Jean Luc Melenchon, sur Nice Matin (reportage particulièrement étoffé)

26 mai 2011

Jean Luc Melenchon, sur Nice Matin (reportage particulièrement étoffé)

Les deux pages "Jean Luc MELENCHON FACE A LA REDACTION DE NICE MATIN " du 25 mai 2011

(et à la suite, les réactions ...)

Je t'aime... Moi non plus. Le rapport que Jean-Luc Mélenchon entretient avec la presse est décidément particulier. En arrivant au siège du journal, hier après-midi, le coprésident du Parti de gauche ne résiste pas à la tentation d'aller visiter les rotatives de Nice-Matin. Ce n'est pas l'homme politique, mais bien l'ancien correcteur d'imprimerie qui disserte sur l'évolution du métier. Se souvient du « plomb ». Trouve l'iPad « formidable ».
Appliqué, posé et respectueux pendant près d'une heure et demie d'entretien, le député européen qui confond parfois plateaux télé et studios de radio avec des rings de boxe se révèle doux comme un agneau. Froncements de sourcils, regards appuyés, gestuelles : selon les sujets abordés perce le talent du comédien. Auto-proclamé grande gueule de la campagne présidentielle, Jean-Luc Mélenchon n'est pourtant pas là pour faire de la figuration.
On le sait depuis janvier : il sera candidat en 2012. Et bien qu'il s'en défende, on soupçonne qu'il ira jusqu'au bout. Avec ou sans le soutien du PC. Quelque soit le candidat du PS. Partisan d'un « Front de gauche élargi », le député européen a perdu coup sur coup un rival - Olivier Besancenot, qui jette l'éponge - et une bête noire, Dominique Strauss-Kahn. Même s'il plafonne dans les sondages, on sent que Mélenchon n'a pas dit son dernier mot.
En embuscade, il cultive ses fondamentaux sur le terrain comme hier à Nice et aujourd'hui dans le Var. Ennemi juré des « banqsters », du « précariat » et de la « médiacratie », Jean-Luc Mélenchon s'amuse à inventer des mots en attendant patiemment la « révolution citoyenne » qu'il appelle de ses vœux. N'a-t-il pas peur de faire peur ? « Pour être un accoucheur de l'humanité, il faut être délicat ». La révolution oui, mais en douceur...

DENIS CARREAUX

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« DSK incarnait le contraire de ce que nous demandions »

Comment avez-vous réagi à l'arrestation de DSK?

Ma réaction a été davantage sur un plan humain que sur un plan politique. J'ai ressenti l'état de sidération dans lequel beaucoup de gens se sont retrouvés, comme moi, déchirés entre deux compassions : l'une pour quelqu'un qu'on voit dégringoler vertigineusement, et l'autre pour la victime présumée. Depuis, cette histoire me saoule. Je trouve qu'on en fait vraiment beaucoup, avec un contenu informatif extrêmement faible et au détriment d'une actualité qui devrait davantage retenir notre attention.

Vos critiques les plus vives ont toujours visé DSK patron du FMI.

La situation était devenue absolument inouïe. On nous confrontait tous les jours comme candidat du principal parti d'opposition à quelqu'un qui incarnait tout le contraire de ce que nous demandions, et refusait de s'exprimer sur quelque sujet que ce soit. Si bien que toute la vie politique à gauche était résumée à la question du vote utile qui est vraiment l'aspect le plus dérisoire du débat politique.

Le retrait de DSK vous arrange-t-il ?

Ni ne m'arrange ni ne me dérange. Dans le moment, il est clair que ça crée un certain confort de situation.Je ne joue pas la comédie. Je n'étais pas d'accord avec lui, il n'est plus là. Je pense que maintenant nous avons une autre situation.

Quel impact sur la primaire du PS?

