Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Visiteurs
Depuis la création 1 378 957
Newsletter
9 mars 2011

Le business caché de Me DSK (2000)

 

 

 onel Steinmann, Véronique Le Billon et Vincent Giret - publié le 16/03/2000 à 10:15

 

Son unité de compte, c'est Bill Gates ou Serge Tchuruk, pas le président du conseil général du Val-d'Oise ! » lance un proche de DSK. Mais ne cherchez pas la moindre trace des activités privées de Dominique Strauss-Kahn dans sa longue notice du Who's Who. Pas une ligne sur sa propre société de conseil ou sur sa carrière d'avocat d'affaires, pas un mot sur les quatre années pendant lesquelles il fut sous contrat avec plusieurs des plus grandes entreprises françaises. Cette histoire-là est exemplaire : elle illustre, jusqu'aux dérapages, les relations qu'entretiennent les hommes politiques avec le monde des affaires.

De mars 1993 à mai 1997, l'ancien ministre de l'Industrie et du Commerce extérieur dans les gouvernements d'Edith Cresson et de Pierre Bérégovoy mène trois existences parallèles, totalement cloisonnées. La première, publique, se déroule dans les sphères de la vie politique : battu comme plus de 200 députés socialistes, il quitte les allées du pouvoir, redécouvre les servitudes d'un conseiller municipal d'opposition de la ville de Sarcelles et milite avec un enthousiasme inégal au Parti socialiste. Sa deuxième vie, officielle et bénévole, se tient derrière les portes fermées du puissant lobby français du Cercle de l'industrie, qu'il a créé avec une trentaine de grands patrons, grâce à un réseau exceptionnel cultivé de son bureau de ministre. Elle se nourrit de dîners confidentiels autour d'invités influents, de missions discrètes à Bruxelles et de petits services.

La troisième vie de DSK est secrète et rémunérée : comme consultant puis comme avocat d'affaires, il traite de multiples dossiers confidentiels, directement dans le bureau des présidents d'entreprises françaises. Ces contrats lui rapportent jusqu'à 2 millions de francs par an. Il est salarié de fait de quatre grandes entreprises, Alcatel, EDF, la Cogema et la Sofres. Même ses amis du Cercle ignorent ses activités.

Au printemps 1993, Dominique Strauss-Kahn quitte donc ses attributs de ministre de la République et s'habille en ministre privé. Il est l'unique ordonnateur de ces trois vies parallèles. Son assistante gère un agenda secret au crayon à papier et à la gomme. DSK se lance dans un périlleux numéro d'acrobate, sans douter de ses capacités ni s'interroger sur ce mélange des genres qu'il est sans doute le premier dans ce pays à pousser si loin. Cette audace le conduira à commettre des faux pas qui décideront les juges à le mettre en examen, d'abord pour « faux et usage de faux » dans l'affaire de la Mutuelle nationale des étudiants de France (Mnef), puis pour « complicité et recel d'abus de biens sociaux » dans l'affaire Elf.

Bruxelles utilise le consultant DSK

pour des missions diplomatiques

Cette vie secrète commence le 1er septembre 1993. Ce jour-là, la famille Strauss-Kahn se réunit pour signer les statuts de sa société de conseil, DSK Consultants. Une appellation plurielle pour une réalité au singulier : Dominique Strauss-Kahn sera le seul et l'unique consultant du cabinet. Autour de lui, gages de discrétion absolue, son épouse Anne Sinclair, sa mère, sa fille, son frère et sa soeur. Cibles privilégiées du consultant, les entreprises des secteurs de l'énergie, du nucléaire et des télécommunications. La ligne éthique que se fixe DSK tient en peu de mots : pas de relations d'affaires avec des entreprises étrangères ni d'intervention dans des affaires franco-françaises.

Les contacts qu'il noue à Bruxelles pour le compte du Cercle de l'industrie lui permettent d'engranger ses premiers contrats. Fin 1993, il est approché pour le compte d'Eurométaux, l'association européenne des métaux. Celle-ci lui commande une étude destinée à évaluer les possibilités de fermetures de sites de production. Peu après, Métaleurop, une entreprise franco-allemande, lui demande d'aller défendre ses intérêts devant la Direction générale de la concurrence à Bruxelles.

L'Union européenne utilise d'ailleurs volontiers le consultant Strauss-Kahn pour des missions diplomatiques. Le commissaire britannique Leon Brittan, invité aux dîners du Cercle, lui propose une mission en Corée du Sud pour dédramatiser les relations difficiles que ce pays entretient avec l'Union.

Alcatel, EDF... Strauss-Kahn très

actif auprès des grands patrons

Très vite, les grands patrons français manifestent leur intérêt pour le consultant DSK. Pierre Suard, d'abord, président d'Alcatel-Als-thom, géant mondial des télécoms. Si ce patron n'a pas daigné s'investir dans le Cercle de l'industrie, il a repéré l'entregent de l'ancien ministre et sa précieuse connaissance des arcanes européens. Alcatel veut engager un combat contre une loi européenne ­ une « directive » ­ visant à libérer les marchés publics des télécommunications. Pierre Suard décide d'utiliser le consultant privé Strauss-Kahn comme il avait autrefois fait appel au ministre. Les deux hommes signent un contrat qui va durer jusqu'à la fin de l'année 1996, soit dix-huit mois après le remplacement du président par Serge Tchuruk, un ami personnel de DSK. Au cours de ce long travail de lobbying, DSK obtiendra quelques concessions techniques, de caractère protectionniste. Au total, Alcatel lui aurait versé 2 millions de francs sur près de trois ans.

1 sur 4 page suivante

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
Vu au MACROSCOPE
Derniers commentaires
Archives
Publicité