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19 mai 2011

DSK éliminé, l'Elysée perd son adversaire préféré

 

«S'abstenir de commenter (l') affaire», faire preuve de «dignité» et de «hauteur de vue». C'est ce qu'a demandé Nicolas Sarkozy au gouvernement lors du conseil des ministres, mercredi 18 mai. La veille, il avait professé le même impératif de retenue aux dirigeants de sa majorité, lors du petit-déjeuner hebdomadaire à l'Elysée. «Le sang-froid, le courage, l'unité, et j'ajouterai la dignité, c'est la ligne de conduite de la majorité», a-t-il dit, ajoutant: «La préoccupation des gens, c'est leurs difficultés dans la vie quotidienne.»

Le chef de l'Etat, qui multiplie les déplacements sur le terrain, entend donner l'image d'une majorité au travail face à un PS englué dans l'affaire Strauss-Kahn.

Le 15 mai pourtant, après l'inculpation du directeur du FMI pour tentative de viol et séquestration, l'entourage de Nicolas Sarkozy déplorait le calendrier: «Cela arrive trop tôt.» «Cela serait arrivé à quinze jours de la présidentielle, cela aurait été le coup de théâtre qui l'aurait empêché d'aller jusqu'au bout», expliquait un conseiller du président.

Depuis des mois, l'Elysée travaillait à la neutralisation du directeur du FMI. Faisant courir le bruit que le chef de l'Etat se réjouissait d'affronter DSK, le «candidat du système», l'adversaire socialiste le plus facile à battre. Poussant la candidature de François Hollande. «On croyait aider Sarkozy (en mettant en valeur Hollande - Ndlr), avoue au Point un ténor de la majorité. On ne pouvait pas le deviner, mais c'était une erreur.»

«Les équipes de l'Elysée avaient préparé tout un argumentaire, pour mettre face à face les déclarations de Dominique Strauss-Kahn, directeur général du FMI, et le programme du parti socialiste jugé peu moderne. Il ne servira à rien. Il va falloir se préparer à un affrontement plus classique, gauche-droite», rapporte sur son blog le journaliste du Monde, Arnaud Leparmentier.

Nicolas Sarkozy se targue d'avoir gagné la bataille de la morale face au PS, mais il aurait sans doute aimé l'attaquer sur ce terrain pendant la campagne. L'un de ses collaborateurs ne le nie pas, «la démonstration vient d'être faite que les vulnérabilités et les addictions de DSK en faisaient un candidat plus facile à battre qu'Hollande». L'Elysée avait-il amassé des dossiers sur le point faible numéro un de DSK, son rapport aux femmes?

Nicolas Sarkozy s'est toujours vanté d'avoir placé DSK au FMI. A l'époque, cette stratégie était présentée comme un «coup double» du chef de l'Etat: poursuivre la politique d'ouverture et écarter provisoirement un concurrent. Mais peut-être était-ce aussi pour pousser Strauss-Kahn à la faute dans un éventuel scandale sexuel ?

 

 

Lors de la nomination du socialiste à la tête du FMI, le 28 septembre 2007, le chef de l'Etat se félicite aussitôt de cette «grande victoire pour la diplomatie française», rappelant au passage que «c'est ça, l'ouverture» (voir la vidéo)

 

 

En décembre 2009, le président en reparle. En déplacement dans le Bas-Rhin, il ironise sur ses débauchages à gauche, donc DSK. «Vous savez, au fond, ce qui manque au Parti socialiste, c'est un directeur des ressources humaines. Ils ont des talents, ils ne savent pas s'en servir. Franchement. Donc, j'ai choisi d'être leur directeur des ressources humaines», lance-t-il (voir la vidéo).

En novembre 2010, rebelote. Avant une rencontre avec le directeur du FMI pour préparer la présidence française du G20, Sarkozy explique qu'il n'a «aucun problème» à travailler avec lui: «Dominique Strauss-Kahn est un homme pour qui j'ai beaucoup de considération, je vous rappelle qu'il était mon candidat au FMI.»

 

Une affirmation qui ne plaît pas à Dominique Strauss-Kahn, lequel rappelle régulièrement qu'il doit plutôt sa nomination au premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker (voir la vidéo).

 

«On a des photos, elles existent! On les fera circuler!»

Nicolas Sarkozy avait mis en garde DSK avant son départ à Washington, au cours d'un de leurs entretiens privés: «Méfie-toi des Etats-Unis; là-bas, les comportements personnels sont regardés à la loupe», lui avait-il dit en substance. Le chef de l'Etat pensait-il pousser DSK à la faute en l'envoyant outre-Atlantique?

Le 9 juillet 2007, Jean Quatremer, le correspondant de Libération à Bruxelles, avait soulevé, sur son blog, le «seul vrai problème de Strauss-Kahn»: «son rapport aux femmes». «Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). Or, le FMI est une institution internationale où les mœurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusion trop précise, et c'est la curée médiatique», écrivait-il.