Les socialistes vont nécessairement avoir un débat politique différent de celui qu'on nous annonçait.Avant, c'était oui ou non à DSK. Une espèce de plébiscite. Là, il va falloir que Martine Aubry explique pourquoi elle est différente de François Hollande et François Hollande devra dire ce qu'il pense de Montebourg, qui parte quasiment avec mes mots.

Comment pensez-vous entrer dans ce débat ?

Nous y figurerons dignement parce que, et que chacun se le dise une bonne fois pour toutes, il n'y a aucune victoire de la gauche possible dans ce pays qui se fasse sans nous et bien sûr contre nous. C'est impossible. Par conséquent, d'une façon ou d'une autre, les socialistes, que ça leur plaise ou pas, devront nous dire s'ils sont pour la VIe République, pour la planification écologique, pour la sortied'Afghanistan et pour la sortie du Traité de Lisbonne. Que ça leur plaise ou pas car si le camp de droite s'est homogénéisé idéologiquement, nous nous sommes gravement fractionnés en deux positions aujourd'hui complètement séparées. Si les uns sont prêts à accepter des situations à la grecque, les autres s'y refusent absolument. Par conséquent, c'est toujours à celui qui est le plus fort, et actuellement ce sont les socialistes, de faire le premier pas. Qu'on ne vienne pas me demander à moi de le faire.

Qui peut homogénéiser le camp de gauche?

Honnêtement,, on ne voit pas. Si quelqu'un peut homogénéiser le camp de gauche, c'est le peuple suivant les indications qu'il va donner. La meilleure des preuves, c'est ce qui se passe en Espagne. Jusqu'à présent, les hommes d'appareil se satisfont de survivre sur des océans d'abstention. Ils repoussent le problème. J'ai même entendu DSK dire que le résultat des élections intermédiaires en Grèce confortait sa politique. Il ne s'était pas ému de ta disparition de la moitié des électeurs.

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SANS LE RASSEMBLEMENT JE NE SUIS PLUS CANDIDAT

Olivier Besancenot s'est retiré de la présidentielle de 2012. Est-ce une bonne nouvelle pour vous?

Le retrait d'Olivier Besancenot donne à méditer. Car il y a un véritable épuisement psychologique chez cet homme courageux qui a beaucoup donné et cela en dit long sur le caractère monstrueux de ce qui est attendu d'un candidat dans un système présidentiel. Il y a une démesure de l'engagement qui prend un caractère éradicateur de la vie de l'intéressé. Cet homme jeune a jeté l'épongeplutôt que de se laisser épuiser par un système éreintant. Ensuite son retrait correspond à une impasse politique : une stratégie construite sur l'attente d'un événement « révolutionnaire qui renverse la table » a un contenu concret limité. Surtout ' quand il y a une urgence politique.

Le Parti communiste devrait décider dans les semaines qui viennent s'il présente son candidat ou s'il vous soutient. Quelles seront les conséquences pour vous?

C'est une discussion très ouverte. Sur la table, il y a plusieurs candidatures dont la mienne, déclarée en accord avec le calendrier communiste. Ma candidature a un seul sens : continuer, renforcer et élargir encore le « front de gauche ». Cela implique que sa diversité soit affichée. Aujourd'hui, nous sommes 8500 et au PC ils sont 100000. Donc si le PCF soutient ma candidature, c'est qu'il privilégie le rassemblement comme méthode efficace. Si cela échoue, le projet de rassemblement aura avorté.

Clairement, si le Parti communiste et le NPA présentent leur candidat, vous renoncerez?

Bien sûr! Je ne propose ma candidature que dans une seule configuration : le rassemblement ! Je ne suis pas un aventurier. Nous n'avons pas créé le Parti de gauche pour porter un personnage. Ce n'est pas le rassemblement pou le candidat : c'est un candidat pour un rassemblement.

Vous stagnez à 5 % dans les sondages. Vous êtes déçu ?

Cela fait partie des difficultés de la vie. Leur valeur scientifique est égale à zéro mais elle donne lieu à des manipulations.

