le pays des Lumières, il faut empêcher qu’elle ne tombe dans l’obscurantisme, qu’elle ne devienne la proie de l’insécurité sociale.


Elle vous semble fortement engagée sur cette voie ?

S.R. : Quand on interroge les citoyens sur les éléments qui les font se sentir français, le drapeau et la Sécurité sociale viennent en tête. L’identité française est étroitement liée aux luttes sociales, depuis la Libération et le programme du Conseil national de la Résistance. Or, le sarkozysme ronge et détruit le pacte républicain.

C’est un clan qui, à la tête du pays, confond ses intérêts privés avec les intérêts publics, un clan qui n’est au service que de lui-même, avec, en face, une opposition qui réagit parfois à retardement. Qu’on ait pu, par exemple, laisser parler Eric Woerth, à l’Assemblée nationale, en tant que ministre du Budget, sans avoir préalablement imposé qu’il abandonne son poste de trésorier de l’UMP, voilà qui constitue une atteinte intolérable aux principes élémentaires de la morale publique.


Vous parliez à l’instant d’« insécurité sociale ». Le PS ne doit-il pas clarifier sa position sur les retraites ?

S.R. : Le recul du droit à la retraite est un vrai scandale. Un scandale fait pour alimenter un système financier qui réclame, aujourd’hui, des sacrifices sociaux. Tout est incohérent dans cette réforme. On va obliger les Français à travailler plus longtemps, alors que le chômage des jeunes bat des records et que les besoins de financement de la Sécurité sociale sont autant dus à un manque de rentrée de cotisations – en raison du chômage – qu’à un allongement de la durée de vie. La fuite en avant vers le « travailler plus en gagnant moins » ne réglera rien ! Sur ce sujet, contrairement à ce qui est souvent dit, les propositions du PS sont bonnes et très précises. Elles prouvent qu’une autre politique est possible.

MARIANNEPropos recueillis par Gérald Andrieu, Alexis Lacroix et Vanessa Schneider dans    MARIANNE

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