«Le président l'a soutenu pour son talent, mais il connaît aussi ses faiblesses: il confie souvent que, si DSK se présentait à l'Elysée, sa vie “serait passée au laser” – c'est son expression. Et il pense qu'elle ne résisterait pas à l'examen...», expliquait L'Express en octobre 2008, lors de la première affaire de Strauss-Kahn au FMI (une liaison avec Piroska Nagy, l'une de ses subordonnées). 

«Si DSK revient, des affaires sortiront (...) Dès qu'il partira en campagne, il se prendra des Exocet», aurait d'ailleurs encore lâché Nicolas Sarkozy, le 19 janvier dernier, devant des journalistes reçus à l'Elysée (selon Le Canard enchaîné du 2 février 2011). «Strauss-Kahn ne viendra pas. Il sait trop bien tout ce qui l'attend», aurait-il aussi estimé.

Jean-Christophe Cambadélis, l'un des lieutenants de Strauss-Kahn, n'a pas oublié cette phrase. «Je ne suis pas du tout, loin de là, un adepte des complots, a-t-il réagi le 15 mai, au siège du parti. Mais j'ai encore en tête le fait qu'on avait promis à DSK le feu nucléaire dès qu'il ferait ses premiers pas de candidat.» «C'est toute la droite qui menace depuis un an dans les déjeuners d'avoir des photos et des dossiers» sur DSK, a précisé dans la foulée un responsable socialiste.

L'Elysée a-t-il amassé des documents compromettants sur DSK à dégainer pendant la campagne? C'est la thèse que soutenait, déjà en février, un député ami de Strauss-Kahn. «Mes contacts dans la magistrature m'ont confié que les magistrats proches de l'UMP cherchaient des éléments susceptibles de gêner Dominique», assure -t-il. «Les limiers de la droite seraient en chasse depuis quelque temps, au cas où», écrivait Le Point.

Une «chasse» dont Frédéric Lefebvre, l'ancien lieutenant de Sarkozy, ne se serait pas caché, selon les journalistes Antonin André et Karim Rissouli, auteurs de Hold-ups, arnaques et trahisons (sorti le 10 septembre 2009 aux éditions du Moment). A l'automne 2006, Frédéric Lefebvre, alors chef de cabinet du président de l'UMP, évoque, lors d'un déjeuner avec les auteurs, les handicaps supposés de Dominique Strauss-Kahn en vue d'une élection présidentielle. «Il ne tiendrait pas une semaine. On a des photos, elles existent! On les fera circuler, ça ne plaira pas aux Français!», lâche-t-il. Dans leur livre, les auteurs assurent que ces clichés existent bel et bien, citant le témoignage d'une attachée de presse qui les aurait vus et précisant que, par conséquent, ces documents seraient «susceptibles de resurgir à tout instant en pleine campagne électorale».

Des affirmations démenties par Frédéric Lefebvre, mais maintenues par les auteurs. Quelques jours après la sortie du livre, le 25 septembre, DSK lui-même évoque «les prétendus dossiers et photos» accumulés contre lui. Entre deux séances lors du G20 à Pittsburgh, le directeur du FMI croise de façon impromptue le chef de l'Etat aux toilettes. Il le met en garde, dans un échange vif rapporté dans Le Point: «J'en ai plus qu'assez des ragots répétés sur ma vie privée et sur les prétendus dossiers et photos qui pourraient sortir contre moi. Je sais que tout ça part de l'Elysée. Alors, dis à tes gars d'arrêter ou sinon je saisirai la justice.» Nicolas Sarkozy s'était défendu en protestant de sa bonne foi.

Pour contrer ces insinuations, Strauss-Kahn charge alors son avocat parisien – Me Jean Veil – de déposer plainte contre «toute nouvelle assertion diffamatoire» (ce qu'a confirmé l'avocat). A l'époque, François Rebsamen avait d'ailleurs prévenu DSK: «La campagne sera très dure. Il faudra résister familialement.» Michel Destot prédisait lui «une campagne épouvantable», l'ancien ministre UMP Antoine Rufenacht une campagne «dégueulasse» avec des «flèches contre son genre de vie ajoutées à celles sur le fond (qui) devraient le décourager de se présenter». A tel point qu'Anne Sinclair et la fille aînée de Strauss-Kahn se seraient dites, à Noël, hostiles à la candidature de leur mari et père, redoutant de violentes attaques.

Le 28 avril dernier, l'ancien ministre de l'économie de Jospin se plaint à nouveau. Au cours d'un déjeuner avec les journalistes de Libération, il évoque lui-même les principales difficultés qu'il s'apprête à affronter en vue de 2012: «Le fric, les femmes et ma judéité.» Il fait allusion à des «photos de partouzes géantes» qui circuleraient sous le manteau des initiés: «Qu'ils les montrent!», s'exclame-t-il, avant de terminer sur un scénario paroxystique, un complot dont il serait la victime: «Une femme qu('il aurait) violée dans un parking et à qui on promettrait 500.000 ou 1 million d'euros pour inventer une telle histoire...»

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