Quelles sont vos relations avec J.-P. Chevènement ?

Je le rencontre régulièrement et je ne suis jamais reparti sans avoir appris quelque chose. Quant à 2002, on lui impute la défaite et c'est totalement injuste !

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LE MINISTRE DE L'INTERIEUR SE COMPORTE DAVANTAGE EN PYROMANE QU'EN POMPIER

Avez-vous été choqué par les derniers propos de Claude Guéant sur l'immigration ?

Un ministre de l'Intérieur ne doit pas parler comme ça. Il doit travailler à la concorde civile, prendre des dispositions pour que nous

consentions à l'ordre. Aujourd'hui, le ministre se comporte davantage en pyromane qu'en pompier et d'une manière extrêmement

blessante.

Marine Le Pen peut-elle être au second tour en 2012 et l'emporter?

Il n'y a aucune hypothèse dans laquelle elle l'emporte. Nous revivons une figure classique de l'histoire. Il y a une grande crise économique et le FN remplit la fonction habituelle des partis d'extrême droite, c'est-à-dire contester à la gauche le terrain populaire. La droite classique a, quant à elle, choisi comme parade de parler comme eux. A mon avis, ils jouent avec le feu. Mme le Pen peut progresser si elle prend le leadership de la droite et si la gauche est assez stupide pour continuer à proposer du cosmétique pour réparer les malheurs du monde.

On dit Sarkozy dynamique au plan international Etes-vous d'accord?

Il le fait à sa manière qui n'est pas toujours lisible. Entre ce qu'il dit sur la réforme du capitalisme mondial et ce qu'il pratique dans son propre pays, tout le monde a quand même vu qu'il y avait une différence. Il est assez peu courant que quelqu'un soit crédible au plan international quand il fait exactement le contraire chez lui. C'est une très grande faiblesse de son discours.

Soutenez-vous la candidature de Christine Lagarde au FMI ?

Certainement pas. Je suis pour un organisme de type onusien, un pays une voix, mais pas ce truc où un pays, les Etats Unis, a le droit de veto. Il n'est pas acceptable que le sort du monde soit réglé par ces gens. Ce sont eux qui ont approuvé que les Etats-Unis relancent leur économie, en demandant aux pauvres d'emprunter. C'est leur trouvaille qui a conduit à la crise des subprime. On comprend que lorsque la crise ait éclaté, les mêmes soient incapables de proposer une alternative.

Vous sentez-vous concerné par le débat sur la suppression des panneaux annonçant les radars ?

On ne peut pas faire autrement que réprimer les comportements délictueux. Mais ce ne sont pas les radars qui font la différence entre la vie et la mort. C'est toutefois assez habile politiquement de la part de la majorité, car ça occupe le devant de la scène.

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« Mes méthodes seront vigoureuses »

Parmi tes piliers de votre programme figure te passage à une VIe République. Que sera-t-elle au juste?

Les Français ont besoin de refonder la Réublique. Nous pensons qu'il faudra commencer par la convocation d'une Constituante. C'est le modèle qui a prévalu dans toutes les révolutions en Amérique latine et c'était le premier point au programme après les événements de Tunisie et de Libye. Nous, les Français, que ferions-nous de cette Constituante ? Nous opterions pour un modèle parlementaire. Nous étendrions ensuite les domaines dans lesquels on fait appel au vote et à la démocratie. Je suis par exemple partisan du fait que dans les médias publics, les citoyens votent sur une liste d'aptitude pour désigner le président de France Télévisions. De la même manière, il faut étendre les droits civiques dans l'entreprise. Et ainsi de suite... Il faut que le peuple brassé que nous formons se retrouve à nouveau par le bain de jouvence d'une Constituante.

Jusqu'où doit aller le « partage radicalement différent des richesses » que vous préconisez ? Comment éviter qu'il soit source de divisions ?

