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1 juin 2011

Du scandale Strauss-Kahn au clivage de la société

Qu’il soit partisan du complot ou de la culpabilité, chacun a un avis et des arguments à faire valoir sur l'affaire Strauss-Kahn.
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C’est le plus gros scandale de la sorte depuis qu’à la fin du XIXème siècle un président de la République rendit l’âme dans les bras d’une prostituée. Mais ce scandale ne fit pas un feuilleton. Il bousculait les consciences de l’époque mais sans cliver la société. Il ne pouvait pas y avoir des « pro » et des « anti ». Avec l’affaire Strauss-Kahn, en revanche, il y a deux camps très tranchés : les défenseurs et les contempteurs, les partisans et les adversaires de l’existence d’une forme de complot. A ce titre, elle restera dans les annales comme une affaire brûlante.

Sauf en cas d’aveux, si l’accusé se déjuge, en plaidant coupable, ou si la victime se dédit, en disant qu’elle a menti, il y aura toujours des convaincus dans un sens ou dans un autre. En effet, il n’y aura pas véritablement de jugement par ordalie, par les éléments. Le jugement entérinera une version des faits. Il établira une forme de vérité officielle mais pas de certitude absolue. Il consacrera l’habileté de l’une ou l’autre des parties. Le procès sera gagné par champions interposés, les avocats. Mais il ne fera pas taire la rumeur, il ne supprimera pas les doutes.

Chaque camp dispose, comme il se doit, d’arguments convaincants sinon solides. Chacun raisonne de toute façon, faute de disposer de données avérées, par extrapolation. Du côté des « complotistes », il ne s’agit pas d’incriminer une conjuration, mais de gloser sur des incohérences factuelles, en suggérant que la haute valeur de DSK lui aurait valu un peu partout des inimitiés… Du côté des « coupablistes », il ne s’agit pas de se réjouir de la chute d’une icône, mais de juger l’intéressé archi-coupable et en parfaite cohérence avec un passé parsemé de signes avant-coureurs… Les arguments en présence se défendent. D’autant que les uns comme les autres se renvoient à la figure l’improbabilité du schéma adverse « trop gros pour être vrai ». Les uns et les autres se veulent des gens à qui on ne la fait pas. De part et d’autre, on prétend à la sagacité.

Chacun prétend être clairvoyant

Complotistes et coupablistes abusent d’une lecture rétrospective qui invite le passé à corroborer leur conviction. Les premiers soulignent que DSK en personne avait confié, peu de temps auparavant, qu’il s’attendait à être attaqué sur sa vie sexuelle. C’est bien la preuve ! Ridicule, ripostent les seconds, qui observent que plusieurs témoignages, peu suspects de partialité puisqu’émanant des propres rangs du parti socialiste, faisaient état d’une conduite éhontée et brutale. Ça coule de source ! Grotesque, rétorquent les complotistes : ces vagues rumeurs n’étaient pas établies, la seule chose que l’on savait est que DSK est un séducteur et il n’y a pas de mal à cela. Faux, objectent les coupablistes : on soupçonnait fortement des choses répréhensibles, mais par définition difficiles à établir, parce que l’entourage de l’intéressé faisait pression, le parti socialiste faisait la sourde oreille et les journalistes sifflotaient d’un air détaché en regardant ailleurs.

La presse anglo-saxonne penche en faveur de cette dernière interprétation. Dans le Financial Times, Peggy Hollinger ironise sur la « pruderie » avec laquelle les journalistes français abordent la vie privée des hommes publics. Les autres vont plus loin en évoquant l’abus de pouvoir d’une rétention délibérée d’information. L’International Herald Tribuney voit de la couardise et de la déférence pour l’impunité des puissants. Dans le Guardian, Deborah Orr compare cette consigne à la « super-injonction » du système juridique britannique. Le New York Timesévoque un « code du silence » servant à étouffer certaines révélations.

Comme Balladur à la présidentielle de 1995, le mari d’Anne Sinclair était, cette fois, le candidat chouchouté des médias. Les citoyens étaient moins invités à choisir, entre lui ou un autre, qu’à ratifier son élection ou à voter contre. C’est pourquoi la rue de Solferino a donné le ton des premières réactions. Avec plusieurs contradictions. Ceux qui suggèrent un complot sont ceux-là même qui, d’habitude, claironnent que les complots c’est absurde et d’ailleurs cela n’existe même pas. Ceux qui font, d’ordinaire, des déclarations enfiévrées en faveur du peuple trahissent une forme de mépris (pas mort d’homme, troussage de soubrettes...).

Finalement, le bilan de Dominique Strauss-Kahn à la tête du FMI ne mérite pas tant de louanges. Il fut, certes, fin politique et diplomate avisé. Et faute de grives, on mange des merles. Mais comme économiste, son action fut très inégale. Il n’a montré aucune compétence particulière sur des questions aussi essentielles que les produits dérivés ou le Yuan. Au lieu de voir venir la crise qui couvait, il fit encore partie des optimistes en avril 2008. En recrutant à tour de bras de nouveaux fonctionnaires internationaux, il fit gonfler les effectifs du FMI sans accroître son efficacité. Il a tiré la couverture à lui sans apporter de réponse concertée au règlement de la crise des dettes souveraines, sans améliorer la capacité d’anticipation ni le périmètre d’action du FMI.

Marc Crapez

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