Dans l'ancien vocabulaire, on appelaitça la lutte de classes. Aujourd'hui, il s'agit de bouger le curseur au profit des salariés. Je propose des méthodes raisonnables : établir un cercle vertueux des salaires. Le plus haut salaire ne peut pas être supérieur de plus de vingt fois au plus bas. Mais je suis disponible pour une fourchette plus resserrée. En fait, je suis très gourmand des réactions à ce sujet. Je propose aussi un revenu maximum : pas plus de 360 ooo € par an. Il faut savoir de quoi on parle : cela concerne 0,05 % de la population. Je signale que du temps de Roosevelt, qui n'était pas un bolchevik, la dernière tranche des impôts était à 91 % ! Jusqu'à une date récente, dans notre pays, elle était à 70 %. Ce que je voudrais faire, c'est rétablir le curseur dans la dignité. Rétablir la décence et la méritocratie.

Comment jugez-vous l'idée de Nicolas Sarkozy d'accorder une prime de 1000 € aux salariés dans les entreprises bénéficiaires ?

Je ne suis pas d'accord. Une prime, c'est une fois. Or ce que nous demandons, ce sont des augmentations de salaires. En outre, cette prime a fondu au dégraissage : très vite, il n'en restait plus rien. Et puis, cette prime, c'est un peu « à votre bon cœur messieurs-dames ».

Alors que vous prônez te rassemblement à gauche, te « style Mélenchon » est toujours aussi radical. Peut-on rassembler en étant adulé ou haï ?

J'ai une stratégie politique : il ne suffit pas d'avoir un programme, il faut aussi une méthode, un certain « toucher de balle » pour faire avancer des idées. En ce moment, il ne faut rien cacher de la radicalité des solutions, le ne vois pas pourquoi je serai onctueux. Je dis aux Français : le système financier international va agresser notre pays. Je ne veux pas cacher que mes méthodes seront vigoureuses. Elles ne peuvent pas être portées par un personnage ectoplasmique. Il faut que le style rejoigne le programme.

Elkabbach, Denisot, Demorand... : vous vous êtes fait une spécialité des clashs avec tes journalistes. Quel est votre problème avec eux ?

Ce sont certains journalistes qui ont un problème avec moi, et non l'inverse ! J'ai le sentiment de n'être pour rien dans cette situation. A la longue, je me suis aguerri. J'ai pris des coups et j'ai appris à les rendre. Mais je ne tiens pas du tout à cette situation conflictuelle.

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S'il devait choisir entre......

EVA JOLY OU NICOLAS HULOT ?

L'une n'est pas écolo, l'autre n'est pas de gauche. Que le meilleur

gagne...

BERNARD-HENRI LEVY OU JEAN-FRANÇOIS KAHN ?

Kahn, en dépit de ses sottises mais pour sa gentillesse.

JEAN-PIERRE ELKABBACH OU ERIC ZEMMOUR ?

[longue hésitation] Elkabbach, il est du Sud.

JACK LANG OU ROLAND DUMAS ?

Pftff.... J'ai travaillé avec Jack Lang, je sais où lui faire mal.

ANNE SINCLAIR OU CARLA BRUNI-SARKOZY ?

Elles sont à deux extrêmes de la vie en ce moment. L'une doit être affreusement malheureuse et l'autre extrêmement heureuse.

C'est dit!

Economies

« Vous trouvez des ouvriers qui coûtent moins cher, je trouverai des patrons qui coûteront moins cher. » [A Christophe de Mar-gerie, p.-d.g. de Total]

Blanc bonnet

« Les mandarins de gauche sont aussi conformistes que les mandarins de droite. » [A ses amis du PS]

Racines

« Je n'ai pas un seul grand-père français et pourtant j'aime ma patrie. »

Sondages

« Je dispose d'une grenouille dans un bocal, qui me donne entière satisfaction. »

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